Terre de l'homme

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La peste sous Marc-Aurèle

 

Catherine, l'assembleuse de ce blog,  s'est échappée pour 72 h. Elle m'a confié les clés de "Terre de l'Homme" en me laissant le choix de trouver des thèmes pour couvrir son absence.

J'ai trouvé, dans le sas, un excellent thème de Jacques Lannaud, son merveilleux parrain. Il fait un spectaculaire saut en arrière et nous ramène dans la Rome antique quand Marc Aurèle l'un des rares empereurs qui laisse un souvenir de philosophe placide, éclaireur de la Pax Romana, apporta un embryon d'accalmie bi-séculaire. Jacques Lannaud fut un praticien moderne de notre temps. Il n'a donc rien à voir avec l'élite patricienne romaine. Il va nous immerger dans un monde où la médecine, comme aujourd'hui, était en recherche de thérapies, de justesse et certainement, au milieu des croyances et des pétrissements de certitudes, avait bien des difficultés pour trouver le juste itinéraire.

 

Demain, nous changerons de siècle pour aller de la lointaine Route de la soie à la fascination des trains prestigieux... et des autres. Après-demain, nous retrouverons le siècle que nous venons  de clore et parlerons de l'héroïne de Guy de La Nauve. Dimanche, Catherine, la gardienne du cercle, reprendra ses clés et va découvrir, certainement avec plaisir, qu'un majoral du félibrige vient de s'y inscrire… nous en reparlerons.

 

P.F

 

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Tête de la statue d'un jeune garçon aux cheveux frisés.

Voici la morale parfaite :  vivre chaque jour comme si c'était le dernier ; ne pas s'agiter, ne pas sommeiller, ne pas faire semblant.

 

Marc Aurèle, jeune

EmpereurHomme d'étatPhilosophe (121 - 180)

Image Musée du Capitole. Rome

 

 

 

Revenons aux règnes des co-empereurs romains Lucius Verus et Marc Aurèle, fils adoptifs d’Antonin le Pieux qui avait succédé à Hadrien en mars 161.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, depuis. Ces deux empereurs, exerçant un pouvoir collégial original, vont cohabiter pendant 8 ans, Lucius Verus mourra victime de la " peste ".

Resituons les faits. L’histoire commence aux confins de l’empire romain dans ces provinces moyennes orientales si loin de Rome, le royaume des Parthes ou Empire arsacide installé en Mésopotamie, à cheval  entre Iran et Irak, entre 247 av J.C. et 224 ap. J.C.

A la tête des légions romaines, Verus menait la guerre contre les Parthes quand une épidémie éclata parmi les soldats dont on ignorait, totalement, l’origine. Ce n’est pas la première à apparaître dans ces pays mais le fatalisme régnait parmi ces populations qui, plus ou moins, attribuaient cela à la colère des Dieux. La pandémie née en Asie mineure, va se répandre sur tout le territoire européen. D’abord, elle gagne la Grèce par le Pont-Euxin puis les Balkans, passe en Italie, remonte vers la Gaule et la Germanie, l’Angleterre, l’Espagne et enfin, s’installe sur l’autre rive de la Méditerranée.

On était loin de s’imaginer que derrière ces affections ravageuses, la transmission se faisait d’humains à humains et par des vecteurs du volume d’une micro-poussière. On s’en tenait aux croyances et à la bonne disposition des dieux ; mais, le mystère était si épais que le désespoir s’emparait des humains qui finissaient par s’en référer à des gourous. L’un d’eux, Alexandre d’Asanotichos, ne jugeait de la situation que par le culte du serpent Glycon, à tête humaine et barbu, culte qui fit le tour de l’empire Romain puis des pays du Danube jusqu’à la Syrie et au-delà. Il avait pour don de stopper " la peste " transportée dans les airs tandis que le gourou proposait des produits à suspendre aux portes des maisons afin d’arrêter les poussières pestilentielles.

On dénombrait, cependant, des médecins aux têtes remplies d’études approfondies de grec et de latin. L’un d’eux resta longtemps célèbre, son nom toujours répandu dans le corps médical, il s’agit  de Claude Galien, digne successeur d’Hippocrate. Né à Pergame en Asie mineure, il exerça sur place et à Rome où il donna des soins à plusieurs empereurs et mourut vers 201.

Il avait préparé son remède à base de terre d’Arménie et déclara : " Tous ceux qui burent de ce médicament furent, rapidement, guéris, toutefois, ceux qui n’en ressentirent aucun effet moururent tous. ".  Le remède n’était pas fait pour des malades incurables.

Ne nous arrêtons pas là car Galien était un fin observateur, un grand clinicien et il nous apporte une fine description de l’affection qui rappelait la grande peste survenue à Athènes autour de 450 av. J.C. et que nous relate Thucydide.

Elle débute par une forte fièvre puis apparaît un exanthème sur tout le corps, fait de vésicules qui prennent une couleur noire. Il note, aussi, des troubles digestifs, de la diarrhée qui devient noirâtre.

Le diagnostic est fait et cette maladie va prendre le nom de peste de Marc Aurèle ou peste antonine, du nom de la lignée impériale, une fièvre un peu spéciale avec micro-hémorragies cutanées qui se tranforment en croûtes noires et tombent au bout de plusieurs jours, laissant une cicatrice et, plus grave, en hémorragies intestinales de sang noir. C’est, tout simplement, la première pandémie de variole de l’Occident sous une forme particulièrement grave.

Galien poursuit en disant : " J’atteignis l’Alquilée quand la " peste " s’abattit comme jamais encore auparavant, si bien que les empereurs prirent, aussitôt, la fuite pour Rome avec une poignée de soldats tandis que nous, le grand nombre, nous eûmes peine, pendant longtemps à nous en tirer sains et saufs : les gens mourraient, pour la plupart, non seulement à cause de la peste mais aussi parce que cela se passait au cœur de l’hiver. Après que Lucius sur le chemin de retour, eût quitté le monde des hommes, Antonin fit ramener son corps à Rome et procéder à son apothéose, avant de s’occuper de l’expédition contre les Germains. »

Des années plus tard, des libelles diffusèrent la nouvelle que les soldats romains étaient les vrais coupables de cette épidémie car ils avaient offensé les Dieux en saccageant un temple dédié à Apollon dont ils avaient pris la statue et aussi un sanctuaire chaldéen. La vengeance des Dieux les poursuivit tout le long du chemin jusqu’à Alquilée où on les consigna. Des soldats avaient pu gagner Rome où ils apportèrent la mort. L’empereur Marc Aurèle mit fin à la guerre et la maladie s’interrompit.

 

J’espère que ce récit vous aura intéressés. On était loin de penser que nos sociétés hypervéloces, au faîte de la modernité, du développement intellectuel, de la technique, de la communication, du tourisme, et j’en passe, seraient, ainsi, mises sur le carreau. Si des soldats romains pillards et contaminés avaient répandu le mal, aujourd’hui, la vox populi accuse, à juste titre, la Chine d’empêcher un accès de son territoire aux équipes de scientifiques internationaux qui voudraient bien tirer au clair la contamination de la transmission du SARS-COV2 à l’homme à partir d’animaux pas tous identifiés.  

 

Jacques Lannaud



18/12/2020
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