Littérature et actualité, par Jacques Lannaud
La lecture ( site Bien enseigner)
Tandis que de grands technocrates dans les sphères gouvernementales et politiques, se triturent les méninges à chercher la solution miracle aux règles établies, pour que les élèves quittent l’école primaire en sachant lire, écrire et compter, faire en sorte que tous les enfants ou une majorité d’entre eux, issus de milieux très différents, puissent affronter sans trop de carences les classes qui conduisent au collège puis au lycée ; depuis longtemps, les solutions se font attendre et, jusqu’à maintenant, sont plutôt décevantes au vu des résultats mitigés.
La lecture par Auguste Renoir
Mais, la langue écrite, support de notre culture qu’elle a portée aux sommets, poursuit, malgré tout, son parcours en dépit des obstacles en tout genre. Langue des sphères aristocratiques et diplomatiques européennes dans le passé, elle fut et reste un ciment de l’unité du pays, un instrument de sa centralisation et de la francophonie.
Avantagés, ceux qui ont appris les mots et leur prononciation dans le sein maternel, pour les autres, cela demande un effort rigoureux et exigeant.
Et puis, le casse-tête de l’apprentissage se heurte à la rigueur de la langue dont les règles intangibles sont entretenues et maintenues par de puristes grammairiens qui ont oublié que l’ancien français n’utilisait pas les accents comme l’anglais, l’espagnol voire l’italien. Les mots étaient enrichis de lettres supplémentaires qui les composaient, ainsi : tête = teste ; âge = eage ; crûment = cruement ; sûr = seur…pas sûr que ce soit plus simple quand on voit les nombreuses fautes commises.
Les règles linguistiques se sont établies au cours des âges, ont leur propre histoire, celle d’une conquête. Elles sont figées dans le marbre et les gardiens de la stabilité de la grammaire, de l’orthographe, de l’accord du participe passé avec le COD quand celui-ci précède l’auxiliaire avoir, comme de bien d’autres règles, ne ferment pas les yeux. Ils sont les gardiens du temple et avec férocité, infligent des rectificatifs répétés et directifs. Ainsi, force doit rester aux règles, facteur de stabilité surtout en période instable.
Le 17ème siècle est passé par là, me direz-vous, avec l’absolutisme cher à l’époque. L’ancien français fut banni car il ressemblait trop à ces langues vernaculaires, à ces divers dialectes qui se mélangeaient, voulaient prendre le dessus, les uns sur les autres, dans la confusion et l’incompréhension. Bien que l’école de la Pléiade ait laissé sa propre trace linguistique et des poèmes sublimes, la langue se devait d’être confortée et officialisée.
Tous, hommes et femmes de lettres de l’époque, y ont contribué, remarquablement, de Corneille à Racine, de Pascal à La Bruyère, de Mme de Sévigné et de la princesse de Clèves à La Fontaine et au grand Molière ; citons, aussi, Nicolas Boileau qui voulait l’épurer, en faire une langue souple, coulante, accessible mais rigoureuse.
Avant donc que d’écrire, disait-il, apprenez à penser
Ce que l’on conçoit bien, s’énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Madame de Sévigné
La langue va prendre un essor insoupçonné avec les stances du Cid, les fables de La Fontaine, les lettres de Mme de Sévigné à sa fille Mme de Grignan, les Pensées de Pascal, les Caractères de La Bruyère, les grands spectacles du théâtre de Bourgogne mettant en valeur tout l’esprit et le comique des personnages des pièces de Molière.
Le 18ème siècle apportera sa marque avec les philosophes des Lumières : Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, D’Alembert, Diderot…le 19ème siècle va enrichir cette littérature avec le romantisme : Chateaubriand, Victor Hugo, Musset, Alfred de Vigny, Lamartine, les grands romanciers Flaubert, Stendhal, Balzac ou les poètes Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Proust etc…Quelle richesse littéraire unique au monde !
Charles Baudelaire
Souvenons-nous que sur cette montagne de livres, un homme de lettres va créer en 1892, le plus grand prix littéraire français, Edmond de Goncourt ; le Goncourt récompensera, dès lors, chaque année, début novembre, l’écrivain qui s’est distingué par ses récentes publications.
Etape importante au développement constant de la littérature française, très souvent récompensée par le prix Nobel, qui résiste vent debout et ne veut point s’avouer vaincue face à des langues étrangères agressives qui s’infiltrent peu à peu, remplaçant des mots ou des expressions ; mais, d’un certain côté, ces envahisseurs sont, aussi, des stimulants qui font que la langue résiste et sort ses griffes.
Le Goncourt reste le plus fort tirage avec 500 000 à 1 million d’exemplaires, principale réussite de la saison littéraire avec droits d’auteur conséquents et mise en valeur de maisons d’édition célèbres comme Gallimard, Grasset, le Seuil, Albin Michel, Flammarion…
Cette série de prix du Renaudot au Femina, Interallié, prix du meilleur roman, décernés par l’Académie française, sont là, aussi, pour y contribuer sans compter l’honorable et sympathique Goncourt des Lycéens, réelle espérance de la jeunesse pour notre littérature.
