Terre de l'homme

Il y a des dates de notre histoire que les écoliers, même les moins inspirés par l'appropriation de notre passé, ont mémorisées, pour leur vie. Celles-ci se limitent parfois à une année, 1515, sans que l'on soit capable de formuler une phrase sur les causes ou les effets. La bataille de Marignan (Marignano en Italie, aujourd’hui Melegnano, ville à 16 km au sud-est de Milan) eut lieu les 13 et 14 septembre 1515. Elle opposa le roi de France François I^er et ses alliés vénitiens aux mercenaires suisses qui défendaient le duché de Milan.

D'autres sont plus précises, Noël de l'an 800, avec son cortège d'arrangements "fleuris" à l'envi, par l'Ernest Lavisse, en est une.

Les dates, elles étaient une des fantaisies des Hussards noirs de la République, devaient nous inciter à connaître notre grande histoire. Tant pis, si on ignorait les combines  et les manœuvres pas toujours glorieuses des acteurs.

Notre histoire, riche en péripéties, est devenue presque  un synonyme des dates. Le 14 juillet, pour chacune et chacun d'entre nous, est la date de la grande Révolution. Celle-ci mérite certainement beaucoup de réflexion et de travail d'historiens. Nous n'avons pas même besoin de l'étayer de l'année, tant elle tombe sous l'évidence. D'autres repères viennent jusqu'à nous, sans que l'on ait besoin de les épingler à une année. La Nuit du 4 août, qui a failli devenir notre date de fête nationale, ou le 11 novembre qui symbolise la fin d'une tragédie mondiale, n'ont pas besoin d'autres précisions calendaires.

Si le 18 juin revient assez facilement, beaucoup ont oublié qu'un autre 18 juin, en 1815,  à Waterloo, un monstre d'orgueil comptable d'une immense boucherie, essuya un cuisant échec.

Relativement proche de nous, un certain 13 mai, en 1958, il y a donc tout juste 64 ans, des préparateurs d'un régime présidentiel, pour ne pas dire personnel, savouraient le désordre d'un déchirement  qui ouvrait l'itinéraire de l'abandon du régime parlementaire.  

Aujourd'hui, si nos concitoyens mémorisent, semble-t-il,  le 18 Brumaire, date qui fit trébucher notre Première République, ils sont beaucoup moins nombreux à graver dans leur esprit, la nuit du 1^er au 2 décembre, celle de 1851, quand la famille Bonaparte osa, pour la deuxième fois, terrasser la République. Le neveu fut, certes, moins désastreux que son "illustre" oncle. Il trouva sur son chemin, le ressaisissement d'un certain Victor Hugo. Il fut bien discret, quelques décennies avant, se contentant d'immortaliser l'échec par "L'expiation".  Il neigeait. On était vaincu par sa conquête. Pour la première fois, l'aigle baissait la tête. Sombres jours ! L'empereur revenait lentement…

Pierre Fabre

Nuit du 2 Décembre. Devant un buste tutélaire de l'empereur Napoléon Ier, le président Louis-Napoléon Bonaparte (à droite) délivre ses instructions aux conjurés du Coup d'État lors de la nuit du 1er au 2 décembre 1851. De gauche à droite : son secrétaire Jean-François Mocquard tient la liste des personnes à arrêter, le général de Saint-Arnaud tient les ordres militaires destinés au maréchal Magnan, Charles de Morny (par ailleurs demi-frère du président) glisse dans sa poche, le décret le nommant ministre de l'Intérieur, tandis que Victor de Persigny se tient fidèlement en retrait. [1] Estampe dessinée par Philippoteaux et gravée par E. Leguay, extraite de l'ouvrage de Paul Lacroix, Histoire politique, anecdotique et populaire de Napoléon III, empereur des Français, et de la dynastie napoléonienne, vol. 4, Paris, Dufour, Mulat et Boulanger, 1853. Nicole Villa, Denise Dommel et Jacques Thirion, Collection De Vinck : inventaire analytique. Un siècle d'histoire de France par l'estampe, 1770-1871, tome 7 : La Révolution de 1848 et la Deuxième République, Bibliothèque nationale, Département des estampes, 1955, p. 768, lire en ligne.

Henri Félix Emmanuel Philippoteaux — Cette image provient de la Bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b53019064w/f1