Terre de l'homme

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Un métier disparu : chaisier

Françoise Maraval nous raconte un autre aspect de la vie de son grand-père Jean-Lucien : son métier de chaisier.

                             

 

chaisier

 

                                    Grand-mère Yvonne, oncle Jean et grand-père Jean-Lucien .

 

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         Jean-Lucien est né le 12 février 1892 à Lanouaille, village de Dordogne .

 

Vous l'avez déjà rencontré, il est le matricule 14360. Il a fait l’objet d’un article le 10 novembre dernier (Témoignages de la Grande Guerre, Matricule 14360).

 

Grâce à lui, je peux ici parler d’un métier aujourd’hui disparu dans le monde artisanal : chaisier.

 

Après le certificat d’études, Jean-Lucien, que l’on prénommait Achille dans la vie de tous les jours, a été placé en apprentissage chez un artisan tapissier, matelassier, chaisier. Il a travaillé pour ce patron jusqu’à son départ pour Saint-Cyprien en juillet 1914.

 

Revenu de la guerre de 14-18, il est allé travailler dans une usine de chaux à Allas-les-Mines,  n’ayant pas les moyens de s’établir et pour ne pas faire concurrence à son beau-frère Henri Lamaurelle. Mais il avait toujours son savoir-faire dans la tête et dans les mains. Après le décès d’Henri, son fils Michau a pris le relais de son père et est devenu tapissier. Il restait alors à Achille, la possibilité de s’établir et de devenir chaisier, l’unique chaisier de Saint-Cyprien et du canton.

 

La famille avait quitté les hauteurs de " Montmartre " et s’était établie rue Verdanson  appelée aussi rue de la mairie car, à cette époque, la mairie était au bout de cette rue avec l’école maternelle et le cours préparatoire. La maison louée au marquis de Beaumont avait deux étages. Le rez-de-chaussée était une cave disposant d’une grande baie donnant sur la rue. Devant cette ouverture, mon grand-père y installa son établi qu’il avait construit à sa convenance et y avait disposé ses outils que je trouvais intrigants.

 

Pépé Achille s’est mis d’accord avec M. Touron de la gare, propriétaire d’une scierie. Plusieurs essences d’arbres l’intéressaient : le chêne, le hêtre, le pin… Je me souviens être allée avec eux reconnaître des arbres dans une forêt proche de Saint-Cyprien : je devais avoir moins de 8 ans. Nous étions partis dans un petit camion qui marchait à la sciure de bois et qui aurait pu s’intégrer dans un dessin de contes de fées. Mon grand-père a choisi ses arbres sur pied et ils furent marqués d’une grande croix rouge avant d’être transformés en grandes planches d’une épaisseur définie par mon aïeul puis rangées dans un coin bien précis de la scierie. M. Touron assurait la livraison au fur et à mesure des besoins.

 

Le problème du bois était réglé, il fallait trouver le jonc, les pailles et ses teintures, l’osier .

Pour le jonc, nous ne sommes pas allés bien loin. Le ruisseau qui coulait au pied du jardin en regorgeait.

Nous partions avec la brouette et nos chapeaux de paille. Mes grands-parents rentraient dans l’eau, dégageaient les tiges de jonc et les posaient délicatement sur les flancs du ruisseau et de là sur la brouette. Avant de repartir à la maison de mémé Yvonne, je la débarrassais de quelques sangsues qui s’étaient agrippées à ses jambes. Je la plaignais, ces bestioles me faisaient peur .

 

Le jonc séchait dans le grenier. Mon pépé l’étalait et montait souvent pour le retourner et le secouer, il fallait que le séchage se fasse au mieux : le jonc aurait pu pourrir… Que ce grenier sentait bon ! Le jonc en séchant dégageait une odeur à la fois douce et entêtante. A moins que ce ne soit les pailles commandées couleur naturelle et que mon grand-père plongeait dans des bains de couleur soit rouge, soit vert ou encore jaune. Des pailles dorées s’ajoutaient à la collection.

 

La structure des chaises était fabriquée à la cave, sur l’établi. J’admirais le tour de main d’Achille. Sur le dossier des chaises et des fauteuils de salle à manger ou de chambre, il faisait apparaître des bouquets de petites roses qu’il sculptait avec une grande précision. J’avais peur qu’il les rate, que l’outil dérape. Non, il maîtrisait son affaire. Toutes les pièces de bois assemblées, le squelette de la chaise montait au centre de la cuisine. Là, il  préparait son jonc séché et ses pailles de couleur. Il était assis sur une chaise basse, la chaise à empailler serrée contre lui et avec beaucoup de dextérité, il torsadait le jonc, le faisait passer par les trous prévus tout autour de l’assise et le faisait ressortir au bon endroit.

De temps en temps, au moment opportun, il intercalait des pailles de couleur. L’ensemble était harmonieux, un vrai travail d’artiste.

 

Il pouvait avoir des cannages à refaire ou des commandes de chaises cannées neuves. Le travail était complexe : cet entrelacement de tiges d’osier au dessin régulier demandait une grande patience. Ce n’était pas le moment de lui demander l’heure ! Il y passait un temps fou .

 

A côté de ses commandes de chaises, il avait aussi des commandes de bancs pour les églises . Il était connu en Périgord vert grâce au curé Truchassout, de la Coquille, qui lui faisait une grande publicité .

Pour la communion solennelle de ses 15 petits-enfants, il offrait un prie-dieu. J’ai toujours le mien avec son bouquet de roses, ses pailles dorées et ses pieds torsadés.

 

Pépé Achille a travaillé jusqu’à la veille de sa mort en 1972. Son travail, c’était son loisir, son plaisir .

 

 

Ps : Dans la famille, les métiers d’autrefois aujourd’hui disparus, ont été nombreux

 

Mon père était tailleur d’habits. Quand je suis née en 1944, le métier  était florissant .

Papa avait deux ouvrières. Puis la confection est arrivée : la reconversion n’a pas été possible car mon père était handicapé…

 

Ma grand-mère paternelle, elle, était couturière à Saint-Cyprien et  son père y était maréchal-ferrant.

 

Françoise Maraval



30/11/2020
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