Terre de l'homme

Terre de l'homme

De l’avenir de l’homme et de son dépassement

 

 

 

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Illustration du télescope James Webb en orbite Crédits : ESA

 

Le décollage, il y a deux semaines environ, de l’engin spatial James Webb, depuis la base de lancement de Kourou en Guyane française, ne me paraît pas relever d’un événement devenu banal.

Il faut savoir que ce télescope spatial qui a atteint la somme astronomique de 11 milliards de dollars financés essentiellement par l’agence américaine de l’espace, la NASA, est l’aboutissement d’un travail de plusieurs années, mené à bien par des équipes d’ingénieurs des deux côtés de l’Atlantique.

Ce n’est donc pas sans une certaine appréhension que ces équipes réunies dans la salle de réunion de lancement et le public, venu assister à l’événement, ont assisté à l’envol imposant de la fusée Ariane 5 dans le déchaînement d’un vacarme assourdissant, d’éclairs, de souffles et d’épaisses vapeurs dégagées par les moteurs. Lancement ayant atteint son but avec une précision plus que parfaite.

Au grand soulagement de tous ces techniciens et ingénieurs car cet engin destiné à remplacer le télescope spatial Hubble surexploité mais dont les résultats ont permis des découvertes de galaxies lointaines jamais appréhendées jusqu’alors, ainsi que d’exoplanètes, est le résultat du travail de centaines d’ingénieurs, un outil d’un perfectionnement technique et d’une complexité jamais atteinte.

 Replié sous la coiffe de la fusée d’un volume équivalent à celui d’un autobus, son déploiement très risqué dans l’espace, alors qu’il n’a pas atteint son point géostationnaire, s’est parfaitement déroulé : à présent, il est haut comme une maison de deux étages, muni d’un écran solaire multicouches en forme de cerf-volant de la grandeur d’un terrain de tennis. Cette étape a été suivie d’un autre exploit, le déploiement de son gigantesque miroir primaire, auquel s’ajoutent ses pétales extérieurs qui ont pour mission de renvoyer la lumière vers les instruments optiques au cœur du télescope.

 

 

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                                          télescope James Webb sur la base de lancement

 

C’est, alors, qu’il aura la capacité de recueillir des photons, c’est-à-dire les particules élémentaires qui composent la lumière, venus des confins de l’univers permettant, ainsi, de s’approcher au plus près du fameux big-bang. Des avancées exceptionnelles sur l’origine des étoiles, la composition des exoplanètes, l’évolution des galaxies et de nous envoyer des images d’une grande netteté, images recomposées et déchiffrées à partir de codages numériques.

Une fois les réglages terminés et grâce à la réussite précise du lancement ayant économisé une grande partie de son carburant, ses moteurs permettront au télescope de se placer autour d’un point d’équilibre gravitationnel, à 1 million et demi de km de la Terre. Reste que la température qui se situe, théoriquement, au niveau du zéro absolu soit -273,15° Celsius dans l’espace intersidéral, soit -459,67°F, doit être ramenée autour de -200°C sur les instruments d’optique, afin d’éviter qu’une condensation de la vapeur émise par les moteurs, ne vienne se déposer sur ces optiques lisses et limpides. Ainsi, vers la fin juin, commencera l’exploitation du télescope.

 

 

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Réussite technique et scientifique de grande ampleur, que rejoint cette autre tout aussi grandiose dont il m’a semblé intéressant de vous parler.

 

Le 7 janvier dernier, un homme de 57 ans a bénéficié aux Etats-Unis, de ce qu’on appelle une xénogreffe humanisée, c’est-à-dire la greffe d’un cœur venant d’un animal, un porc, une première. Les chances de survie de ce patient étaient très minces, en raison d’une insuffisance cardiaque au stade quasi terminal et d’une arythmie mortelle ; et, « vu le manque chronique de donneurs, priorité est donnée aux patients les plus compatibles et qui ont le plus de chances de s’en sortir. » déclare Bernard Vanhove, directeur de Xenothera, entreprise française développant des traitements médicaux issus de l’exploitation animale. Il y a en France, pénurie de greffons et des patients meurent trop souvent du fait d’une attente trop longue.

