Terre de l'homme

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Des années noires à la victoire

 

 

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                                                                   Les rois maudits  

 

 

Je terminais mon précédent article "Naissance d'une nation" par ces mots « la France est quasi en déshérence au cours de la guerre de Cent Ans mais le sentiment national reviendra à la surface pour « bouter l’Anglais hors de France. »

Entre la victoire de Bouvines, le 27 juillet 1214, et l’an 1328, le pays connaît un moment de calme et de paix que certains ont appelé « L’âge d’or des Capétiens. »

Mais, voilà que vont déferler, bientôt, sur le territoire, des chevauchées venues d’outre-Manche, avec à leur tête le jeune roi d’Angleterre, fraîchement couronné le 1e Février 1327 en l’abbaye de Westminster et, plus tard, celles de son fils aîné le Prince Noir, Edouard de Woodstock, prince de Galles.

 

 

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Ce que l’on a appelé la Guerre de Cent Ans, a des causes bien précises et il ne faudrait pas se contenter de penser qu’elle aurait été engendrée par la seule vassalité du territoire de Guyenne, possession anglaise depuis le mariage d’Aliénor d’Aquitaine, le 19 décembre 1154, avec Henri II Plantagenêt et l’envie du roi capétien de reconquérir cette province.

Outre cette cause, se trouve ce problème dynastique important survenu en 1328 : le trône de France est vacant sans héritier mâle, consécutif au décès de Charles le Bel après les règnes de ses frères Louis le Hutin et Philippe le Long, tous fils de Philippe IV le Bel.

 

 

 

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                                                                Edouard III

 

La question se trouve posée : est-ce-que le trône doit revenir à Edouard III, petit- fils de Philippe le Bel par sa fille Isabelle de France, reine d’Angleterre et épouse d’Edouard II ?

Les barons français vont trancher en faveur de Philippe VI de Valois, fils de Charles, frère cadet de l’ancien roi, au motif que le cumul de deux couronnes leur serait préjudiciable et que « les barons du royaume de France ne pouvaient souffrir volontiers d’être soumis à la souveraineté des Anglais, disaient que si ledit fils d’Isabelle avait quelques droits au trône, il ne pouvait les tenir naturellement que de sa mère n’ayant aucun droit, il s’ensuivait que le fils n’en devait pas avoir. » Dixit la chronique de Nangis et l’application de la vieille loi salique datant de Clovis.

 Edouard III préfère s’incliner. Maladroitement, Philippe VI va exiger l’hommage-lige à Amiens en 1331, en grande pompe, ce que le roi anglais ressent comme une humiliation.

Le troisième motif n’est pas non plus des moindres, magnifiquement illustré dans la série télévisée de 1972, intitulée « Les Rois Maudits » du réalisateur Claude Barma, écrite par Maurice Druon, dans laquelle on voit un Jean Piat, acteur de la Comédie Française, incarner avec talent le comte Robert d’Artois, personnage haut en couleurs, truculent, rêvant de se venger de sa tante Mahaut d’Artois qui l’a dépossédé de son fief, étant mineur.  Pourtant, marié à la sœur du roi, Jeanne de Valois, intégré au Conseil royal, Philippe VI reste sourd à ses doléances. Robert quitte le royaume de France et se met au service du roi anglais, l’incitant à la guerre.

Dès lors, on va assister à la première chevauchée du souverain anglais. Parti de Portsmouth, il débarque à Saint-Vaast-la-Hougue dans le Cotentin, le 12 juillet 1346, avec une armée forte de 32 000 hommes dont 10 000 archers. Elle dévaste tout sur son passage, Poissy est réduit en cendres par le Prince Noir. Puis, il remonte vers l’embouchure de la Somme, passe le gué sur indications d’un prisonnier local, récompensé par la liberté et cent pièces d’or, alors que l’armée anglaise se trouvait prise dans une nasse et le roi français à ses trousses : il force le passage au gué de Blanquetaque, le 24 août 1346.

