Terre de l'homme

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La culture en souffrance

 

théâtre Carves                  Théâtre de Carvès -  photo archives Bernard Malhache

 

A la veille du deuxième confinement, les adoptions de chats et les ventes de livres ont explosé. Nous redoutions la solitude, nous avons pris les devants. Mais le tête à tête avec un livre, un chat ronronnant à côté, pour apaisant qu'il soit, ne compense pas la brutale mise en sommeil de ce qu'il est convenu  d'appeler le spectacle vivant.

La culture c'est dans doute la connaissance mais aussi un moyen souvent sous-estimé, de communiquer, de rencontrer l'autre.

Or qui mieux que le cabaret, le cirque, la danse, le concert, le théâtre, peut jouer ce rôle social ?

Aller au théâtre, c'est toujours un événement.

Aller sur les gradins de l'amphithéâtre d'Epidaure, au IVème siècle avant JC, voir une pièce d'Euripide ou d'Eschyle.

S'asseoir par manque de place, sur la scène du Palais Royal au 17ème siècle pour assister à la première du Malade imaginaire

Assister en 1830 à la Bataille d'Hernani, dans le brouhaha de la salle où la "claque" s'en donne à coeur joie et où, sur scène, mademoiselle Mars, la comédienne refuse de dire : " Vous êtes mon lion superbe et généreux", sous le fallacieux prétexte qu'Hernani, le héros, à la ville s'appelle Firmin.

Qu'y a-t-il de commun à tous ces épisodes ? Le bonheur d'être ensemble, de manifester par le geste et la voix sa joie et sa déception et surtout de croire ou faire semblant de croire à une fiction où l'artifice règne en maître. Ce paradoxe nous séduit. Il n'y a pas d'art qui donne autant de plaisir, d'émotion, de complicité, que ce soit dans une auberge de campagne ou dans un théâtre à l'italienne.

"Vive le mélodrame où  Margot a pleuré" (Alfred de Musset).

Jean Vilard avait fort bien compris ce que le théâtre a de singulier : "  Il n'est pas d'art qui plus néccessairement que  le théâtre, ne doive unir illusion et réalité. Cela à l'insu du public et en pleine lumière. Complices."

Nous avons tous envie de passer de la ville à la scène. Ceci explique le succés du théâtre amateur.

J'ai cédé à 2 reprises à cette tentation : j'ai joué "les 37 sous de monsieur Montaudouin" desservi  par  une dent de sagesse. La 2ème tentative fut aussi peu glorieuse : choisi pour jouer le rôle de jeune premier dans "Le rendez-vous de Senlis" de Jean Anouilh, je dus céder mon rôle pour finir dans le trou du souffleur. Dés lors je me suis contenté d'aller voir jouer les autres.

Je n'oublierai jamais par  une belle nuit d'été dans la cour du château  de Caussade. Une troupe y jouait "La Tragédie du vengeur" d'un dramaturge anglais Cyril Tourneur (1606). La scène était jonchée de cadavres, l'orage  arriva, le public déserta les gradins à toute hâte. Je restai seul avec ma famille. c'est alors  qu'à rôles inversés, les acteurs s'avancèrent sur le devant de la scène et nous applaudirent pour être restés stoïques sous la pluie jusqu'au bout .

Où est l'illusion ? Où est la réalité ?

C'est cette ambiguité qui séduit le spectateur.

"Le monde entier est un théâtre. Et tous les hommes et femmes n'en sont que les acteurs et notre vie durant, nous faisons plusieurs rôles".  ("As you like it"  Shakespeare).

Hamlet                        Hamlet et Horation au cimetière (Eugène Delacroix)

 

Ophélie

                                                                 Ophélie  (John Everett Millais)

 

 

L'éloge que je fais du théâtre n'est pas exclusif de celui que l'on doit aux autres arts. L'Etat a raison de leur apporter une aide pour surmonter la crise sanitaire. On mesure aujourd'hui qu'aller au concert, assister à une pièce de théâtre, fréquenter une librairie, tout cela n'a pas de prix.

 

PS : je n'aurai garde d'oublier  la compagnie du théâtre du Fon du loup, chére à Bernard Malhache, et qui joue ses propres créations et fait venir des artistes renommés.

 

Pierre Merlhiot



02/11/2020
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