Terre de l'homme

Terre de l'homme

Un siècle d’effervescence, d’idées et d’espérances (Partie IV et fin ) : « Il me faut des torrents, des rochers, des bois noirs, des précipices » (J.J.Rousseau )

 

jj rousseau

 

 

 

                                                          Jean-Jacques Rousseau

 

 

                   Le Romantisme, nous dit Pierre, dans son excellent article Levez-vous vite orages désirés... (cliquez  pour lire), a encore de beaux jours devant lui et de nous rappeler « les Lettres de Musset à George Sand, le musée de la vie romantique.

 

Sand a plongé dans ce mouvement qui agitait l’Europe, boosté par la Révolution avec la retenue de quelqu’un ayant une formation classique. Elle avait fait connaissance de Montesquieu, Bacon, Aristote, Pascal, Montaigne, Leibnitz puis La Bruyère, Milton, Dante, Virgile, Shakespeare…

Imprégnée des philosophes du XVIIIe siècle, c’est de Rousseau, ce pré- romantique, cet amoureux de la nature dont elle se sent le plus proche : « Mais, Rousseau arriva, Rousseau l’homme de passion et de sentiment par excellence et je fus enfin entamée.  La langue de Jean-Jacques et la forme de ses déductions s’emparèrent de moi comme une musique superbe éclairée d’un grand soleil… Je devins, en politique, le disciple ardent de ce maître et je le fus bien longtemps sans restriction. »

 Elle était sensible au lyrisme du grand philosophe, quelque peu poète : « Insensiblement, la lune se leva, l’eau devint plus calme et Julie me proposa de partir. Je lui donnai la main pour entrer dans le bateau…Nous gardions un profond silence. Le bruit égal et mesuré des rames m’excitait à rêver. Le chant assez gai des bécassines, me retraçant les plaisirs d’un autre âge, au lieu de m’égayer, m’attristait. Peu à peu, je sentis augmenter la mélancolie dont j’étais accablé. Un ciel serein, la fraîcheur de l’air, les doux rayons de la lune, le frémissement argenté de l’eau…rien ne put détourner de mon cœur mille réflexions douloureuses. » (La Nouvelle Héloïse)

 Autour d’elle, des maîtres de la littérature, de la peinture, de la musique… vont se rassembler au plus profond de ce Berry qui est devenu sa terre, loin d’une capitale où s’agitent les idées, les cercles littéraires, les joutes verbales et les combats politiques et passionnels de cette nouvelle société toute imprégnée des conquêtes non assouvies de la Révolution de 1789. Elle y cultive passionnément ses fleurs, aime se promener dans les allées verdoyantes bordées d’arbres qu’elle interdit qu’on taille.

Un pays qui aurait plu à Jean-Jacques, philosophe, botaniste, pédagogue, naturaliste.

Nul doute que la lecture du Contrat Social et du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, a forgé ses convictions sociales et socialistes qu’elle défendra par ses prises de position et articles de presse. Avec d’autres, elle s’insurge contre l’immobilisme de cette société bourgeoise, de ce régime politique où prospère l’argent, au détriment du peuple ouvrier et des campagnes où règne l’illettrisme, où les conditions de travail arriérées ne bénéficient pas des progrès de la révolution industrielle.

 Rester à l’écart du mouvement romantique était impossible, attachée à la littérature et au romantisme que lui inspire la nature et ses passions.

 Dans un état troublé, elle veillera sur sa grand-mère jusqu’au bout. Puis, elle se laissera aller, par la suite, à des sentiments de tristesse, de mélancolie et de solitude : « Je n’avais pas lu René…...je le lus enfin et j’en fus singulièrement affectée. Il me sembla que René c’était moi…il m’arriva ce qui arrive aux gens qui cherchent leur mal dans les livres de médecine. Je pris, par l’imagination, tous les maux de l’âme décrits dans ce poème désolé. Byron apporta encore un coup plus rude à ma pauvre cervelle et l’enthousiasme que m’avaient causé les poètes mélancoliques…Young, Pétrarque, se trouva dépassé.  Il me semblait que j’avais, comme René, le cœur mort avant d’avoir vécu et qu’ayant si bien découvert, par les yeux de Rousseau, de La Bruyère, de Molière même, dont le Misanthrope était devenu mon code, par les yeux enfin de tous ceux qui ont vécu, senti, pensé et écrit, la perversité et la sottise des hommes, je ne pourrai jamais en aimer un seul avec enthousiasme à moins qu’il ne fût comme moi, une espèce de sauvage en rupture de ban avec cette société fausse et ce monde fourvoyé. »

Elle reprend goût à la vie et se lie  avec Jules Sandeau, le poète de la bande de La Châtre, elle gardera l’éponyme en y ajoutant le prénom George, cela pour pouvoir publier ses propres romans et ne pas subir les réactions d’une société bourgeoise ne supportant pas qu’une femme mette son nom en avant.