 En gros, l’opération est la suivante : on produit une cellule embryonnaire de porc génétiquement modifiée, 3 gènes porcins qui induisent le rejet rapide du greffon par le receveur, sont inactivés ; 6 gènes humains favorisant l’acceptation du greffon, sont insérés ; 1 gène responsable  de la croissance du cœur, est inactivé afin de limiter sa taille finale ; la cellule modifiée est implantée dans une truie porteuse qui donne naissance à une lignée de cochons dont on récupère le cœur, lequel peut être, dès lors, greffé sur un malade.

« En tout, ce ne sont que 10 gènes qui ont été modifiés sur les quelques 20000 gènes que compte un cochon. Ces modifications se font au stade embryonnaire et sont héréditaires…Depuis le développement de la technologie, ces modifications génétiques deviennent beaucoup plus simples à effectuer. La discipline a connu une très forte accélération. » déclare le professeur John de Vos du CHU de Montpellier.

« Nous ne sommes qu’au début d’une nouvelle aventure. Les premières greffes humaines remontent aux années 1950 et ce n’est qu’à partir des années 1980, qu’a abouti une réelle amélioration des conditions de vie. » dit le directeur de l’institut de transplantation urologie-néphrologie du CHU de Nantes, Gilles Blancho.

 

 

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                                                                             Don d'organe

 

Des fermes consacrées à l’élevage des animaux à de telles fins, sont envisagées, de telles réussites techniques pourraient sauver des milliers de vies, chaque année.

Des progrès d’un tel niveau peuvent heurter les consciences de certains, peu familiers des évolutions scientifiques, ou peu au courant des capacités de la médecine à réparer des fonctions vitales défaillantes. Il existe un vieux fond de préjugés religieux qui réveille, toujours, des inquiétudes, des peurs devant la supplantation d’organes par des greffes humaines ou animales.

 Les biotechnologies font appel aux cellules-souches capables de réparer tissus et organes, l’intelligence artificielle offre des possibilités mémorielles infinies et des capacités de calcul qui sont autant de performances du cerveau humain ; les neurosciences pourraient avoir une influence sur le fonctionnement du cerveau lui-même.

Prométhée rêvait que l’homme devienne l’égal des dieux quant à Gilgamesh, de la civilisation sumérienne, il fixait comme objectif l’immortalité. Patrice Debré, dans son livre "Les révolutions de la biologie et la condition humaine", rappelle le rite de l’anthropophagie ayant pour but de se nourrir de celui que l’on a sacrifié pour en acquérir les qualités. Francis Bacon fixe à l’homme de : « prolonger la vie, guérir les maladies incurables, amoindrir la douleur, augmenter la force de l’activité, transformer la stature et développer le cérébral. »

On comprend, facilement, que l’humanité est en train de franchir des étapes extraordinaires dans les domaines des sciences et de la biotechnologie appliquée aux humains.

Des problèmes d’éthique se posent, particulièrement complexes, aux scientifiques comme aux médecins, quant aux limites que l’on doit se fixer ou ne pas franchir, ainsi que l’évaluation des réticences aux avancées de la science. Autrefois, on a intenté des procès retentissants à des savants prétendant que la terre tournait autour du soleil, à des astronomes partisans de la révolution copernicienne. Peut-on estimer que, de nos jours, ces appréhensions, ces résistances ont disparu ? On se doit d’avancer prudemment.

Restent des questions sur l’acharnement thérapeutique illustré, il y a peu, par la prolongation d’un patient hospitalisé en état végétatif, auquel la science elle-même préconisait la fin de la prise en charge, au grand dam de sa famille : cette question lancinante de l’euthanasie revient, de temps en temps, au-devant de la scène, les procédures ne satisfont guère la majorité des gens et, chaque fois, des polémiques prolongées se déclenchent.

 

On a mesuré jusqu’où l’on était allé en matière d’eugénisme, de génocide et d’expériences sur des prisonniers ou déportés …C’est la raison pour laquelle la science et les sciences humaines doivent se plier à une éthique qui recueille un consensus le plus large possible.

 Car, souvenons-nous, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »

             

Jacques Lannaud

 



27/01/2022
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