"Malaise dans la Civilisation"
Tribune sociétale
de
Pierre Merlhiot |
Le billet hebdomadaire du fondateur de "Terre de l'homme", bien plus qu'un constat sociétal, pose la problématique de la préhension de la complexité de thèmes problématiques où il faudrait beaucoup de bon sens et de lucidité pour ne point s'engouffrer dans les brèches béantes. Depuis la nuit des temps, des tensions empoisonnent la vie sociétale et les équations majeures de notre siècle, chômage, incertitudes immanentes au devenir de secteurs fragiles et menacés, privilèges choquants, xénophobie, choc des cultures, ravages de la pandémie, etc, chaque jour, ouvrent des foyers de discorde et de polémique.
A ses yeux, le malaise dans la civilisation vient de ce qu'elle empêche l'individu à donner libre cours à ses pulsions primitives, sources de frustration, qui conduisent à des comportements agressifs, destructeurs du lien social.
il est tentant d'appliquer cette analyse aux événements qui se sont déroulés ou qui se déroulent en France mais le contexte historique et économique est différent et il serait audacieux de donner à ces événements conjoncturels, le caractère radical et philosophique de la pensée de Sigmund Freud.
Il n'en reste pas moins que le malaise est là dans notre pays et qu'il serait judicieux de l'appeler " malaise dans la société".
Manifestation antivax
Deux crises viennent de se succéder en France, celle des gilets jaunes et la crise sanitaire, accompagnées de violences qui ont mis à mal les liens sociaux.
La première éclate le 17 novembre 2018 et marque le pas lors du premier confinement, la seconde est en cours, aggravée par les comportements asociaux qui récusent le bien-fondé de la vaccination.
Ces deux événements ont surpris la plupart d'entre nous. Le premier, parce que nous avions oublié que la période des Trente Glorieuses (1945-1975) et son expansion économique sans précédent, était terminée. Les plus atteints font partie des classes populaires et des classes moyennes. J'emploie le pluriel à dessein car derrière le terme générique, classes moyennes, se cachent des réalités plus contrastées. Les Anglais le savent si bien qu'ils distinguent :
- Lower middle class (classe moyenne inférieure)
- Middle middle class ( classe moyenne)
- Upper middle class -classe moyenne supérieure)
On voit bien là qu'en période de crise, ce sont les deux premières catégories avec les classes populaires qui sont les plus fragilisées.
Nous avions, à tort, considéré l'idée d'une classe moyenne uniforme acquérant peu à peu voitures, appareils ménagers, biens d'équipement, la polarisation se faisant vers le haut.
A une relative aisance, va succéder une économie de la débrouille : covoiturage - Hard Discount - GIFI - Le Bon Coin - achats de biens de seconde main - autoentreprise.
Ajouter à cela, la disparition progressive des services publics en milieu rural, le passage laborieux à la maîtrise d'outils informatiques, l'apparition de déserts médicaux et l'on comprendra aisément le sentiment de déclin, de déclassement d'une partie de la population et son ressentiment à l'égard des élites.
Tout naturellement, du fait de sa place dans la société, ce mouvement recevra le concours et le renfort du haut des classes populaires et du bas des classes moyennes. Ce soutien cessera quand viendront les violences et les dégradations.
On retiendra que la revendication de l'amélioration du niveau de vie reste, actuellement, la première préoccupation des Français.
En quelques mots, un sociologue définit ces gilets jaunes comme "des petits moyens" : "Ils travaillent, paient des impôts, gagnent trop peu pour être aidés mais pas assez pour bien vivre mais handicapés par l'accumulation de dépenses contraintes.
La deuxième crise, nous la vivons. On pouvait penser que les mesures gouvernementales, s'appuyant sur les conseils des soignants et des chercheurs, avaient un tel caractère d'évidence qu'elles susciteraient peu d'oppositions. Il n'en est rien. L'entêtement de certains s'accompagne de menaces et de violences envers le corps médical, les pharmaciens et les élus.
Il serait vain de vouloir convaincre cette partie de la population mue par l'individualisme ou l'idéologie. Portons notre intérêt sur les indécis et les isolés qui se perdent dans les méandres de la communication.
Dans son livre, Sigmund Freud invite l'individu à se soumettre au plus grand nombre : "La vie des êtres humains entre eux ne devient possible qu'à partir du moment où il se trouve une majorité plus forte que tout individu. Le pouvoir de cette communauté s'oppose dès lors, en tant que "droit" au pouvoir individuel condamné comme "violence". C'est le remplacement du pouvoir de l'individu par celui de la communauté qui constitue le pas décisif vers la civilisation".
Gardons-nous toutefois de réduire l'individu ou les minorités à des obstacles au bon fonctionnement de notre société.
Le 4 juin 1938, Sigmund Freud, juif autrichien, réussissait à quitter l'Autriche pour Londres ; 5 mois plus tard, les 9 et 10 septembre 1938, les Nazis avec la complicité d'une grande partie de la population attaquaient la minorité juive d'Allemagne. La nuit de Cristal, avec ses tueries, ses déportations et ses incendies, annonçait la Shoah.
Et l'individu dans tout ça ! Un matricule ?
Allégorie de la justice
PS : Das Unbehagen in der Kultur.
(traduction littérale : Malaise dans la culture)
Pierre Merlhiot
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