Le bien-être animal
Charles Darwin
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"Il ne ferait pas de mal à une mouche".
C'est ce qu'on dit des gens exempts de toute méchanceté. Dans le film "Lacombe Lucien" (1974), on voit un jeune homme désoeuvré mutiler lentement une mouche. A l'évidence, le réalisateur veut nous suggérer que la perversité de son comportement préfigure son adhésion à la milice où il pourra exercer ses mauvais penchants, en toute impunité. Enfants, il nous arrivait de nous livrer à ces pratiques sans penser à mal. Nous allions même jusqu'à tuer des oiseaux avec des lance-pierres, nous assistions quelques fois, à l'abattoir, à la mise à mort d'une bête au moyen d'un merlin. Pour limiter les naissances, les gens jetaient à la rivière, chiots et chatons enfermés dans un sac. Telle était à l'époque, notre société qui agissait par habitude, dénuée de sadisme et de perversité. |
Par bonheur, la lutte contre la maltraitance animale a fait son chemin. Notre sensibilité a changé. J'ai déjà développé ce sujet. Tout le mal vient de ce que l'homme se situait en haut de la hiérarchie du vivant, l'animal étant ainsi livré à son bon vouloir et à ses caprices.
Scène de la vie paysanne d'autrefois
"Dans les animaux, il n'y a ni intelligence, ni âme, comme on l'entend ordinairement. Ils mangent sans plaisir, ils crient sans douleur, ils croissent sans le savoir, ils ne désirent rien, ils ne craignent rien, ils ne connaissent rien ..."
A ce réquisitoire de Mallebranche (1638 -1715) qui considérait que l'animal était insensible à la souffrance, répond aujourd'hui la radicalité de Peter Singer qui, dans "La libération animale (1975)", met l'homme et l'animal sur un pied d'égalité (antispécisme).
Entre temps, les idées de Charles Darwin avaient fait leur chemin. Nous avons le même ancêtre commun.
Le point d'orgue fut atteint en 2010 au Colloque du Mans où philosophes, historiens, généticiens, anthropologues, se réunirent sur le thème "Qui est l'animal ? ". Dès lors, la réhabilitation de ce dernier était assurée.
Il va de soi que ce regard nouveau et bienveillant sur l'animal, se devait d'avoir une traduction sur le plan législatif.
La première loi sur la protection animale fut la loi Grammont (1850) : elle punissait ceux qui auront " exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques ". Vidée d'une partie de sa substance, elle semble protéger davantage la sensibilité des spectateurs que l'intégrité des animaux, mais pour timide qu'elle soit, elle a le mérite d'exister et ouvre la voie à la grande loi de 2015 qui fait de l'animal "un être vivant doué de sensibilité" et relevant désormais du code civil et non du code rural.
Dès lors, on assiste à une extension de la notion de maltraitance avec les critères du bien-être défini par l'organisation mondiale de la santé animale (OMSA).
a) absence de soif, de faim et de malnutrition
b) absence de peur et de détresse
c) absence de stress physique ou thermique
d) absence de douleurs, de maladies ...
e) liberté d'expression d'un comportement normal de son espèce (environnement adapté).C'est sur ce dernier point que les choses achoppent. Si la loi de la majorité (n° 3661) retient de la proposition de Cédric Villani (n°3393), l'arrêt d'élevage de visons et de l'utilisation d'animaux sauvages pour des spectacles, elle ne valide pas l'interdiction de certaines pratiques de chasse, l'obligation d'assurer des accès au plein air des animaux d'élevage, l'interdiction d'élevage en cage et, de ce fait, s'oppose à la mise en place d'un fonds de soutien pour aider les acteurs économiques à se conformer aux nouvelles dispositions.
Ce désaccord n'est pas anodin car les enjeux économiques (le surcoût) et sociaux (respect de la tradition) sont trop importants pour qu'ils soient surmontés dans l'immédiat.
Cependant, pour l'essentiel, le monde politique a la volonté d'éradiquer la maltraitance. Il fait d'une pierre deux coups : tenter de mettre un terme à des siècles d'injustice et de souffrance et faire de la santé des animaux, une garantie pour la nôtre.
Pierre Merlhiot
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Demain : Le col de la Croix-Empéoute, là où se partagent les eaux des fleuves aquitains.
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