 

alfred de musset

 

 

                                                   Alfred de Musset

 

En 1833, coup de foudre avec Alfred de Musset dont elle a fait la connaissance lors d’un dîner de la revue des Deux Mondes. Véritable mythe romantique, idylle d’amants célèbres qui attire l’attention et la curiosité de tous les cercles littéraires ou artistiques de la capitale, qui va se poursuivre par ce voyage tant désiré à Venise qui se termine mal. Sur le bateau à vapeur entre Lyon et Avignon, elle y trouve un grand écrivain de l’époque, Henri Beyle ou Stendhal, qui se révèle un compagnon de croisière distrayant et prolixe mais, finalement, elle apprécie assez peu l’homme lui-même. Il rejoint son poste de consul à Civita-Vecchia. A Venise, Musset tombe gravement malade, une typhoïde. Malgré ses incartades au cours du voyage, elle va veiller sur lui, mais leur relation en est affectée. Il va se remettre lentement et rentrera seul. Il reste hanté pour la vie par « les beaux yeux de velours noir » de la romancière.

                       « Jamais amant aimé, mourant sur sa maîtresse

                         N’a sur des yeux plus noirs bu la céleste ivresse

                        Nul sur un plus beau front ne t’a jamais baisé ! »

 

 

chopin

 

 

                                                       Frédéric Chopin

 

 

Puis, ce fut la rencontre avec Frédéric Chopin. Elle fut séduite par son allure adolescente, sa distinction princière et, par-dessus tout, sa musique. « C’est un embrasement céleste. Nous nous sommes livrés au vent qui passait et qui nous a emportés tous deux dans une autre région. »

Et, si cette thébaïde de Nohant plaît à beaucoup de ses amis, la gestion en est pesante, malgré toutes les aides dont elle s’est entourée, ses finances fondent rapidement au point qu’elle passe ses nuits à l’écriture de ses romans et autres œuvres « L’écriture comme gagne-pain, tel est mon objectif. Je suis écrasée de travail pour faire face à tous mes engagements et à mon train de vie qui excède mes revenus de deux tiers au moins. Il faut que j’abatte beaucoup d’ouvrage cet hiver (1837) ».

Ainsi, l’art et la littérature d’avant-garde sont à l’honneur, dans ce coin de France où se retrouvent des intellectuels, des littéraires, des peintres et autres figures politiques qui luttent pour plus de libertés, pour libérer cette société contrainte par une censure tatillonne, avec un sous-préfet de La Châtre aux idées d’un temps révolu, dont le souci est la paix sociale et qui ne se privera pas de réprimer violemment les émeutes de la faim des paysans du Buzançais.

 Les petits bourgeois étriqués s’insurgent des mœurs de l’égérie de Nohant, du groupe de ses amis berrichons, de sa vie bohème, de ses accoutrements masculins, de son habitude de fumer le cigare.

 Dans ce monde rural et paysan qui l’entoure, elle est comme chez elle et elle le leur rend bien : elle les tutoie, ils « entrent chez elle comme chez eux ». N’est-ce-pas là un type de société tout nouveau où des gens d’origine, de culture très différentes, se côtoient, apprennent à se parler dans un mutuel respect, à manger les uns à côté des autres, à faire du théâtre ensemble ? Voilà qui doit être rare dans cette France qui vit sous un régime qui veut étouffer toute initiative sociale avancée et toute idée socialiste.

Certes, la République va se réinstaller, pas dans les conditions d’apaisement qu’elle aurait souhaitées ; mais, la société qu’elle souhaitait, les lois sur l’éducation publique de Jules Ferry et la république sociale, tout le sens de ses luttes, s’imposeront !

George Sand meurt le 8 Juin 1876. Ses amis très nombreux étaient présents à son enterrement.

 Aurore Lauth-Sand, sa petite-fille disparue en 1961, à laquelle elle apprît à lire, à écrire, qu’elle a éduquée et à qui elle racontait, chaque soir, une de ces histoires pour enfants sortie de son livre « Contes d’une grand-mère », nous dit : « Flaubert pleurait en m’embrassant. Il voulait m’emporter. Moi, j’étais comme indifférente à tout : la vie n’avait plus de raison d’être sans elle. »

       

 

Jacques Lannaud

 

 

 

P.S. : Le répertoire des œuvres de George Sand est impressionnant et je vous invite à en prendre connaissance dans Wikipédia. Je voudrais, toutefois, citer les romans champêtres connus de tout un public et qui, à l’époque, ont remporté un franc succès, d’autres romans comme Indiana, Lélia, Melchior etc…, Les légendes rustiques du Berry, Mauprat, Journal d’un voyageur pendant la guerre, Journal intime adressé à Alfred de Musset, Questions politiques et sociales, Le théâtre de Nohant, Lettres d’un voyageur…

Histoire de ma vie (4 tomes)

Correspondance entre 1812 et 1876 : 40 000 lettres

Contes d’une grand-mère, pour Aurore et Gabrielle (13 au total.)      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



20/10/2021
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