Terre de l'homme

Terre de l'homme

L'Union Sacrée

Pierre Merlhiot

Pierre Merlhiot, le fondateur de "Terre de l'homme", aujourd'hui va aborder un sujet aussi sensible que complexe.

 

Notre  monde, un peu vite, beaucoup trop vite,  croyait avoir enfin trouvé et scellé le socle de l'Europe dont les meurtrissures sont, hélas, encore bien vives. Ce qui est à peu près certain, c'est que nous avons tous une petite idée, juste, imprécise, imparfaite ou totalement fausse, sur le thème. Seule l'histoire, avec un immense recul, pourra dire -et encore- qui a eu un parfait discernement.

Le captivant billet de Pierre Merlhiot, toujours dans sa veine historique et pédagogique,  a, au moins, au premier chef, l'immense mérite d'être une fine, lucide et objective recherche des causes et des effets.

N'oublions cependant jamais que l'histoire, succession de rendez-vous  réussis ou manqués, est une vis sans fin, elle ne s'arrête jamais. Gardons à l'esprit que le propre de l'erreur est de se prendre pour la vérité et qu'il ne suffit pas d'avoir raison pour convaincre.

 

P-B F

 

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le rhin

 

 

Ca commence par des chamailleries entre poètes mais on sait comment ça finit.

En 1840, Nicolaus Becker, poète allemand, écrit un poème "Chanson du Rhin" répétant à l'envi :"Ils ne l'auront pas, le Rhin allemand, aussi longtemps que les coeurs s'abreuveront de son vin de feu".

En 1841, Alfred de Musset, insatisfait de la réaction trop conciliante de Lamartine, répond à la provocation par un poème : "Le Rhin allemand".

Nous l'avons eu  votre Rhin allemand

Il a tenu dans votre verre....

En réalité, derrière ces rodomontades de poètes, se cache une crise profonde, source d'un prochain conflit : la volonté de Thiers de récupérer les territoires perdus lors du congrès de Vienne (1814) après la défaite de Napoléon et de rétablir la frontière naturelle entre la France et l'Allemagne. Il se voit opposer un refus.

Dès lors, poètes, chansonniers, écrivains, ne cesseront avec la sollicitude et la bienveillance de l'Etat, de glorifier nos soldats, d'exacerber le patriotisme, de légitimer le conflit à venir, persuadés de la victoire prochaine.

 

 
 

Déroulède

 

 

                                                                          Paul Déroulède

 

Un nom à retenir, celui de Paul Déroulède (1846-1914) qui fut un des premiers à incarner la France de la revanche et à mettre sa plume au service de la patrie. Prisonnier des Prussiens en 1870, il s'évade, reprend du service et, la guerre finie, consacre son temps à des écrits patriotiques, exaltant le sacrifice de nos soldats.

L'air est pur, la route est large

Le clairon sonne la charge -

Alors le clairon s'arrête

Sa dernière tâche est faite.

Il achève de mourir

Le clairon

 

Il fait aussi l'éloge de la solidarité entre les soldats au front et les civils de l'arrière.

Ah ! Bonne hôtesse Ah ! chère vieille !

pourquoi tant me gâter, pourquoi ?

Et la bonne vieille de dire :

Moitié larmes, moitié sourire

J'ai un gars, soldat, comme toi

Le bon gîte

Lucien_Boyer_1

 

                                                                                Lucien Boyer

 

Paul Déroulède meurt en 1914, d'autres vont prendre sa place, exalter le patriotisme et fêter la victoire, tel Lucien Boyer, cité par le docteur Biraben en 2018, à Sagelat.

Dans l'or éblouissant du couchant radieux

Les Poilus s'avançaient comme des demi-dieux

Sous leurs casques de fer plus troués que des cibles

Tout le peuple muet s'était mis à genoux.

Le retour 

Le docteur Biraben aurait pu également citer le poème "Les mamans" (1916).

Quand les enfants, meurtris, blessés sous les canons

Qui voudrait au chevet des mourants, mourir pour eux ?

Les mamans.

