Terre de l'homme

Terre de l'homme

Farrebique et Biquefarre

 

Farrebique

 

 

Ce titre peut prêter à sourire mais il fait référence à un village qui a fait l'objet de deux films documentaires de Georges Rouquier, tournés à prés de 40 ans d'intervalle en 1946 et 1983, en Rouergue, dans la même ferme et avec les mêmes personnes.

Ce jeu de miroir nous fait toucher du doigt les grandes mutations du monde paysan et la permanence de son attachement à la terre.

L'émission "L'amour est dans le pré" évoque les conditions de vie des agriculteurs actuels. On est à des années lumière de l'immédiate après-guerre mais il y a des choses qui n'ont pas changé : l'amour de la terre et l'esprit de solidarité.

Ces deux films allient poésie et réalisme. Ils ont eu un énorme succès et des distinctions. On aimerait un troisième film pour mesurer les mutations qui ont fait passer le paysan à l'agriculteur et l'agriculteur au chef d'exploitation. On est passé d'une agriculture vivrière qui permettait l'autosuffisance à une agriculture industrielle tournée vers l'extérieur. On vivait exclusivement des produits de la ferme, on va aujourd'hui au supermarché.

Attardons-nous un instant sur les conditions de vie que l'on observe dans "l'amour est dans le pré", l'agriculteur est souvent seul, souffre de cette solitude en dépit d'un cadre de vie nettement amélioré. En 1946 4 générations vivent sous le même toît, cette promiscuité ne permet pas aux jeunes d'avoir une vie privée, le patriarcat met un frein à l'innovation, l'ainé garde la propriété, l'épouse est choisie dans l'environnement immédiat, souvent selon le bon vouloir de la famille. (Dans les années  1970 -1980, le conseil général de la Dordogne attribuait encore des primes de décohabitation).

En 1946 la famille , peu loquace vit en vase clos et en autarcie.

En 1986 et aujourd'hui, la parole s'est libérée, s'est enhardie, on a gagné en indépendance mais on est souvent frustré par l'absence d'une compagne.

L'émission "L'amour est dans le pré", souvent décriée, est désormais acceptée et attendue.

La littérature, la chanson ont souvent donné du monde paysan une image idéalisée.

Je pense en particulier au disque "La France profonde" où M Cheneaud et Armand Mestral chantent La voix des chênes, Le crédo du paysan, La chanson des blés d'or.

On a beau ne pas être dupes de ce tableau idyllique, se méfier de la nostalgie, on se fait souvent prendre en défaut.

Et alors ?

Même si Michel Serres récusait l'idée que " c'était mieux avant", comment ne pas se souvenir, malgré l'âpreté de la vie à la campagne, des vendanges faites à la main, de l'herbe coupée à la faux et du retour triomphal au village de la moissoneuse-batteuse, après une longue absence ?

 

Pierre Merlhiot



18/10/2020
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