Terre de l'homme

Terre de l'homme

La naissance d’une nation : des faits et des symboles, une âme, une culture... (2ème partie)

        

 

phiippe auguste

 

 

                                       Philippe II dit Philippe-Auguste, Roi de France (1165-1223)

 

Monte, alors, sur le trône, le fils de Louis VII le Jeune et d’Adèle de Champagne, né le 21 Août 1165, le roi Philippe II, sacré à Reims, surnommé Philippe-Auguste, car il va à la tête de son armée, étendre le territoire royal, s’emparer de l’Artois, du Valois, du Vexin, d’Amiens, du Vermandois, d’une grande partie de la Normandie au détriment de son vassal, le roi anglais Plantagenêt : premier roi franc qui fait porter sur ses actes, son cachet avec l’inscription « Rex Franciae » au lieu de Rex Francorum, roi des Francs.

Faisons une petite pause sur ce règne qui va de 1180 à 1223 car c’est dans ces années-là, que se développe ce pays de France.  Dans ces décennies, jaillissent vers le ciel, ces cathédrales aux dentelles de pierre, aux façades ouvragées d’arcs cintrés et les lignes verticales de leurs tours qui montent vers le ciel, décorées de statues diverses de saints, de rois, d’évêques ou de simples mortels avec de longs drapés, personnages tous différents dans le regard et la physionomie, statuettes relatant le déroulement des  saisons ; d’autres les travaux des champs, penchés sur les charrues, armés de fourches, de pioches, de faux ; des gargouilles menaçantes aux traits tordus, observant les hommes d’en haut, visions du paradis où le bonheur de ces pauvres gens s’épanouit et, en vis-à-vis, ces figurines dantesques, visions de l’enfer, de l’apocalypse, du mal qui s’abat sur ces visages de peur, ces corps torturés imaginés par ces tailleurs de pierre et sculpteurs, ces magnifiques rosaces et vitraux qui scintillent de tous leurs feux sous les rayons du soleil, art  gothique qui succède à l’art roman, arcs-boutants soutiens de l’imposante cathédrale dont la nef centrale s’élève à des hauteurs vertigineuses, flanquée de ses nefs latérales et du transept.

 

gargouille

 

                                             gargouille, cathédrale de Reims

 

 

De Laon, de Paris, d’Amiens, de Chartres, de Bourges, de Soissons, de Rouen, de Reims... voici ces grands vaisseaux verticaux de pierre blanche amenée à grand peine des carrières de l’Ile de France et des contrées voisines qui se dressent au-dessus des hommes et des bâtisses modestes des cités. Ces édifices, ces monuments, aujourd’hui joyaux de notre patrimoine, nous les admirons avec quelque incrédulité, mais elles représentent le génie d’architectes, de maîtres d’œuvres, de tailleurs de pierre, de sculpteurs, de charpentiers, d’ouvriers montés sur des échafaudages, peut-être pas toujours bien sécurisés, un travail énorme et qui nous fait penser à celui déployé pour la construction des Pyramides d’Egypte.  

Temps nouveau qui renoue, sans doute, avec ces édifices que nous ont laissés les civilisations anciennes gréco-latines où les statues de dieux, les frises murales de combats, les colonnes aux chapiteaux corinthiens ou doriques ornent les palais, les temples de l’admirable Acropole d’Athènes.    

 

 

chateau gaillard

 

 

                                                                        Château Gaillard

  

La France connaît, alors, un développement économique et commercial sans précédent avec la levée de l’hypothèque Plantagenêt : c’est la plus forte expansion territoriale du domaine royal au cours du Moyen-Age. Château-Gaillard, l’imposante forteresse anglaise construite par Richard-Cœur-de Lion sur un éperon rocheux dominant la Seine, réputée imprenable, capitule en avril 1204.