Pendant toute la guerre et la célébration de la victoire, les textes seront à l'avenant et si l'on s'étonne parfois du style emphatique, dithyrambique des poèmes et des chansons patriotiques, c'est qu'il est à la mesure des sacrifices et de l'hécatombe qui a frappé les nations.

 

 

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La chanson "Quand la Madelon" (mars 1914) est sans doute la plus emblématique et  la plus optimiste : interprétée devant les soldats au théâtre aux armées, elle devient très vite un chant militaire connu de tous. Mais la chanson la plus poignante est sans doute "La chanson de Craonne" créée au lendemain de l'offensive désastreuse du Chemin des dames.

 

theatre aux arméesdocument

 

                                                                Le théâtre aux armées

 

 

Par la suite, l'éloge du soldat et de la solidarité de l'arrière prendra d'autres formes mais on ne retrouvera jamais la ferveur de cette époque-là.

Les guerres de nature coloniale, la suppression de la conscription donneront au patriotisme, aux relations entre l'armée et la nation, un visage différent.

J'ai suivi, il y a peu, une émission à la TV où la question posée était " Accepteriez-vous de mourir pour votre pays ?" Rappelez-vous le chant des Girondins "Mourir pour la patrie, c'est le sort le plus beau".

Les personnes interrogées subordonnaient leur adhésion à un certain nombre de conditions, comme si la question était : "Votre pays mérite-t-il que vous mourriez pour lui ?".

On ne s'étonnera pas après cela que le métier de soldat, tout en restant associé à la notion de patrie, soit présenté par les institutions comme l'acquisition d'une expertise d'une profession. L'idée était déjà en germe au moment de la guerre d'Indochine. Je fais référence aux affiches invitant les jeunes gens à s'engager, avec le slogan : "Tu es un homme, va en Indochine, tu seras un chef".

Il est regrettable que le mot "patriote", accaparé, monopolisé par certains courants de pensée, ait de ce fait, pris quelquefois une connotation négative (chauvinisme).

L'Union Sacrée était le nom donné au rapprochement politique qui a soudé les Français de toutes tendances lors du déclenchement de la Grande Guerre et qui s'est traduit par les élans du coeur de la nation envers ses soldats.

Ce serait sans doute se voir reprocher d'avoir l'âme cocardière que de reprendre cette expression. Nous ne sommes plus le 11 juillet 1792 où l'assemblée française décrète la patrie en danger puis la levée en masse. Valmy suivra. Les dangers qui nous menacent, sont beaucoup plus insidieux : crise identitaire, crise économique, crise sanitaire. Ils ne seront pas repoussés par un coup d'éclat mais par une vigilance de tous les instants.

A défaut d'être des patriotes, efforçons-nous d'être des bons citoyens. Ce n'est pas si mal que ça.

 

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PS : En 1939, Maurice Chevalier visant à renforcer le moral des Français mobilisés en septembre, chante une chanson écrite par Jean Boyer, fils de Lucien Boyer , auteur du poème "Le retour".

Et tout ça, ça fait

D'excellents Français

D'excellents soldats

Qui marchent au pas

Ils n'en avaient pas l'habitude...

Ce fut sans effet. Il se racheta en chantant "Fleur de Paris" à la libération.

 

 

Pierre Merlhiot

 

 

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Les prochains billets à venir. L'un va nous amener, sur les jeunes reliefs du Cénozoïque, autrefois nous disions de l'Ère Tertiaire, dans les Alpes, montagnes mythiques de l'Europe. L'autre modestement collinaire, en quatre volets, vous invitera à suivre une voie bien moins accidentée. La R.D n° 2 du Pas de la Fontaine, dans le sillon de la Lizonne, aux sources de Labrame, dans le creuset du Dropt, serpente dans l'ancien Comté du Périgord, pour traverser les collines hercyniennes, bien érodées depuis le Carbonifère, de trois des quatre baronnies du Périgord.

Entre ces thèmes, Françoise-Marie va, certainement, captiver ses admiratrices et admirateurs, avec le neuvième épisode de sa saga.  

 

Attention, l'ordre de passage ne sera peut-être pas strict.  



17/11/2021
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