Terre de l'homme

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Le rôle des femmes en matière de soins et d'exercice de la médecine (2ème partie)

 

Dans le précédent article, j’ai rappelé le long et difficile parcours de ces femmes qui, contre vents et marées, influencées, certes, par une éducation religieuse, se sont battues pour que l’on reconnaisse leurs services et leur activité dans les soins rendus aux malades. Animées par une vocation certaine et la foi, elles n’hésitaient pas à prendre tous les risques, peu soutenues par la hiérarchie médicale de l’époque.

Mélangés à la population des rues sales, aux odeurs nauséabondes, tous ces miséreux, infirmes, catarrheux, rongés par la vermine, porteurs de maladies contagieuses comme le choléra, côtoyaient mendiants, voleurs et quidams, ce qui multipliait les risques jusqu’à ce qu’il apparaisse politiquement nécessaire de consacrer des établissements, les premiers hospices, pour les recevoir sous l’autorité de congrégations religieuses.

Longue période moyenâgeuse, époque des épidémies de peste noire des années 1347-48, qui décimèrent la population des villes et des campagnes ravagées au cours de la guerre de Cent Ans, entraînant une sous-alimentation et des périodes de famine.

C’est dans ces années sombres, sous le règne de Philippe Le Bel, qu’intervint la condamnation de Félicie de Almeria en 1322. Interdite de soins médicaux sous peine de sanctions et d’excommunication, situation qui perdurera les siècles suivants sans changement.

Louis XIV eut beau fonder le célèbre Hôtel-Dieu et l’Hôtel des Invalides pour les mutilés de guerres, la situation n’évolua guère et les railleries acerbes de Molière envers les médecins et leur incompétence face aux maladies, auraient dû ouvrir les yeux des princes qui gouvernaient.

Toutefois, on laissa faire à ces soignantes et la prise en charge des soins de gynécologie et d’obstétrique, qu’on qualifiera de « matrones » ou « ventrières » s’attaquant à un rude chantier, compte tenu d’une mortalité infantile élevée et du décès en couches de trop nombreuses parturientes. La pudeur de l’époque voulait qu’on n’enlevât ni jupes ni jupons pour l’accouchement. La femme était assise au cours du travail, la « sage-femme » accroupie face à elle, pratiquait des gestes à tâtons voire à l’aveugle à travers les vêtements. Jusqu’au jour où l’une de celles-ci, Angélique Le Boursier du Coudray, au XVIIIe siècle, entreprît de perfectionner les méthodes mettant au point un processus d’instruction auprès de ses collègues dont la plupart ne savaient ni lire ni écrire.

 

 

la machine

 

 

                                     La machine d'Angélique du Coudray (photo wikipédia)

 

Son enseignement est approuvé par l’Académie de Chirurgie en 1758 et le roi Louis XV lui accorde une pension de 8 000 livres/an. Elle avait eu l’idée de concevoir un support en bois, tissus et cartons, reproduisant le bassin féminin avec les repères anatomiques et les gestes à pratiquer. Elle formera, ainsi, 5 000 accoucheuses et 500 chirurgiens. Sa méthode s’améliorera, au fur et à mesure, pendant les 25 ans de son enseignement qu’elle dispensera un peu partout à travers le pays, faisant reculer la mortalité infantile. Première grande victoire sur la fatalité qui s’était installée, elle écrira un manuel « Traité des maladies des femmes grosses » ; mais, sa réussite suscitera la jalousie de médecins diplômés l’estimant dangereuse.

En 1806, finalement, est créée la première chaire d’obstétrique en France. Le titulaire n’est pas une femme mais un brillant praticien Baudelocque qui...délègue une partie de ses responsabilités à la sage-femme en chef de l’hospice de la maternité de Port-Royal, Marie-Louise Lachapelle, qui formait de futures sages-femmes et qui fut autorisée à apprendre aux futures praticiennes à manipuler le forceps, récemment inventé par l‘Anglais Peter Chamberlen. Les sages-femmes demeureront, malgré tout, des assistances indispensables mais soumises.

 

laennec

 

                                                       Laennec  auscultant un patient 

 

Puis, au XIXe siècle, changement de climat, la médecine commençait à évoluer, bénéficiant de l’essor des sciences fondamentales. Laennec, professeur émérite, invente en 1816, le premier stéthoscope, en enroulant des feuilles de papier en forme de cornet, s’apercevant que cela amplifiait les sons d’origine cardiaque et pulmonaire. Cette découverte peut être qualifiée de magistrale car, à partir de là, non seulement l’outil va être perfectionné mais on va apprendre, cliniquement, à déchiffrer tous les bruits d’un cœur normal ou pathologique et les bruits émis par des pathologies pulmonaires. Les médecins deviennent, alors, demandeurs d’infirmières qualifiées, situation qui va se développer sous l’influence de Florence Nightingale, infirmière anglaise, qui fait évoluer la profession et les soins grâce à sa conduite exemplaire lors de la guerre de Crimée. Elle écrira deux documents dont s’inspirera, Désiré Bourneville, pour plaider la cause de ces femmes et créer la première école d’infirmières en 1878 à la Pitié-Salpêtrière.

