La naissance d’une nation : des faits et des symboles, une âme, une culture... (1ère partie)
Notre Dame de Chartres
Un pays, un vaste territoire, n’est pas le seul résultat d’une volonté, d’une résistance, le fruit de guerres, de tragédies, de massacres mais, aussi, celui d’une âme profonde, quasiment sacrée, d’une communion consciente, d’un peuple qui forme un tout avec la terre, le territoire, une géographie paysagée et variée, des fleuves, des montagnes, des forêts et des sacrifices consentis par des générations au fil des ans, des siècles, pour en façonner l’aspect, modeler la terre nourricière, la faire fructifier, la parsemer de villes, de villages, de châteaux, d’églises autour desquels se blottissent maisons et habitants, ces bâtisseurs de cathédrales que l’on voit surgir à l’horizon vers la fin du XIIe siècle :
Étoile de la mer voici la lourde nappe
Un homme de chez nous a fait ici jaillir,
Et la profonde houle et l'océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape
Et voici votre voix sur cette lourde plaine...
Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l'âme solitaire...
Depuis le ras du sol jusqu'au pied de la croix,
Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir.
Présentation de la Beauce à notre Dame de Chartres
Charles Péguy
Ce pays, la France, nous rassemble, aujourd’hui, terre généreuse au sein de laquelle une même langue, une même culture nous unit, nous motive, nous élève et nous révèle sa beauté naturelle et son génie que nous ont livrés l’intelligence, le talent artistique d’hommes exceptionnels, inventeurs d’une culture raffinée et universelle, héritière de l’apport de l’Antiquité, enrichie des traductions grecques et latines que réalisaient à partir de textes anciens parvenus jusqu’à eux, dans le silence des monastères, des moines érudits : textes écrits sur de vieux parchemins voire des tablettes de cire, à moitié effacés ou retrouvés par hasard dans quelques grottes poussiéreuses, dans des jarres restées là, pendant des siècles, comme Les Manuscrits de la Mer Morte.
Et, ensuite, viendront des écrits ornés de magnifiques enluminures en latin, roman, occitan, vieux français, récits d’exploits de héros, des chansons de geste ou d’amour, contés dans les cours princières des seigneurs cathares d’Occitanie, par des troubadours séducteurs, musiciens et poètes, inventeurs du bel esprit et des cours d’amour, des aventures chevaleresques de seigneurs défendant leur honneur dans des tournois ou partant rejoindre l’ost royal à la guerre, revenant blessés ou comme le dit cette vieille chanson à propos du roi Renaud « Le roi Renaud de guerre revint, tenant ses tripes dans ses mains, sa mère était sur le créneau, qui vit venir son fils Renaud... » ( chantée par Yves Montand.)
Le territoire, alors, n’était pas aussi hexagonal, ne se composait pas d’un seul et même peuple, quand Jules César fit la conquête d’une Gaule celtique s’étendant du Nord au Sud depuis la Belgique séparée de la Germanie par une longue frontière bordée par le Rhin se jetant dans la Mer du Nord. Au centre, la Celtique puis la Gaule romaine ou narbonnaise, l’Aquitaine, la Gaule cisalpine du côté italien, ces territoires qu’occupent des centaines de tribus gauloises, chacune jalouse de son identité, de son dialecte, de sa contrée, séparées par les limes que l’on assimile à des frontières, au temps des Romains, un chemin, une voie menant vers des territoires conquis, récemment : la lime germanique fait partie du territoire mondial de l’UNESCO sous le nom de « Frontières de l’Empire romain », de même le mur d’Hadrien en 1987 et le mur d’Antonin en 2005 au Royaume-Uni ont été classés pareillement.
Pourtant, face à la conquête romaine, ressentie comme des envahisseurs, des soldats cruels et sanguinaires, une unité majoritaire de tribus gauloises se concrétise à Alésia, à l’appel du chef gaulois Vercingétorix, unité qui ne s’est pas totalement coagulée à l’instant crucial de la bataille, par défection de la cavalerie des Héduens. Il s’agit là, peut-être, d’un petit pas vers une prise de conscience d’une solidarité commune.
