Un ru en péril. Volet n° 2, Le Branchat
Ce pré-printemps 2024, nous connaissons un niveau de saturation des sols, nos cours d'eau gonflent, voire débordent. Pensons aux résidents des Hauts de France ou aux Saintais qui souffrent de ces crues immaîtrisables. Nos petits rus, ruisseaux ou rivières du Périgord vont, très probablement, dans quelques semaines, se blottir dans leur creuset voire, pour des intermittences, nous abandonner. Le problème de l'eau -encore et toujours- sait revenir. Les crues ont toujours inquiété et, trop souvent, ont occasionné des pertes humaines ou emporté des cheptels. Le dossier ouvert en mai 2018 n'avait rien à voir avec les inondations dévastatrices, telles la crue séculaire de la Seine, les fureurs mortelles de la Garonne, du Tarn ou des fleuves méditerranéens ; il ne concernait que l'épanchement d'un ru de 2 km qui a perdu sa pérennité, il y a un peu plus d'un siècle, et dont les intermittences sont de plus en plus longues. Quand les eaux nous menacent, on tremble pour nos vies ou pour notre patrimoine. La société s'est émue quand Vaison-la-Romaine fut menacée par l'Ouvèze. Cette émotion dura le temps d'images fortes au J.T. et la vie reprenant ses droits, ces bouleversantes images devinrent évanescentes. Revenons sur ce ru qui, aujourd'hui, bouillonne et, demain, va s'assécher.
Aujourd'hui, "Terre de l'homme" publie à nouveau ce billet de 2018 de "Terres de Nauze" et, probablement, dans les semaines qui vont arriver avec le printemps, ira avec des images nouvelles au bord du Mamarel, du Rivatel ou de la Grille. |
Un ru bien discret en grande souffrance pour sa survie.
Le Branchat, modeste ru très intermittent de la rive droite de la Nauze, comme la majorité des cours d'eau, n'a pas de source franche. C'est plutôt un suintement progressif qui, en grossissant, constitue son départ. Après avoir pris forme, il devient le modeste ruisselet qui, pendant quelques heures, quelques jours, au mieux un trimestre, va filer vers sa confluence. De ses sources à sa jonction, il s'étire sur environ 2 kilomètres.
Ce ruisseau qui, de mémoire de nos contemporains, n'a pratiquement connu aucun entretien, a perdu sa pérennité depuis environ un siècle. Il ne réapparaît que lorsque la croûte terrestre saturée d'humidité ne peut plus rien absorber.
Photo © TDN
Sous le Colombier, c'est dans une peupleraie qu'un suintement recherche le talweg. En occitan, on désigne ces bas-fonds humides, des "sagnes". Ces "sagnes" dans certains secteurs, sont des tourbières. Existe-t-il un substantif français pour désigner ces terres des zones humides... j'avoue ne pas le connaître ! Ces bas-fonds en Wallonie s'appellent des fagnes, on ne serait pas si loin de nos "sagnes" occitanes. Cette terminologie viendrait du germain "fagna". Réduites, au nom du rationalisme et de l'hygiène des sols, on s'est rendu compte qu'en les éradiquant, c'est tout un écosystème qui est altéré. Le compromis de sauvegarde de ces lieux humides est la plantation de peupliers ou d'aulnes, il y a bien longtemps que les aulnes d'Aulnay-sous-Bois, ont été sacrifiés par l'urbanisation. Les aulnes, localement, sont appelés les "vergnes".
Il paraît nécessaire d'épargner ces zones humides, non seulement pour préserver leur écosystème d'une richesse extraordinaire, mais aussi parce que leur disparition nous amène tout droit vers des périodes de sécheresse. En sacrifiant la biodiversité des landes de Gascogne, on a, non seulement, modifié le climat aquitain mais on a perdu une esthétique richesse patrimoniale naturelle que l'envahissement des conifères est bien loin d'avoir compensé. Les résineux génèrent beaucoup moins d'oxygène que les feuillus ; ils dégagent des rapports financiers inférieurs à ceux des châtaigniers, des robiniers, des peupliers ou même des aulnes et, surtout, ils hypothèquent les sols par l'enrésinement. La dégradation des sols, en climat tempéré, est due principalement à l'influence de l'humus ; mais, les propriétaires fonciers, hélas, campent sur cette fort discutable idée reçue du meilleur rendement patrimonial.
Pour revenir à nos cours d'eau en grande souffrance, il est indispensable, pour préserver leur vie, de les conserver bien à l'abri de leur ripisylve. Cette nécessité impérative, aussi essentielle qu'elle soit, à elle seule, s'avère insuffisante. Photo TDN.
Cliquez sur les images.
Emerveillons-nous à la renaissance du Branchat.
Une des sources.
Photo © TDN
Le ruisselet commence à trouver sa consistance et, déjà, une première micro-cascade pointe la pente.
Photo © TDN
Le talweg se dessine sous les collines.
Photo © TDN
La confluence est proche.
Photo © TDN
Saluons son union à la Nauze.
Photo © Bruno Marty.
Ici, l'humble Branchat, à 50 mètres en aval du pont du Cra, se donne à la Nauze. Après avoir rencontré les eaux de la Dordogne à Siorac, s'être mêlées à celles de la Garonne au Bec d'Ambès, puis à l'immensité de l'Atlantique, elles vont se faire happer par le Gulf Stream, lui-même menacé par le réchauffement de la planète. N'oublions pas qu'il donne à notre Europe, son merveilleux climat. Le gyre océanique continue et le courant froid du Labrador, brrrr, repart vers le sud pour refermer la boucle.
Les photos TDN sont du 16/2/2013. La photo Bruno Marty, de la confluence, est du 24/4/2018. Impatients de voir enfin se clore cette longue période désagréable à nos yeux, "on" a beaucoup pesté contre ces précipitations printanières qui ont, par deux fois, dépassé les 50 mm. Notons que l'écoulement du Branchat devrait présenter ses ultimes gouttes printanières et tarir tout de suite après ce premier week-end de mai.
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