 

 

madeleine bres

 

                                                  Madeleine Brès (photo wikipédia)

 

Mais, revenons légèrement en arrière, en 1869, où l’un des Conseils des Ministres délibère de l’inscription à la faculté de Médecine d’une femme, Madeleine Brès. Le doyen de la faculté est favorable à l’inscription des jeunes filles, soutenu par le ministre de l’Instruction Publique, d’autant qu’une femme, Elizabeth Blackwell, a obtenu son doctorat à New-York en 1849, après 19 refus d’inscription. Toutefois, l’opposition restait tenace en France. Un médecin écrit dans une revue : « Pour faire une femme médecin, il faut lui faire perdre la sensibilité, la pudeur, l’endurcir par la vue des choses les plus horribles et les plus effrayantes. Lorsque la femme en serait arrivée là, je le demande, que resterait-il de la femme ? Un être qui ne serait plus ni une jeune fille, ni une femme, ni une épouse, ni une mère. »

Sans commentaires !

C’est, finalement, l’impératrice Eugénie qui assiste au Conseil, qui emportera le morceau, disant « J’espère que ces jeunes femmes trouveront des imitatrices maintenant que la voie est ouverte. » Restera, encore, pour elles, l’autorisation de concourir à l’externat et à l’internat des hôpitaux, afin de passer à l’apprentissage pratique. Cela n’interviendra que beaucoup plus tard.

 

femme médecin

 

                                                                 Suzanne Noël au travail               

                                         collection privée /Bibliothèque Marguerite Durand

 

 

Une femme va se distinguer, Suzanne Noël, qui réussira les concours, devient chirurgienne et s'attaque à la chirurgie maxillo-faciale. Connue pour avoir refait le lifting de Sarah Bernhardt, elle va être une de ces praticiennes qui refera le visage des " gueules cassées". Elle y acquerra une grande notoriété.

Les voies se sont, à présent, ouvertes pour les futures doctoresses et celles qui se consacrent aux soins infirmiers.

Demeure, toutefois, un domaine où ces jeunes femmes auront du mal à percer malgré leur talent, parfois supérieur à leurs collègues masculins : c’est celui de la recherche. On l’a appelé "l’effet Matilda" qui consistait à diminuer ou même à occulter la réussite et les avancées obtenues par certaines d’entre elles, la notoriété étant attribuée à leur supérieur hiérarchique. Ainsi, dans un secteur bien connu, des chromosomes humains, la découverte des XY, différenciant le sexe, est revenue à Thomas Hunt Morgan qui a reçu, pour cela, le prix Nobel de Médecine et tous les honneurs. Or, on s’est aperçu, a posteriori, que c’était sa collaboratrice, Nettie Stevens, qui, reprenant ce chantier qu’il n’avait pas mené à sa fin, avait découvert le rôle identitaire du Y puis du X.

 

marthe Gauthier le monde

 

                                                               Marthe Gautier - photo Le Monde

 

Marthe Gautier, ayant fait une formation à Boston, en 1955, sur les cultures cellulaires, s’intéresse, à son retour, aux enfants mongoliens et réalise des cultures cellulaires, technique balbutiante en France, provenant de ces enfants afin de faire leur typage chromosomique. Elle en trouve 47 au lieu de 46 : elle vient de découvrir une aberration chromosomique responsable de la trisomie 21. Mais, elle confie ses lames à un collègue pour vérification. Elle ne les reverra plus et une publication scientifique oubliera sa propre contribution. On lui demanda pourquoi elle avait laissé faire, elle répondit : « C’était fatiguant. Personne ne voulait m’écouter et puis, j’étais dégoûtée par l’attitude du milieu qui ne me croyait pas. » Elle est décédée en avril .

Il semble que, depuis que la médecine s’est particulièrement féminisée et que de nombreuses femmes ont pris de grandes responsabilités, les choses ont très nettement évolué comme pour les infirmières dont le métier est indispensable et qui se sont spécialisées dans de très nombreuses branches de la médecine, de l’anesthésie à l’oncologie et autres grandes disciplines médicales.

 

Jacques Lannaud

 

 



08/11/2022
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