Terre de l'homme

Quand l'heure de la retraite sonne, vous refermez un grand livre, celui qui a occupé une grande partie de votre vie. Quand, de surcroît, vous avez adoré votre métier, consciemment ou inconsciemment, c'est un arrachement, même si la fatigue aidant, vous savez que vous ne pouvez aller au-delà de vos forces.

Jean-Pierre Netter

"Quand l’heure de la retraite sonne, 2017".

Passage de Daniel Bideau, photo © 13/11/2014, Pierre-Bernard Fabre

Que l'heure de la retraite sonne...

Poète, censeur critique de cette société qui se déshumanise, ami de la nature et de ces vigoureux paysans qu'il immortalisa avec "La montagne", Jean Ferrat en dit long avec sa chanson culte.

Leur vie, ils seront flics ou fonctionnaires

De quoi attendre sans s’en faire

Que l’heure de la retraite sonne

Le lyrisme de Jean Ferrat, monstre sacré de la poésie, de la musique et de l'humanisme, est  parfaitement analysé par  https://libresavoir.org

La chanson s’ouvre sur un verbe (« quittent ») et se ferme sur un autre de sens opposé (« arriver »). Cet effet de contraste permet à Jean Ferrat de dérouler le sens de son poème en forme de constat de la disparition d’un rendez-vous qui n’aura plus lieu entre l’Homme (sujet du premier verbe «quittent ») et la Nature (sujet du dernier verbe « arriver »). ). Le leitmotiv « Pourtant que la montagne est belle (...) Que l’automne vient d’arriver » prend alors une valeur toute symbolique, en ce qu’il désigne le regret d’un exode rural qu’a fini de vivre la France, dans les années 1950, qui a bouleversé un mode de vie millénaire et métamorphosé notre pays. )

Le texte oppose (Cf. l’anaphore « Pourtant » placée au début du refrain) deux mondes en rupture – la Nature (représentée par la montagne, celle de l’Ardèche si chère à l’auteur) et la Ville - saisis dans leurs différences essentielles : vieillesse, tradition et passé, d’un côté ; jeunesse, modernité et présent, de l’autre. Alors que les strophes 1 et 3 développent ce divorce des générations, la strophe 2, cœur palpitant du poème, est entièrement consacrée à la vie traditionnelle dont elle célèbre avec lyrisme, la dure beauté.

Daniel Bideau, plus que probablement, fut des admirateurs de Jean Ferrat. Sa chanson culte de La Montagne n'a pu le laisser indifférent.

Daniel avait 4 ans, il naquit le 25 juillet 1961 à Sarlat, quand Jean Ferrat pointa, en janvier 1965, l'exode rural de son siècle, avec cet hymne à la paysannerie cévenole. Il est arrivé aujourd'hui à cette échéance de la retraite. Avant d'arriver à ce passage, Daniel a eu une vie militante et citoyenne bien remplie. Il avait pour chacune et pour chacun, lors de ses passages, un bref mais ferme message pour ses mandants et ce n'était certainement pas une invitation à la recherche d'un quelconque www...

Les collines saint-laurentaises, sensiblement à la même latitude, 4 km d'écart, que les reliefs antraigains de la Volane, seront désormais les sentes de son sanctuaire.

Pierre-Bernard Fabre