Terre de l'homme

Terre de l'homme

D’un regard à l’autre

 

 

 

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Il suffit d’un coup d’œil et c’est, peut-être, le coup de foudre mais :

                                        Vous qui passez sans me voir

                                        Sans même me dire bonsoir…

                                       Vous, dont je guette un regard...

                                       Me donnerez-vous ce soir

                                       Un peu d’espoir ?

                                      Adieu, bonsoir. (Chanson de Jean Sablon.)

En un éclair, voilà que nous nous retrouvons seul, face à nous-même, les yeux humides tout en regardant la fine et gracieuse silhouette disparaître.

Le regard est porteur de nos sentiments, il traduit nos joies, nos espoirs, notre peine, mais il est porteur de notre identité, de nos pensées, ce qui fait que le regard de l’autre qui scrute le vôtre n’est pas toujours supportable, pour ne pas dire insupportable.

 En fait, tout commence par ce regard innocent, émerveillé, étonné, que lance le nouveau-né à sa maman, lien indissoluble qui se noue entre la mère et l’enfant pour toujours.

Certes, heureusement, que l’homme est un être sensible, émotionnel qui peut manifester spontanément par le regard, même de loin, sa joie de retrouver sa mère, son père, ses amis ou amies et le sourire vient se refléter dans les yeux ; et, la joie de l’autre renvoie une image de cette chaleur humaine dans laquelle nous nous retrouvons et que chacun a le besoin impérieux de renouveler sans cesse pour se rassurer. Car, disons-le clairement, notre stabilité ou notre instabilité dépendent en grande partie de cet apaisement et de cette reconnaissance mutuelle qui apporte réconfort et certitude sans lesquels, déstabilisés, nous commençons à perdre pied, gagnés par l’anxiété et l’impossibilité de déchiffrer le message de nos compagnons ou de nos compagnes.

Notre cerveau est là, bien sûr, lui qui est chargé d’élaborer notre pensée et, par conséquent, notre comportement selon les messages lumineux que l’on doit interpréter à la vitesse de la lumière. Car, n’oublions pas que les rayons de lumière, composés de ces particules élémentaires que sont les photons, nous permettent de réaliser et de comprendre dans quel espace nous nous mouvons, quels obstacles, quels dangers se présentent et d’adapter nos réactions ou réflexes en fonction de ce que nous détectons.

Ils pénètrent dans notre œil par la pupille, au centre de l’iris, véritable miroir de la beauté, de la grâce de nos yeux et de la vue, reflet de nos émotions, dont la couleur bleue, noire, verte etc…apporte comme aux fleurs leur magnifique parure. Selon l’intensité lumineuse, il va, automatiquement, régler sa fenêtre soit en la rétrécissant, le myosis, soit en la dilatant pour laisser passer le maximum de lumière, la mydriase, afin d’éviter l’éblouissement. Puis, cette image traverse la lentille, le cristallin, chargé de plaquer l’image sur la plaque photographique, la rétine dont les petites cellules, les cônes et les bâtonnets, transforment le message lumineux en autant de stimulis électriques qui convergent sur la zone centrale de la rétine, la macula où la fovéa, remplie de photorécepteurs, donne toute sa précision à l’image transportée, puis par le nerf optique va s’imprimer dans la région cérébrale, située à l’arrière du cerveau où le message est retranscrit puis interprété dans ses caractéristiques structurelles, spatiales grâce aux liaisons inter-neuronales intra cérébrales.

Ainsi, l’homme peut se tenir debout, s’asseoir, courir…et, comme le chasseur-cueilleur, mettre à profit ce champ d’action panoramique. L’Homo faber s’est concentré sur la fabrication de ses outils. Et, sa main droite devenue habile, grâce aux images qu’il a interprétées et enregistrées, il va les reproduire, magnifiquement, sur les parois des cavernes. Ce qui montre que l’homme préhistorique avait autant de capacités intellectuelles que celui d’aujourd’hui, qu’il a su nous dessiner ou graver de splendides animaux, leur donner le mouvement, le volume, la couleur.

Bien plus tard, quelqu’un dira : « Holbein, chaque fois qu’il est devant un modèle, retrouve une inquiétude fraîche de l’œil et une émotion. » et, à l’école du portrait : « Quand on sait peindre une figure, on sait tout peindre. » Corot qui a déclaré cela, fut portraitiste et devint peintre de la nature.

Les peintres italiens (Léonard de Vinci, Lorenzo Lotto, Titien, Le Tintoret, El Greco), les Allemands (Dürer, Cranach, Holbein), les Flamands (Memling, Rembrandt), les Français (Clouet, de La Tour), tous se sont livrés au portrait. Picasso fit de même. Le portrait est porteur du regard, celui qui nous permet de mieux comprendre l’expression et presque le sentiment de la personne. Il en est, ainsi, de La Joconde dont on dit qu’elle est tout entière dans son regard.

Et, l’autoportrait n’est, peut-être, que l’expression du « Connais-toi toi-même. » chère à Socrate.

« Peindre ce qu’on voit comme on le voit. » en montrant l’impact sur la perception d’une intervention sur l’œil comme la cataracte et donc sur le regard qui en résulte, Yves Pouliquen en a montré le résultat, un désordre perceptif qui changea la vision du peintre Claude Monet.

Il n’en est plus, ainsi, aujourd’hui. Dans les échanges médecin-malade, l’ère de l’image a pris le dessus sur les troubles ressentis et même sur l’examen clinique. L’échange et la complicité entre le médecin et le malade ne se rencontrent plus si ce n’est sur une image. L’empathie s’en ressent, qu’en sera-t-il avec la télé-médecine ?

                                     

« La vie commence là où commence le regard. »

 Amélie Nothomb.

      

 

Jacques Lannaud

 



30/10/2021
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