Terre de l'homme

Terre de l'homme

On n'entre pas dans une grotte ornée comme dans un moulin

Chamane

 

                                                                               

                                                                  Chamane

 

 

 

   Dès la découverte de la grotte d'Altamira (1875), on entrait dans l'ère du soupçon : et si elle était l'oeuvre de jésuites espagnols soucieux de discréditer les tenants d'un art rupestre ancien ? En France, l'authenticité de la grotte de la Mouthe et celle de Rouffignac fut contestée. Et si c'était l'oeuvre de bergers désoeuvrés ou de maquisards ?

Aux yeux de certains préhistoriens, ces peintures et gravures ne pouvaient être le fruit d'êtres préhistoriques rustres, dépourvus de sensibilité artistique.

L'affaire est désormais entendue : le congrès de l'association pour l'avancement des sciences mit fin à ces querelles, à Montauban en 1902.

On ne doute plus désormais de l'authenticité de l'art rupestre, la polémique s'est déplacée : les avis divergent sur son interprétation.

 

grotte du sorcier

 

 

                                                             Grotte du sorcier 


Il y a de nombreuses années, j'ai assisté à une conférence de Jean Clottes, spécialiste de l'art rupestre qui récusa successivement :

  • la magie : pratiquée par les chasseurs, qui tuent le gibier par anticipation, d'une manière symbolique. Or, on trouve peu d'animaux blessés sur les parois.
  • l'art pour l'art : thèse écartée car elle est associée à la notion de loisir et d'abondance du gibier.
  • le totémisme : il repose sur la corrélation entre une groupe humain et un seul animal. Or les animaux sont nombreux et variés dans le bestiaire préhistorique. 

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    ours criblé de flèches 3 frères

     

     


    Mais la thèse que Jean Clottes récuse le plus, c'est la thèse structuraliste de Leroy Gourhan dont nous reparlerons.

    Jean Clottes a fait le choix du chamanisme qu'il a observé dans des tribus de chasseurs actuels. Pour lui, les images rupestres sont le produit de visions de chamanes, en transe, dans un état de conscience altéré et qui accèdent à un monde invisible aux autres.

    Désormais, tout au long des siècles, la grotte restera un endroit privilégié, un lieu de culte sacré dans l'antiquité grecque et romaine. Elle représente la matrice originelle, le lieu où se concentrent les forces telluriques, où les sirènes gardent le royaume des morts, où la pythie de Delphes tient des propos obscurs, compréhensibles aux seuls prêtres et poètes. C'est tout naturellement que l'on songe à l'allégorie célèbre de la grotte de Platon, où se trouvent les hommes, le dos tourné à l'entrée et à la lumière du soleil et qui ne voient du réel que les apparences, les ombres projetées sur les parois. Seuls les dieux et les philosophes avaient accès à la réalité.
    Au XIXème siècle, de nombreux poètes ont sacralisé la nature dont ils se croyaient les seuls à comprendre la beauté, le mystère et les symboles.

    La nature est un temple où de vivants piliers

    Laissent parfois sortir de confuses paroles

    L'homme passe à travers des forêts de symboles ...
    Correspondances
    Gérard de Nerval reprend à son compte, cette mythologie, dans deux poèmes.

    Mon front est rouge encor du baiser de la reine
    J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène.
    EL Desdichado
    Et 
    Reconnais-tu le temps au péristyle immense
    Et les citrons amers où s'imprimaient nos dents
    Et la grotte fatale aux hôtes imprudents
    Où du dragon vaincu dort l'antique semence
    A J. Y Colonna
    La grotte n'est pas le seul endroit où l'imaginaire des hommes se complaît : une source, un ruisseau, une forêt......peuvent faire l'affaire. Lorsque Pierre F parle de sanctuaire lors de ses promenades et qu'il évoque pastoureaux et pastourelles, c'est autant le poète, sensible aux secrets de la nature, qui parle que le géographe.


    mains 2

     

     

                                                                     Mains positives et négatives 


    Nos ancêtres ne peignent plus sur les parois des grottes, la pythie de Delphes s'est tue. Pour autant, sommes-nous restés muets ? Dans nos rues, des artistes ont pris le relais avec des graffitis et des peintures faites au pochoir, d'autres s'expriment en plein air en utilisant le cadre et les matériaux de la nature et les adolescents gravent, toujours, sur l'écorce des arbres, leurs initiales dans un coeur percé d'une flèche.

 

 

Pierre Merlhiot 



25/02/2021
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