Terre de l'homme

Terre de l'homme

De belles gens. Volet n° 3 de la chronique cypriote de Françoise Maraval

Francoise_Maraval_original

Les qualités de plume de Françoise-Marie Maraval  ont été largement appréciées avec l'histoire d'Emma. Ce chapitre émouvant et captivant de sa grand-mère paternelle a rassemblé les historiettes de cette aïeule attachante qui s'ouvrait  à la modernité de son siècle et faisait tomber sous son charme, Arthur, qui devint son adorable grand-père.

Françoise-Marie n'est plus en Périgord que par le truchement de Terre de l'homme. Elle a décidé de ne point couper le fil de ses souvenirs et, avec un billet par quinzaine, elle va nous faire  partager les sentes de ses aïeux. 

 

Bien plus qu'une fresque familiale, ses billets nous livrent l'historicité d'un village. Ce bourg aurait pu s'appeler Lanouaille, Villamblard ou Vergt ; mais, c'est à la confluence du Moulant et de la Dordogne que Françoise-Marie, dans son village natal, a tenu à s'accrocher à ses racines.

 

______________________

 

 

         

 

 

                                                    Chapitre III

 

 

 

                                               La rue de la Mairie

 

et au fond, coule la rivière Espérance...

 

 

 

 

       

Mairie

 

 

 

En  1905, à l’opposé de « La Gravette », à l’endroit où le soleil se couche, les Maraval ont établi leur nid. Jean, le chef de famille, a installé sa tribu : rue de la Mairie.

 

 Maria, son épouse, s’occupe de la maison et de ses quatre enfants : Arthur, Alice, André et Alphonse. Jeantou est chef-cantonnier. Vous devez connaître la réputation des cantonniers : de grands fatigués appuyés sur leur pelle ou assis dans le fossé, le litre de «rouge» à portée de main. Maraval est comme les autres, il ne veut surtout pas faire plus que sa part. De retour à la maison, ses deux femmes, Maria et Alice, sa fille, l’entourent avec dévotion. Alice épie le jeu de ses yeux, le moindre de ses mouvements pour devancer ses désirs, ses attentes. Jean est un vrai pacha, il règne sur son monde en maître absolu. Le dévouement que lui porte sa fille est sans limites. C’est normal, il est son père, son maître, son dieu.

 

Les garçons respectent le père, mais ce sont des hommes et ils se conduisent en hommes. Heureusement, Maria apporte un peu de douceur et arrondit les angles. Pour que Jean soit gentil, il faut le flatter : c’est le travail de Maria, elle a toute la journée pour y penser. Elle est devenue experte dans ce domaine pour le plus grand bonheur de la famille. Maria sait tout ce qui se passe chez les voisins, le quartier n’a pas de secrets pour elle. Elle excelle dans l’art de « tirer les vers du nez », elle colporte les ragots avec beaucoup de grâce et de félonie. Tout le voisinage est sur la défensive, mais elle est tellement fine dans son art, qu’elle finit toujours par parvenir à ses fins. Jean est fier de sa femme, la maison est joliment tenue. Avec la paye de son mari et la contribution des enfants, la maîtresse de maison allonge chaque mois, son bas de laine. Personne ne manque de rien mais tout est calculé au plus juste. Le soir, au lit, Maria rend des comptes à son amour de mari. C’est formidable d’avoir une épouse pareille : Jean a de la chance.

 

André a 10 ans, il est encore à l’école mais il sait ce qu’il veut faire plus tard : serrurier. Il ira en apprentissage chez Fernand Marty… Il est un peu taciturne mais son tempérament  est ainsi. Comme les hommes du clan Maraval, il aime aller à la pêche. Mais, très jeune, le dimanche après-midi, il prend l’habitude de fréquenter les concours de rampeau sur la place de la mairie, à deux pas de chez lui. A quinze ans, il sera un excellent compétiteur. Le jeu de rampeau (lo rampèu) est un jeu très populaire dans le sud-ouest. Traditionnellement, dans le Sarladais, il se compose de 3 quilles en bois et d’une grosse boule en buis. Les concours entre quartiers et villages voisins sont très disputés et peuvent amener joueurs et spectateurs, tard dans la soirée, à la belle saison. Le lot à gagner est essentiellement un lot de vin.