 

 

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Donnons quelques précisions pour mieux comprendre l’état d’esprit du souverain anglais :

                           - la perspective de ces grandes expéditions eut, immédiatement, le soutien de l’aristocratie anglaise qui espérait en tirer renommée et butin

                           - l’objectif de départ n’est pas l’affrontement en bataille rangée mais, seulement, contraints et forcés comme en 1340 à l’Ecluse (perte de la majeure partie de la flotte française), le 26 août 1346 à Crécy, le 19 septembre 1356 à Poitiers et même à Azincourt le 25 octobre 1415

                           - le but, ravager les campagnes, rapporter un riche butin et saper l’autorité de Philippe VI

 

 

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 La traversée de la Manche est souvent périlleuse : les bateaux, s’ils sont très chargés avec un poids impossible à arrimer, ballottés par une mer houleuse, risquent le naufrage : raison qui fait que le souverain anglais se prive de ses chevaliers ceints de leurs armures et de leurs lourds destriers. Mais, il compense cela par une stratégie qui n’a plus rien à voir avec celle de Philippe Auguste, à Bouvines.

D’abord, s’agissant d’un corps expéditionnaire qui débarque dans un pays dont on ne connaît pas toujours la topographie, les points de résistance, le souverain anglais mise sur la rapidité de mouvement, ses éclaireurs et sur une nouvelle arme que l’on a éprouvée face aux Gallois et aux Ecossais, les arbalétriers munis de l’arc long, très puissant, façonné d’une seule pièce dans de l’if, autour de 2m de long, le longbow qui va être utilisé massivement au cours de ces funestes batailles de Crécy, Poitiers et Azincourt. L’armée du roi de France, prise de court, riposte par des stratégies et tactiques d’un autre temps ; et, ce n’est que bien plus tard que la solution s’imposera avec l’artillerie de campagne lors des batailles de Formigny, Castillon et à la fameuse bataille de Patay menée par Jeanne d’Arc après Orléans où les archers anglais fauchés par le feu nourri de l’artillerie, furent anéantis par la cavalerie française.

   Dans son récit de la bataille de Crécy, le chroniqueur, Jean le Bel, insiste sur ce point et rappelle la harangue d’Edouard III interdisant « sous peine de mort, à quiconque de quitter son rang, de piller, de prendre les vivants ou de dépouiller les morts sans son autorisation, car si l’affaire tournait à leur avantage, ils auraient bien le temps de piller et si la fortune était contre eux, ils n’auraient que faire du butin. »

 

 

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                                                                         Les archers anglais

 

 

Avant l’engagement, des éclaireurs rapportent au roi de France que les Anglais sont à moins d’une lieue et l’un d’eux, le chevalier Le Moine, déclare : « Seigneur, votre armée est grandement dispersée parmi ces champs et il sera bien tard avant qu’elle ne soit toute rassemblée car l’heure de none est déjà passée. Je vous conseille donc de faire camper ici votre armée. »

 Le chanoine Jean le Bel ajoute : « Chevauchant, menés par l’orgueil et l’envie, sans ordre, l’un dépassant l’autre, ils avancèrent tant qu’ils virent les Anglais, soigneusement rangés en trois batailles, qui les attendaient. Leur honte qu’il y aurait eu à reculer, s’accrut de voir leurs ennemis si près.

On connaît la suite : défaites cuisantes à Crécy, à Poitiers où le roi Jean le Bon est fait prisonnier, après défection d’une partie de la chevalerie française et qui ne retrouvera la liberté qu’au prix d’une rançon astronomique en pièces d’or, enfin Azincourt où chevalerie et grands seigneurs français composant l’ost royal, embourbés dans la glaise des champs à la suite d’averses, sont les victimes des archers anglais et seront achevés sur ordre du roi Henri V.

    

Jacques Lannaud

 

 



07/04/2022
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