Au pays de la reine de Saba : premiers contacts
ADDIS-ABEBA
un autre cœur du Pays de l'Homme
En 1946, au sortir de la guerre, le jeune Jacques Lannaud entreprend dans le sillage de ses parents, un long périple qui va le conduire en Ethiopie. Il nous a raconté ce voyage dans ce blog. Ses parents, tous deux enseignants, ont répondu à l'appel du ministère de l'enseignement qui veut développer l'enseignement de la langue française dans le monde grâce au réseau des alliances françaises.
Jacques Lannaud se remémore, aujourd'hui, son arrivée à Addis-Abeba et nous relate ses impressions de jeune garçon de 9 ans.
Gisèle, la maman de Jacques et sa classe
Soixante-quatorze ans après, restent des souvenirs gravés dans ma mémoire et beaucoup d’autres qui s’étaient estompés, me reviennent à l’esprit, rafraîchis par de vieilles photos plus ou moins jaunies, de petite taille.
A présent, je me remémore ce gamin d’à peine neuf ans plongé dans un univers inconnu et dans un monde dont je n’avais que quelques connaissances à travers des livres d’aventure.
Jacques
Tout le personnel était là, à notre arrivée lorsque la voiture ayant franchi le grand portail, nous nous retrouvâmes dans une vaste cour, elle s’avança lentement puis stoppa.
Ce moment où chacun ne sait très bien quel comportement adopter, dura le temps qu’il fallut pour des salutations et présentations.
Pour moi, c’était là un cérémonial inédit que je découvrais avec surprise, obligé de participer à ce premier contact.
Cette cour était bordée d’une clôture solide du côté extérieur et de l’autre par un bâtiment tout en longueur au bout duquel, à l’opposé de l’entrée que nous avions franchie, se trouvait notre future habitation. On y accédait par un escalier mais ce qui me frappa le plus, c’est l’arbre immense au fond du jardin tout fleuri devant la maison qui, lui-aussi, était tout en fleurs rouge orangé. C’était un flamboyant et à son ombre, se cachait une maisonnette dont j’appris plus tard qu’il s’agissait de la cuisine.
Un flamboyant
Rapidement, je sentis que ma liberté ne serait plus la même, qu’une certaine distance allait s’établir avec ces gens, étant le fils du responsable de l’établissement et que je ne pourrais plus traîner, comme avant, avec mes copains à la sortie de l’école, que mes jeux et mes loisirs ne seraient plus les mêmes.
le papa de Jacques dans sa classe
Nous prîmes possession de cette habitation vaste, bien distribuée, tenue par une ou deux femmes chargées du ménage, un jeune garçon servant à table et un cuisinier qui préparait les repas et se procurait tout ce dont il avait besoin. Séparé de la cour par cette bâtisse, un terre-plein bordant l’édifice puis un mur sur toute la longueur d’une autre cour en contrebas, réservée manifestement aux exercices sportifs et aux jeux récréatifs des élèves ou aux séances de sport : volley, foot, basket…prévues dans le programme scolaire.
Cette cour était délimitée par un grand bâtiment de 4 ou 5 classes. Un autre terrain en pente légère succédait à cet espace limité par notre bâtiment en haut et à son autre bout plus bas par 4 ou 5 classes supplémentaires.
Au-delà de ces constructions, un vaste jardin sur toute la longueur de vingt à trente mètres de large avec la partie florale, fruitière et potagère ; puis, un terre-plein et le parc de l’Alliance française qui descendait vers une sorte de rio et où se dressaient à des hauteurs qui me semblaient vertigineuses, des eucalyptus en grand nombre dégageant des senteurs légères que nous amenait un vent léger.
Pour compléter, après notre logement, faisaient suite deux autres classes et, tout au bout, une maison occupée par un couple de Français dont seule la femme enseignait à l’école.
Dans ces conditions, la rentrée était fixée deux jours plus tard, temps minimum pour se mettre au courant et accueillir les 700 ou 800 élèves qui fréquentaient l’établissement.
Elèves en rangs prêts à intégrer leur classe
Mes parents étaient accaparés par leur installation et les soucis de la rentrée, je ne les voyais presque plus. Je me sentais seul et occupais mon temps en relisant des bouquins que j’avais emportés ou piochés dans la bibliothèque de l’école assez bien fournie.
Mais, j’étais inquiet sur le déroulement de la suite : devrais-je participer à une classe aux côtés d’élèves inconnus, parlant dans leur langue et très peu le français, ayant leurs propres habitudes ? Un milieu où mes craintes se justifièrent lorsque je me sentis totalement dépaysé comme étranger, seul petit Français parmi tout ce monde me laissant de côté. Cette situation se prolongea quelque temps jusqu’au moment où l’on réalisa la situation. Alors, mon programme scolaire se déroula désormais à la maison ; mais, je me sentais marginalisé, écoutant aux heures de récré, les cris des élèves et les parties sportives avec exclamations et applaudissements.
Une enseignante et ses élèves
Pour rompre cet isolement où je me morfondais, on me fit participer à des leçons de géographie, d’histoire du pays. Peu à peu, le contact s’établissait avec certains. Jusqu’au jour où, alors que j'assistais, comme d’habitude, aux matchs que se livraient des équipes, on vint me chercher pour remplacer un petit garçon blessé.
La glace était rompue, dès lors mon intégration devint plus facile. Je me fis des copains éthiopiens qui venaient régulièrement me voir, avec lesquels je sympathisais et que, plus tard, je retrouverais pour certains à Paris où, comme moi, ils faisaient leurs études universitaires.
Les images de notre voyage étaient toujours présentes mais, à présent, s’ouvrait la possibilité de découvrir ce pays et je pouvais augurer d’une meilleure adaptation.
à suivre
Jacques Lannaud
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Demain : Sur une passe mémorielle, les marcheurs ont dit "bonjour Monsieur Printemps".
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