Terre de l'homme

Terre de l'homme

Des années noires à la victoire (2ème partie)

 

 

 

jeanne d\\\'Arc à cheval

 

 

 

 

Partie II- Aux lecteurs du blog : ce récit est long, sans doute un peu trop, mais je n’ai pas voulu l’amputer, ce qui me semblait frustrant.

Cette période de l’histoire de France que j’ouvre, est parsemée de jours sombres où l’on voit le pays s’enfoncer dans une telle faiblesse qu’il est au bord de la reddition, en passe de se soumettre à un nouveau maître, le Roi d’Angleterre.

La tête de pont qu’était Calais, était aux mains des Anglais depuis 1347. Ils s’y étaient solidement installés après Crécy et le siège de la ville s’était terminé par le triste épisode des « célèbres bourgeois de Calais ».

 

Pour revenir sur la première partie, publiée le 7 avril, cliquez sur le lien ci-dessous.

 

https://terre-de-l-homme.blog4ever.com/

 

 

 

En 1415, le trône de France est occupé par Charles VI qui succéda à son père Charles V, lequel avait redressé le royaume et signé une longue trêve avec le roi anglais.

Mais, à partir de 1407 jusqu’en 1435, le pays se déchire en une sorte de guerre civile opposant le parti des Armagnacs qui soutenait le royaume de France et celui des Bourguignons, en faveur des Anglais avec à leur tête Philippe le Bon, duc de Bourgogne, oncle du roi, Louis Ier d’Orléans, frère du roi, du côté français : ils se disputent la régence du royaume en raison de l’état de Charles VI, devenu fou et incapable de gouverner.

 

carte de France

 

 

Sur ce, Henri V débarque à Harfleur avec 12 à 15 000 hommes et se retrouve dans une situation périlleuse, ne pouvant passer la Somme pour rejoindre Calais, avec à ses trousses la puissante armée française. Mais, il précède de peu le roi français et va tendre un piège qui se referme à Azincourt où il a eu le temps d’installer ses troupes et ses archers et de préparer sa tactique « Embourbée et prisonnière d’une tactique obsolète, la chevalerie française fut décimée par la redoutable mobilité des archers anglais. » (Valérie Toureille « Jeanne d’Arc »). Le terrain est détrempé, le ruisseau au bas de la colline devient un torrent, des chevaliers tombent de leur monture et se noient, les troupes françaises « marchaient dans la boue, s’enfonçaient jusqu’aux genoux. Ils étaient déjà vaincus par la fatigue avant même de rencontrer l’ennemi. » dit un religieux. Le roi de France avait fait appel à des arbalétriers génois armés des puissants carreaux d’arbalète qu’ils ne purent utiliser en raison des cordages détrempés par la pluie.

En 1419, nouvelle chevauchée : prise de Rouen, la Normandie devient anglaise pour plusieurs décennies, certains aristocrates normands se réfugient au Mont-Saint-Michel où ils poursuivront la résistance. Puis, tous les enfants de Charles VI vont disparaître, sauf un : le dauphin Charles âgé de 14 ans, futur Charles VII.

Il s’empresse de faire exiler sa mère à Tours. Elle sera libérée par Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Une entrevue de conciliation tourne court à Montereau où Jean sans Terre est assassiné. Fuite du dauphin à Bourges, accusé d’être l’instigateur de cet assassinat, par Philippe le Bon, nouveau duc de Bourgogne allié d’Henri V.

Le 21 mai 1420, est signé entre Henri V et Charles VI, le traité de TROYES qui fait du roi anglais, le successeur du roi de France devenu son gendre par son mariage avec sa fille Catherine de Valois.

Mais, le destin n’obéit pas aux mêmes lois et frappe sans prévenir : Henri V arrivé à ses fins, meurt le 31 août 1422, suivi par Charles VI, le 21 octobre. Sur le trône de France et d’Angleterre doit s’asseoir Henri VI âgé de dix mois.

Cette perspective n’est pas pour satisfaire le parti français ni le parti bourguignon pris de court, vu que le pouvoir va passer aux mains du duc de Bedford et de la famille Lancastre.

Bedford n’est pas un grand politique, il va se conduire en conquérant impitoyable, ravageant les campagnes du nord et de l’est du pays ; mais, il ne pourra pas poser le pied dans le petit royaume du dauphin au sud de la Loire, lequel s’était proclamé roi de France, le 30 octobre 1422, un « roi de Bourges » seul, affaibli et sans argent.

Des seigneurs, rescapés d’Azincourt, beaucoup étaient réticents à rejoindre ce roi auto-proclamé et non sacré à Reims, selon la tradition des rois de France, personnalité secrète, méfiante, peu charismatique dont la troupe franco-écossaise allait subir un nouvel échec à Verneuil en 1424, face aux Anglais perdant dans la bataille ses meilleurs capitaines.