En dehors des graves démêlés du roi avec le pape Innocent III après avoir répudié son épouse Ingeburge de Danemark, il résistera aux sollicitations papales pour s’engager dans la croisade qui, finalement, restera pontificale et féodale.

Deux événements majeurs vont intervenir dont on dit que ce sont « des journées qui ont fait la France. »

Dans ce Sud occitan où le roi n’a pas voulu se rendre, il est le premier bénéficiaire de ce jeudi 12 septembre 1213 où le roi d’Aragon, Pierre II, qui avait fomenté une alliance avec les grands seigneurs du Midi pour s’emparer de ce territoire allant de l’Aragon à la Catalogne et remontant jusqu’à Toulouse, est défait et tué au cours de la bataille de Muret entraînant la fuite de la cavalerie méridionale et des milices toulousaines, ce qui met fin, définitivement, aux ambitions territoriales  de ces princes venus d’au-delà les Pyrénées.

Le second fait se déroule le dimanche 27 juillet 1214 à proximité de Lille au gué de Bouvines : choc très violent entre l’ost du roi de France et l’armée des coalisés, l’empereur Otton IV de Brunswick en personne, des chevaliers comtes de Boulogne et de Flandre, les milices de villes flamandes et des mercenaires anglais recrutés par le roi anglais. Au cours de la bataille, le roi désarçonné, protégé par sa garde personnelle et sa lourde cuirasse, parvient à se remettre en selle sur son destrier. L’empereur échappe de justesse à la capture et s’enfuit, des notables sont pris, Renaud de Boulogne, Ferrand de Flandre, de Salisbury, de Tecklembourg, de Dortmund...  

Victoire retentissante qui passe les frontières car le roi de France vient de conquérir son titre et sa gloire, en s’imposant à ses ennemis étrangers et son autorité s’étend, désormais, sur tout ce territoire septentrional.  Le chroniqueur de l’événement et témoin, Guillaume Le Breton, ne s’y trompe pas :

          « Qui pourrait dire ni décrire par bouche, ni penser de cœur, ni écrire en tablettes ni en parchemin, les applaudissements, les félicitations, les hymnes triomphaux, les innombrables danses de joie des populations, la très grande fête que tout le peuple faisait au roi comme il s’en retournait en France après la victoire ? Les clercs chantaient par les églises doux chants et délicieux en louange de Notre Seigneur ; les cloches sonnaient à carillon par les abbayes et par les églises ; les moustiers étaient solennellement ornés dedans et dehors de draps de soie ; les rues et les maisons des bonnes villes étaient vêtues et parées de courtines et de riches garnitures ; les voies et les chemins étaient jonchés de rinceaux d’aubier, d’arbres verts et de nouvellettes fleurettes ; tout le peuple, haut et bas, hommes, femmes, vieux et jeunes, accouraient à grandes compagnies aux passages  et aux carrefours des chemins ; les vilains et les moissonneurs s’assemblaient, leurs râteaux et leurs faucilles sur le cou (car c’était au temps où on cueillait le blé) pour voir et pour injurier Ferrand en liens qu’ils redoutaient avant en armes. Et, ils ne leur suffisaient pas du jour, mais faisaient aussi grande fête par nuit comme par jour, ainsi dura cette fête sept jours et sept nuits continuement. »

 

 

saint denis

 

 

                                                                 basilique Saint-Denis

 

Le roi meurt le 14juillet 1223 et fut inhumé à la Basilique Saint-Denis, un des plus beaux tombeaux en argent doré avec de nombreuses images, qui fut détruit sous l’occupation anglaise entre 1420 et 1435.

La France est née au cours de ce règne, une conscience nationale s’est forgée grâce aux succès remportés par le roi. Certes, les péripéties sont loin d’être terminées et la France est quasi en déshérence au cours de la guerre de Cent Ans mais, le sentiment national reviendra à la surface pour « bouter l’Anglais hors de France. »

          

 

  Jacques Lannaud

 

 

         



16/03/2022
6 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 199 autres membres