La longue décadence de l’Empire romain n’est pas, contrairement à ce que l’on disait, auparavant, une chute, un effondrement, mais bien le résultat d’une érosion lente dûe à la pression des peuplades venues de l’est et du nord et que l’empire avait de plus en plus de mal à contenir, au point que dans cette vaste étendue frontalière et en de nombreux endroits, les Romains laissèrent certaines populations s’installer sur ces limes, par exemple dans les contrées bordant le Danube. Mais, c’était le ver dans le fruit et l’empire fut progressivement noyauté par ces peuples qualifiés, antérieurement de « barbares » qui s’infiltrèrent habilement dans les organes administratifs et exécutifs de l’empire romain.
La bataille des champs Catalauniques (ou bataille de Châlons au lieu-dit de Campus Mauriacus) a opposé en 451 après J.C., les forces coalisées romaines, gallo-romaines et surtout germaniques, d'une part, et l'armée composite de l'empire des Huns.
Puis, surgirent ces hordes sauvages venant de plus lointaines contrées extrême-orientales, les Goths, les Alamans, les Huns qui ravagèrent les territoires, pillant, incendiant, massacrant... épisode tragique qui se conclura par La Bataille des Champs Catalauniques autour de Châlons en Champagne, en l’an 451 après J.C., bataille opposant les chefs Aetius, Théodoric Ier, Mérovée... à Attila et ses alliés qui, défaits, quitteront la Gaule.
La Gaule va changer de visage : une tribu germanique descend des rives de l’Escaut et s’installe en Belgique à Tournai, ce sont les Francs saliens dont Clovis, issu de la dynastie des Mérovingiens, fils de Childéric Ier, devient le chef et prend la tête de tous les Francs. En 482, le territoire des Francs est septentrional, bordé tout en haut de la Belgique par les Frisons et les Saxons à l’est, au sud « le royaume romain de Syagrius, celui des Burgondes, en dessous les Wisigoths. Un fait majeur à signaler : Clovis Ier, sous l’influence pressante de Clothilde, son épouse, est baptisé par l’évêque Rémi, là où sera érigée la cathédrale de Reims.
Avançons dans les successeurs et nous nous retrouvons avec Pépin le Bref, fils de Charles Martel, roi de la dynastie des Carolingiens de 751 à 768, anciennement maire du palais de Neustrie et dont le successeur sera l’empereur Charlemagne, couronné à Rome par le pape Léon III, le 25 décembre 800.
L'empire carolingien à son apogée
C’est seulement après la mort de l’empereur à la barbe fleurie, le 28 Janvier 814, et celle de son successeur, son fils Louis le Pieux, par le traité de Verdun de 843 que l’empire carolingien et la Gaule ainsi nommée depuis 1000 ans, devient la Francie occidentale bordée par la Lotharingie attribuée à Lothaire Ier et, à l’est, le royaume de Louis le Germanique.
Vers la fin du XIIe siècle, on se retrouve avec un territoire découpé en plusieurs principautés dont le domaine royal capétien, assez rétréci, qui s’étale d’Arras à Bourges, dans une étroite bande de terre, menacée à l’ouest par le puissant domaine des Plantagenêts, coincé à l’est par le redoutable duché de Bourgogne, au sud le comté de Toulouse et les vicomtés de Trencavel, plus à l’est le Comté de Provence, le tout bordé par le Saint-Empire Germanique.
On ne donnait pas cher, alors, de la survie de ce royaume ayant succédé à celui des Francs dont la capitale Paris se situait sur les rives de la Seine dans cette Ile de France aux riches terres mais dont les rois successifs s’étaient heurtés à plus puissants qu’eux.
Jacques Lannaud
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Second volet après-demain
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