Toutefois, le parti « Armagnac » ne s’avoue pas vaincu. Charles VII répond favorablement à la ville de Montargis assiégée par une troupe franco-anglaise. Il envoie 1600 combattants avec à leur tête le Bâtard d’Orléans, futur comte de Dunois, demi-frère du duc d’Orléans prisonnier des Anglais depuis Azincourt, et des capitaines aguerris : Hugh Kennedy, Poton de Xaintrailles, La Hire, Raoul de Gaucourt nommé bailli d’Orléans en 1426. Les Anglais détalent laissant leur artillerie et ce premier succès tombe à pic.

Le soleil se lève à l’Est et c’est de l’Est que viendra le salut. On était bien loin de s’imaginer qu’il apparaîtrait sous les traits d’une jeune paysanne de 17 ans, Jeanne née à Domrémy sur la rive gauche de la Meuse, en 1412, d’une famille respectée, pauvre et modeste : son père est laboureur, ce qui veut dire qu’il possède un train de culture, des terres, les cultive, sa mère Isabelle de Vouthon tient le foyer, une famille très croyante et pratiquante.

Son enfance est celle d’une enfant du pays aimant courir à travers champs et chemins... Comment pourrait-on s’imaginer qu’un destin incroyable l’attend ? Un caractère affirmé, volontaire, du bon sens, une croyance et une foi inébranlables : « elle va souvent à l’église et à l’ermitage de Notre Dame de Bermont près de Domrémy » déclare un témoin. « Quand elle était aux champs, toutes les fois qu’elle entendait sonner la cloche, elle se mettait à genoux. ». Elle a pris conscience des réalités de la vie, de la souffrance des gens de la campagne ; sa foi, basée sur la culture religieuse qu’elle a reçue, est fondée sur la tolérance, la dignité, le respect d’autrui, l’amour du prochain, la paix entre les hommes...Mais, ce qu’elle voit ou entend, c’est tout le contraire : des razzias opérées par les Anglais qui ravagent les campagnes, brûlent les villages, les récoltes, tuent les animaux, massacrent les paysans, les réduisent à la misère et à la famine. Des ennemis du Christ ? Jeanne s’insurge car le roi de France reste passif, ne les protège plus, ne remplit plus les devoirs qu’un roi doit exercer envers ses sujets. Elle se sent l’âme révoltée. Va-t-elle devenir, à l’exemple pas si lointain, un soldat du Christ portant la croix comme un bouclier ?

Comment faire entendre sa voix quand on est une jeune paysanne de 17ans, perdue dans une société où les femmes n’ont pas droit à la parole ?

Sa foi lui montre la voie, soldat de Dieu, elle va se battre pour ses croyances, pour faire triompher sa foi : Saint Michel, Sainte Catherine d’Alexandrie, Sainte Marguerite d’Antioche qu’elle invoque, souvent, dans ses prières, vont lui tracer son chemin et lui parlent dans son subconscient. Elle s’exprime et formule les conseils qu’elle a reçus de ces saints, ce qui fait dresser les oreilles du capitaine local, un homme du roi, à la tête de la châtellenie de Vaucouleurs, le sieur Robert de Baudricourt qui connaît bien son père. Il la convoque par curiosité, pour juger s’il ne s’agit pas de quelque illuminée voire déséquilibrée. Il la tourmente un peu mais comme elle poursuit son idée et que certains commencent à s’interroger, à prendre intérêt à son discours, il lui donne son accord pour se rendre à Chinon, rapporter directement au roi, ce que «  les voix » lui ont dit, à savoir qu’elle vient se mettre à son service pour reprendre la ville d’Orléans aux Anglais, poursuivre sa route à la tête de son armée jusqu’à Reims pour qu’il y soit solennellement sacré roi de France et exercer son pouvoir selon les préceptes chrétiens.

Déterminée, elle part avec une escorte de six personnes, mise à sa disposition par Robert de Baudricourt : Jean de Metz « un homme d’épée extraordinaire », Bertrand de Poulangy, connu de Jacques d’Arc son père, qui lui fournit son équipement pour le voyage, en font partie.

Baudricourt lui donne une épée et Jeanne de déclarer : « Ledit Robert de Baudricourt fit jurer à ceux qui me conduisaient, de me conduire bien et sûrement. Et Robert me dit, à moi, au moment que je le quittais : « Va, va et advienne ce qu’il pourra advenir ! »

En tenue masculine, montée sur son cheval, la petite troupe s’ébranle le 13 février 1429, pour Chinon distant de plus de 550 km, voyage risqué, long, où les patrouilles anglaises et bourguignonnes surveillent les routes et chemins pleins d’embûches. C’est le début d’une aventure hors du commun qui la mènera à la gloire et fera d’elle une héroïne.