 

 

Les jeux

 

 

                                                           Une partie de rampeau, variante à 9 quilles

 

 

Alphonse, rebaptisé Fonfon, a 3 ans. Il est celui que l’on n'attendait plus. Il resplendit de santé et de jovialité. Il traîne beaucoup dans les jupes de sa mère et de sa sœur et se fait discret au retour du père.  

 

Enfin, voici Alice, la noble fille. Elle peut se caractériser par une vaillance sans limite. Grande et maigre, le visage ingrat, elle trouve sa raison d’être dans le travail. Le propriétaire de l’hôtel de la Poste ne s’est pas trompé en l’embauchant. Elle soigne sa toilette et ses bottines, confectionnées pour elle par le cordonnier du village, font sensation alors que presque tout le monde est encore en sabots. Pour qu’elles soient vues, Alice a légèrement raccourci jupes et jupons, seule ombre au tableau, ses pieds trop grands pour une femme. Elle sert le petit déjeuner, soit en chambre, soit en salle à manger, puis elle aide en cuisine. A la buanderie, elle lave, repasse, amidonne et, éventuellement, fait un peu de couture.  

 

 

Hôtel de la Poste

 

 

                                      

L’hôtel de la Poste. L. Janot Propriétaire.

 

 

Alice sait tout faire et comme sa mère, elle entend tout et surtout ce qu’elle ne devrait pas entendre. Elle ramène à la maison des histoires croustillantes. Son frère Arthur n’est pas d’accord : l’acharnement au travail n’excuse pas les indiscrétions. Maria et Jean prennent la défense de la brave fille.

                           « mais cela reste entre nous. »

                           Mon œil!!!

 

 Alice n’a pas d’amoureux, mais qui s’en plaint ? Vous avez remarqué les prénoms des enfants, ils commencent tous par un A, A comme Amour, A comme les trois a de Maraval.

 

C’est dans cette maisonnée que vit Arthur. Vous imaginez son retour de « la gravette ». Même à potron-minet, il a été pressé de mille questions : les indiscrétions seront pour plus tard. Arthur a eu des aventures amoureuses, il a du succès car beau garçon. Sans être jovial, il plaît.  Élancé et élégant , les belles le regardent et chuchotent sur son passage. La grande Léonie du Bugue a fait, plusieurs fois, le trajet à bicyclette, juste pour l’apercevoir. Un soir, alors qu’elle était toujours là après la foire, Arthur l’a entraînée vers les écuries de l’hôtel de la Poste, juste pour savoir ce qu’elle allait faire. La chose a eu lieu, il y a pris du plaisir mais il n’y avait pas d’amour. Léonie est une coquine, elle a des tas d’idées et quand elle aime, elle aime...Elle aime tellement ça, qu’elle multiplie les amoureux au Bugue et dans les environs.

 

Arthur pense beaucoup à Madeleine, une très belle jeune fille, à l’épaisse crinière noire et ondulée, qui vous jette des regards de velours grâce à ses yeux de jais. Elle est toujours impeccablement habillée et sait mettre en valeur ses formes harmonieuses. Arthur et Madeleine aiment être ensemble et quand on entend le rire cristallin de la belle, on sait qu’Arthur n’est pas loin. Seule ombre au tableau, Madeleine est la fille du propriétaire de l’hôtel de la Poste. Cependant, rien n’arrête Maria qui échafaude des projets pour son fils…

 

Mais, ce matin, dans son lit, Arthur pense à Emma. En une seule soirée, elle a balayé  les rêves du jeune homme, il ne sait pas où va l’emmener la dernière valse. Emma rayonnait de bonheur. Elle a un charme fou. Arthur voudrait avoir un mois de plus pour une prochaine rencontre.

 

...



28/08/2021
5 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 199 autres membres