Terre de l'homme

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Chronique du temps qui passe, par Charles Potier.

SAINT CYPRIEN

 

 

Charles Potier

 

 

Qui était Charles Potier.

 

Charles, natif d'Allas-les-Mines, passa sa vie à St Cyprien. Il décéda, il y a une vingtaine d'années. Passionné par la vie citoyenne locale, il fut par ailleurs président de l'Office de Tourisme. Le rédacteur de ce billet fut, pendant plusieurs mandatures, élu au conseil municipal cypriote. 

 

Post mortem, nous pouvons le remercier d'avoir apporté des détails historiques sur cette journée dramatique qu'il a vécue.

Françoise Maraval a adressé à Terre de l'Homme, un article publié en 1994 par Charles Potier, président du syndicat d'initiative de Saint-Cyprien. Charles Potier est né en 1920 à Allas-les-mines et décédé à Saint-Cyprien en 2001. Il était très actif dans l'animation du village quand il  est revenu au pays, à la retraite . "Chronique du temps qui passe " est certainement un périodique du syndicat d'initiative.

Charles Potier nous fait le récit d'une journée particulière dont la mémoire reste vive chez ceux qui l'ont vécue.

 

Terre de l'homme remercie chaleureusement Françoise Maraval pour ses contributions et, plus spécialement, pour sa recherche photographique. Elle a permis de trouver chez des amis pétrocoriens, l'image de Charles Potier.

 

CLIQUEZ SUR LES IMAGES

 

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                                                               Eglise de Saint-Cyprien dominant la ville

 

 

ANNIVERSAIRE SAINT-CYPRIEN :  24 juin 1944 - 24 juin 1994

 

ll faisait très beau ce matin-là. Le ciel était bleu, sans nuages, annonçant une belle journée d'été. La ville était calme, sans bruits. La pénurie de carburant interdisait aux rares voitures de circuler. Les hommes étaient pour la plupart prisonniers depuis 4 ans en Allemagne, et les jeunes avaient été réquisitionnés par le STO, ceux qui avaient refusé d'aller travailler pour l'occupant, avaient rejoint le maquis ou étaient requis dans les mines de lignite des environs.
La guerre continuait pourtant, là-haut, en Normandie et en direction de Paris. L'immense espoir qu' avait fait naître le débarquement du 6 juin, rendait la population impatiente d'un retour à une vie normale, perdue depuis de longues années. On attendait surtout le retour des prisonniers et la fin des privations. Mais rien n'était terminé ...

Les troupes d'occupation allemandes étaient toujours là, en garnison à Bergerac, Brive, Périgueux. La répression se faisait de plus en plus sévère à mesure que la défaite allemande devenait une évidence. Rouffignac avait été brûlé le 31 mars 1944, Mouleydier à son tour le 21 juin et nous avions assisté de loin au bombardement de la poudrerie de Bergerac, le soir du 18 mars, par la R.A.F. Une immense lueur rouge orangé embrasa le ciel vers l'ouest, une bonne partie de la nuit.  Le 30 mai 1944, un car de miliciens français s'était arrêté sur la D50 et embarquait toute l'équipe de jeunes, parmi eux Pierrot Vigier de Saint-Cyprien, travaillant à la construction d'un téléphérique reliant les mines de Merle à celles du Dantou, d'où partait le charbon en direction de l'usine de Saint-Vincent de Cosse. Malgré leurs cartes de travail en règle, ils furent déportés sur le champ en Allemagne, tant était grand le besoin en hommes au Troisième Reich obligé de faire face sur tous les fronts.

 

 

 

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                                                           L'ancienne mairie de Saint-Cyprien

 

Et puis, en ce matin du 24 juin, une rumeur prend forme et circule de bouche-à- oreille dans les ruelles de Saint-Cyprien : les Allemands arrivent... Aussitôt, la population, grossie de nombreux réfugiés, gagne les hauteurs des collines voisines, emportant à la hâte et dans la plus grande confusion, ce qu'elle juge le plus important mais qui, en général, se révéla souvent inutile. Tout à coup, éclate une fusillade nourrie entre la colonne allemande précédée de chars qui arrivent par la "Côte de Sinzelle" (où on ne l'attendait pas) et les hommes du M.O.l. (Mouvement Ouvrier lnternational) qui tirent du haut du mur du cimetière,

En quelques minutes, l'encerclement de la ville est terminé. Un char bloque l'entrée de Saint-Cyprien sur la route du Château de la Roque, un deuxième au "Pontet", route de Sarlat, un troisième devant la gare...C'est pendant les premières  minutes de la fusillade que  se situe un des deux épisodes les plus tragiques de la journée. René Bourgon, l'horloger, est tué en allant chercher ses enfants à Beauséjour ils n'étaient d'ailleurs plus... Les Allemands tiraient sur tout ce qui bougeait.

