Terre de l'homme

                                                                            L'abri Cro Magnon

Dans l'article "Vous qui passez sans les voir " nous avons vu dans quelles conditions, les grottes ornées furent découvertes et les soupçons qui pesaient sur leur authenticité. Mais quels étaient les liens entre ces cavernes et les hommes préhistoriques ?

Dans la saga préhistorique de Jean M. Auel "Les enfants de la terre", les séries de films d'animation "L'âge de glace" et "Silex and the city" ou des romans comme "La guerre du feu", une iconographie s'impose : un paysage enneigé, un abri sous roche surplombant l'entrée d'une grotte, la tribu rassemblée autour d'un feu que les femmes entretiennent tout en surveillant les enfants, les hommes revenant de la chasse, armés de leurs arcs et de leurs sagaies. La tentation est grande de les faire vivre à l'intérieur de la grotte, n'y cédons pas, la grotte est plus un piège qu'un refuge. La tribu y serait à la merci des prédateurs. Il suffit de voir les griffures d'ours des cavernes sur les parois.

                                           campement préhistorique . Abri sous roche

En l'absence d'abri sous roche ou dans des périodes climatiques favorables, il y a des campements de plein air. C'est sur le plateau de Meyrals que le préhistorien Séverin Blanc et son épouse recherchaient les silex taillés, en période de labour.

Le plus grand site de plein air se trouve dans le nord du Portugal, dans la vallée de Côa, où l'on trouve sur des centaines d'hectares, gravures et peintures sur des formations schisteuses ou granitiques. Les plus vieilles ont 29 000 ans. On les visite en véhicules tout terrain. 

Nos ancêtres vivaient dans des conditions climatiques sévères. Depuis 3 millions d'années, le climat oscille entre périodes glaciaires et périodes interglaciaires. La dernière époque glaciaire a duré 100 000 ans et s'est terminée, il y a 12 000 ans. Elle fut entrecoupée de froids intenses (époque solutréenne de -22 000 à - 17 000) et de périodes de réchauffement dont la plus brutale fut celle dite de "Lascaux" (-15 000 à- 14 240). En moins de 1000 ans, le sud de la France gagna 10 à 12 degrés, ce qui est considérable. C'est à cette époque que les rennes, gibier principal, migrèrent vers le nord. 

                                                                           Roc de Cazelle

Aujourd'hui, nous avons l'impression d'avoir sous les yeux, un paysage immuable : il n'en est rien, nous avons eu en Dordogne au gré des aléas climatiques : la toundra ( pas d'arbre, des lichens et des mousses), la taïga (forêt peu dense), puis une forêt de chênes et de tilleuls. Cette végétation peu dense était propice aux herbivores (aurochs, mammouths, bisons...) et à leurs prédateurs (ours, ours des cavernes, lions des cavernes, tigres à dent de sabre).

                                                                          grotte des Combarelles

A cette dernière glaciation, allait succéder un climat plus tempéré, ce qui n'exclut pas, au cours du dernier millénaire, des périodes de refroidissement appelées "petit âge de glace" et dont les plus virulentes sont celles du 14ème siècle, du dernier tiers du 16ème siècle, et la période allant de 1815 à 1860. Ces refroidissements de l'ordre de 1 degré peuvent paraître faibles mais, en réalité, l'activité humaine, en particulier agricole, s'est ralentie provoquant des famines et des crises politiques.

Pour l'essentiel, les grandes variations climatiques avaient des causes naturelles : position et inclinaison de l'axe de rotation de la terre par rapport au soleil. A des époques plus reculées, le volcanisme, la chute de météores... ont provoqué 5 extinctions massives de - 445 millions d'années à - 65 millions d'années (disparition des dinosaures).

                                                             reconstitution ours des cavernes (wikipédia)

En Dordogne, les conditions sont réunies pour que la préhistoire nous soit familière :  grottes ornées (Lascaux, Les Combarelles, Font de Gaume, Cussac....), gisements éponymes (La Madeleine, le Moustier, la Gravette...) abondent, mais si nous en savons assez pour épater un cousin de passage, il nous faudra plus de modestie et d'humilité pour en parler avec Yves Coppens.

Yves Coppens qui fut professeur au collège de France et sans doute un des meilleurs préhistoriens, découvrit Lucy en Tanzanie en 1974. Il saurait nous faire comprendre que derrière les termes génériques (homo habilis, homo ergaster, homo erectus, homo sapiens) se cachent, non des abstractions, mais des êtres de chair et de sang qui surent surmonter, dans des conditions climatiques sévères, des environnements hostiles, le froid, la faim, les prédateurs, et qui, cependant, ont su trouver le temps de mettre sur les parois des grottes, gravures et peintures qui traduisaient l'idée qu'ils se faisaient du monde et sur laquelle nous nous interrogeons.

Pierre Merlhiot