Dans tout le pays, fleurissent ces nombreux salons littéraires qui entretiennent la flamme auprès du public, manifestations où se retrouvent les aficionados des lettres, avides d’enrichir leurs connaissances, rencontrer, discuter, échanger avec les écrivains présents et, parmi eux, des étrangers francophones qui n’ont pas fini de nous révéler tous leurs talents, ayant eu l’audace d’adopter la langue de Molière au détriment de leur propre langue maternelle, rejetant les autocraties de leur pays respectif pour saluer, courageusement, les libertés d’opinion qui sont une marque de notre démocratie.
Kamel Daoud et Gaël Faye
Le Goncourt 2024 a été attribué au Franco-Algérien Kamel Daoud pour son livre « HOURIS », le Renaudot au jeune Rwandais Gaël Faye pour son roman « JARACANDA » sur des thèmes particulièrement controversés et risqués.
Dans son livre, Kamel Daoud nous raconte l’histoire d’une femme victime d’une tentative d’égorgement, au cours de la guerre civile algérienne des années 90 « la décennie noire », sujet tabou dont il est risqué d’aborder le sujet sur place, histoire inspirée de faits réels remontant à la surface au point que l’auteur est menacé de poursuites judiciaires pour « violation du secret professionnel » et se voit interdit de présenter ses œuvres dans son propre pays lors du Salon International du livre d’Alger.
Dans Jacaranda, Gaël Faye rappelle le génocide de 1994 au Rwanda, sujet tout aussi chaud et polémique que le précédent.
Félicitons-nous d’avoir créé l’école obligatoire et laïque ; le creuset de l’apprentissage de la langue s’est imposé à l’origine de cette riche littérature qui va chercher ses racines dans les profondeurs de l’histoire du pays.
Et, si, progressivement, l’ignorance a reculé au profit de la connaissance générale, c’est une vraie conquête. Pour notre part, nous n’avions que nos rêves et nos imaginations. Nous partions, dépourvus d’images, de vidéos, de médias, à l’aventure de mondes insoupçonnés, d’univers méconnus sous les mers avec le capitaine Nemo, autour du monde en train, en bateau, à pied avec Phileas Fogg, au galop dans les steppes de l’Asie centrale avec l’officier du tsar Michel Strogoff, en ballon au-dessus du continent africain.
Comment ne pas rêver en lisant Victor Hugo :
O soldats de l’an deux ! ô guerres ! épopées ...La Marseillaise ailée et volant dans les balles
Les tambours, les obus, les bombes, les cymbales, la révolution leur criait : Volontaires,
Mourez pour délivrer tous les peuples vos frères…et l’on voyait marcher ces va-nu-pieds superbes, sur le monde ébloui. La tristesse et la peur leur étaient inconnues. Ils eussent sans nul doute, escaladé les nues.( Ô soldats de l’an deux !)
Les cuirassiers se ruèrent sur les carrés anglais… Les bataillons anglais, éperdument assaillis ne bougèrent pas. Alors, ce fut effrayant…La figure de ce combat était monstrueuse. Ces carrés n’étaient plus des bataillons, c’étaient des cratères ; ces cuirassiers n’étaient plus une cavalerie, c’était une tempête. Chaque carré était un volcan attaqué par un nuage ; la lave combattait la foudre. (La charge des cuirassiers à Waterloo).
L'Académie française (Wikipédia)
Mais, dans cette épopée littéraire, deux dates sont à retenir :
- En 1539, l’ordonnance de Villers-Cotterêts promulguée par François 1ier impose le français comme langue officielle de l’administration royale et du droit.
- En 1634, la fondation par le cardinal de Richelieu de l’Académie française dont la mission est de « contribuer à titre non lucratif au perfectionnement et au rayonnement des lettres et a pour fonction de tenir à jour un dictionnaire de référence du français.
Or, dernièrement, l’Académie française a mis un point final à la 9ème édition de son dictionnaire, avec la parution du Tome IV sur lequel les Immortels travaillaient depuis 1935.
Et, si, cette dernière édition est une référence nationale où le sens de chaque mot a été pesé d’abord par chacun des académiciens puis a fait l’objet de réunions élargies pour en adopter la signification principale et ses dérivés, d’autres dictionnaires ont vu le jour, remis à jour, quasi annuellement, comme le Larousse, le Littré ou le Robert, intégrant au fur et à mesure les mots les plus récents adoptés par l’Académie, bien obligée d’être de son temps, mots branchés ou à la mode qui fleurissent dans le langage familier et populaire.
« Le fait que les éditions de l’Académie se succèdent dans un temps long, voilà ce qui fait son handicap mais, aussi, sa force. On a beaucoup travaillé. Il y avait cette urgence émouvante d’accélérer parce que Hélène Carrère d’Encausse se sentait vieillir et voulait absolument terminer la 9ième édition », déclare un des académiciens.
La langue est un des fleurons de l’influence française dans le monde, parlée par plus d’un milliard de personnes, support de la culture et des idées, instrument d’unité et de compréhension.
Jacques Lannaud .
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