Sans doute, le souvenir est lointain et s’estompe, cette épopée de Jeanne partie seule sur les routes d’une France infestée d’ennemis, une jeune fille à la personnalité exceptionnelle, non dénuée de charisme, de volonté, d’intelligence, de franc-parler. Elle va tenir au roi, dans la grande salle du château qu’elle découvrait, au milieu de belles dames, beaux seigneurs et conseillers, un discours châtié à l’accent rustique qui retiendra son attention et celle de son entourage. Si bien qu’elle est promue chevalier, dotée d’une armure et de l’épée, de son étendard, d’un écuyer.

Elle prend la tête d’une troupe de soldats disparates animés par l’appât du gain, de capitaines rudes, au parler fort, hâbleurs, grivois, rustres, voire grossiers, au passé trouble comme Gilles de Rais mais de guerriers qui ne fléchiront pas dans le combat, la protégeant et auxquels Jeanne, sortie de sa campagne, trouvera les mots justes pour les séduire, fera d’eux ses compagnons de guerre loyaux et fidèles tandis qu’eux en feront leur égérie.

 

siège d\\\'Orléans

 

 

Elle arrive à Orléans, attendue par la population qui célèbre cette jeune fille entreprenante, courageuse et montre la direction à suivre. Il faut engager le fer au plus vite, les Anglais sont en train de s’organiser du côté sud du fleuve où ils tiennent le bastion des Tourelles.

Dans l’enceinte du château de Chinon, Jeanne, la combattante, aura appris les rudiments de la chevalerie, enfiler son armure, tenir son destrier, manier l’épée mais sa fougue, son enthousiasme communicatifs, elle seule sait comment les transmettre à ces soldats et les entraîner au combat.

 

 

siège d\\\'Orléans 2

 

 

Orléans sera repris aux ennemis et elle est aux premières loges donnant l’exemple au point que ses capitaines restent à ses côtés et finissent par reprendre le bastion des Tourelles, les Orléanais n’en reviennent pas, Orléans est sauvé. Certes, nous disent des témoins « contre le gré de plusieurs seigneurs à qui il semblait qu’elle voulait mettre les gens du roi en grand péril, elle fit ouvrir la porte de Bourgogne et une petite porte qui était du côté de la grosse tour et elle passe l’eau avec d’autres soldats pour envahir la bastille ou forteresse du port que les Anglais tenaient encore.

Jeanne fut blessée au cours des combats, d’une flèche qui pénétra sa chair entre le cou et les épaules ; malgré cela, elle ne se retira pas du combat et ne prit pas de remède. Après qu’elle eut été bandée, elle se revêtit de nouveau de son armure et alla avec les autres à l’assaut et à l’attaque qui dura de l’heure de prime jusqu’au soir sans cesser. » Elle se retira, ensuite, pour aller prier seule dans les vignes et prendre du recul.

La prise d’Orléans fut suivie de succès à Jargeau, Meung sur Loire, Beaugency, Patay, la route qui montait vers le nord, vers Reims tenu, encore, par les Anglais de Bedford qui ne digéraient pas leur échec de Patay, soutenus par les Bourguignons. Finalement, ces derniers abandonnent la partie et les bourgeois de Reims se rallient au roi lui remettant les clés de la ville. « Et y était Jehanne la Pucelle, laquelle tenait son étendard en sa main, laquelle était la cause du couronnement du roi et de toute cette assemblée. Et, de l’abbaye de Saint-Rémy, fut rapportée ladite ampoule de Saint- Chrême par le sire Rais, maréchal de France. »

Au milieu de la nef centrale, Jeanne entourée de ses grands capitaines Raoul de Gaucourt, Jean d’Aulon, Jean Mallet, Jean de la Hayes, Xaintrailles, La Hire, Jean d’Alençon...et barons de France, assistent à l’onction du roi par le versement de ce liquide d’huile d’olive et de parfums, le Saint Chrême contenu dans la Sainte Ampoule puis, assis sur le trône, à la remise du sceptre terminé par la fleur de lys et la Main de justice, l’anneau passé au 4iè doigt de la main droite et enfin la Couronne d’or surmontée de quatre fleurs de lys, sertie de pierres précieuses, est posée sur sa tête par l’évêque.

La vraie mission dont s’était chargée Jeanne, se termine ici par le sacre de Charles VII ; son autorité va pouvoir s’exercer légitimement et grâce à une armée reconstituée, en terminera avec la guerre de Cent ans.

 

Jacques Lannaud

 



21/04/2022
5 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 199 autres membres