Pierre Jeannin qui, avec son cheval, revenait de travailler les terres de chez Esclaler des "quatre Colonnes", est abattu à son tour à "la planque de Fissou". Le fils Lalanne, âgé d'une dizaine d'années, est abattu alors qu'il tentait d'atteindre la maison de JeanneTraverse. C'est sans doute la même rafale d'arme automatique qui a coûté la vie à Jérôme Vaissière, âgé de 72 ans. Le vieil homme et l'enfant réunis dans la mort par la bêtise des hommes.

D'autres comme Georges Fabre, le Polonais, sont fait prisonniers, les armes à la main et conduits sur le champ de Foire où, curieusement, il y a aussi quantité de civils inconnus mais libres ! C'étaient des collaborateurs, arrêtés par la Résistance pour complicité avec l'ennemi et internés au camp de Mauzac ils avaient pris la place des résistants internés, eux, par le gouvernement de Vichy et délivrés par la Résistance. L'histoire n'est qu'un éternel recommencement ... Ce camp d'internement de Mauzac étant jugé trop près de la garnison allemande de Bergerac, il avait été décidé de les transférer dans les entrepôts à tabac de Saint-Cyprien. Ils étaient environ 150 à 180 hommes et femmes arrivés, la veille, en camions, encadrés par les hommes du M.O.l. La colonne allemande était donc venue, uniquement pour les délivrer !

Pendant toute la journée, les soldats fouillèrent les maisons, une par une, laissant une chaise devant la porte de celles qui avaient été perquisitionnées. Finalement, vers 18 heures, une fois leur besogne accomplie, l'ordre de repli fut donné. Les soldats regagnèrent leurs camions, non sans avoir incendié les maisons d'Elie Brousse et d'André Trapy, responsable de l'A.S. ou armée secrète.

Les chars pivotèrent dans le crissement de chenilles et la colonne se reforma. Elie reprit le chemin du retour, mais, cette fois, par la bonne route, celle de "Roc long" où la falaise avait été soi-disant minée. lls emmenaient Fabre le cheminot, François le Polonais ainsi que le petit Lalanne moribond. Les deux premiers furent fusillés à Fongauffier où une stèle rappelle le sacrifice de ces hommes courageux. Le troisième mourut pendant le voyage.
La nuit suivante, une violente explosion se fit encore entendre. C'était les hommes du groupe "Soleil" qui tentaient de faire sauter le pont routier du "Garit'. La nouvelle colonne allemande qui stationna, un moment, le lendemain, dans la Traverse de Saint-Cyprien, ne nous était pas destinée. Elle avait sans doute d'autres objectifs.
- - -

Mais ceci est une autre histoire ...

 

C'était il y a 50 ans, le 24 juin 1944, le jour le plus long pour les habitants de Saint-Cyprien.

 

Charles POTIER
Président du Syndicat d'lnitiative

 

PS : Une rue de Saint-Cyprien mériterait de s'appeler "rue du 24 juin 1944"  afin que le souvenir demeure.

 

 

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Les reconnaissez-vous ?

 

Françoise a interrogé des témoins de l'époque et (sous réserve) il pourrait s'agir de  : en haut de gauche à droite,Thérèse Tabanou, son père était menuisier sur la route du Bugue et son oncle, le dernier sacristain du village, Mme Bourgon, bijoutière, son mari a été tué ce jour-là par les Allemands alors qu'il allait chez lui, route de Mouzens, Lulu Bonnefon, menuisier, père de Jean Bonnefon, une jeune fille et l'homme, un instituteur du village.

 

 

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Les prochains billets

 

Avec,  pour les dates seulement prévisionnelles, les réserves d'usage.

 

Demain. Samedi 26 juin. En suivant la promenade mémorielle ouverte par Claudinéa Wroblenski et Alain Giffault, P-B F.

Dimanche 26 juin. Qui était ce personnage d'exception ?

Lundi 28 juin. Saint Cyprien. Le pont du Garit cible de la Résistance en 1944. Contribution de Jean Bonnefon 

 

 



25/06/2021
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