Terre de l'homme

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Sur les chemins de la liberté ?

 

 

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Les chemins de  Saint-Jacques (source National Géographic)

 

 

Il en est des points d’intérêts comme du reste, chacun en fait son affaire, exerce ses choix selon ses affinités, son humeur du moment, sa culture, ses passions...ce qui lui paraît être le meilleur pour lui-même. Difficile dans ce domaine, d’influer sur les autres, connaissances ou amis dont on partage souvent la même vision sur beaucoup de sujets mais il en est des choix comme des goûts et des couleurs. Dans de tels cas et face à des opinions non partagées, le mieux est, parfois, de faire profil bas plutôt que d’insister. Peut-on en conclure que la liberté s’arrête là où commence celle de votre interlocuteur, là où l’insistance ferait apparaître quelque différence ou malaise ? La liberté, c’est aussi la tolérance, mieux vaut donc en rester là.

Ainsi, vous décidez de partir, le besoin de faire une sorte de voyage initiatique, peut-être, contre ou sans l’aval de l’entourage, le besoin de rompre le quotidien, les habitudes, d’aller vers l’inconnu ou l’exploration d’une idée ancienne d’aventure, de faire le vide, de voir du neuf, de reprendre contact avec la nature, de faire de nouvelles rencontres, de s’émerveiller de paysages, de villages, de la beauté du patrimoine que l’on ne soupçonnait pas.

Partir sur les chemins de grande randonnée, nombreux sont ceux de tous âges qui en ont rêvé, sentant le désir et l’envie de marcher, de se mesurer à l’effort physique et mental, de redécouvrir l’échange, la camaraderie, les retrouvailles, la chaleur humaine qui conforte et estompe soucis ou autres préoccupations puis y ont renoncé, faute de temps ou en raison de conditions non réunies.

En pensant à ces millions de randonneurs, de marcheurs infatigables qui se lançaient sur des chemins rocailleux, plus ou moins bien tracés dont on perdait la trace par n’importe quel temps, ne sachant pas, toujours, quelle direction prendre, où ils allaient aboutir en fin de journée, s’ils trouveraient de quoi s’alimenter, passer la nuit dans quelque soupente, hangar ou creux de rocher à l’abri des intempéries, du froid, du vent. Ils venaient de partout du Nord, de l’Est, du Centre, du Sud de l’Europe, rien ne les arrêtait, ils poursuivaient leur chemin jour après jour. Des sans-papiers, comme on l’entend quasi tous les jours, ni passeport, ni carte d’identité.

 

 

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                                  Pèlerin de Saint-Jacques , rue du calvaire à Périgueux

                                                     (photo ville de Périgueux)

 

 

A cette époque-là, c’est-à-dire autour de l’an 1000, on prenait la route de la foi, de ces chemins « sacrés », pèlerins, pénitents, pauvres, infirmes traînant la patte, malvoyants, malades... leur espérance en bandoulière, leur but était d’atteindre ce phare de la Chrétienté qu’était Saint-Jacques de Compostelle, là-bas au bout de la terre ibérique mais tous n’y parviendraient pas.

 

 

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                                      Saint-Jacques de Compostelle

 

Certes, de nos jours, ils sont toujours là ces enragés de la marche mais ils ont bien changé par rapport à cette lointaine époque. Chaussures adéquates, sac à dos bien rempli d’affaires diverses choisies avec soin pour cette longue épreuve, entassées dans leur besace : des en-cas pour remédier à la fatigue ou à une petite fringale, une réserve d’eau, des petites confiseries pour combattre quelque hypoglycémie passagère, une petite trousse pour soigner des bobos sans oublier le fameux Doliprane, des chaussettes et autres chaussures car les pieds endoloris ou les ampoules nécessitent la plus grande vigilance. Et puis, il y a les rencontres, les parlottes à n’en plus finir, tout juste si on ne s’arrêterait pas déguster quelque plat local appétissant, au passage dans une bonne auberge ou faire un petit somme à l’ombre d’un chêne, d’un châtaigner, pour récupérer après une montée éprouvante, jouir de la campagne, des odeurs des bois, des champs, de l’herbe fraîchement coupée ou des champs de blé tout dorés sous le chaud soleil de juillet.

 

 

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Conques 

 

 

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Nef de la basilique de Vézelay (Wikipédia)

 

 

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Cloître de l'abbaye de Moissac

 

Après tout, Saint-Jacques, ce n’est plus comme avant dans les siècles précédents ou comme au temps de ces pèlerins mus par l’instinct des croisades, l’attirance de la sainteté et les reliques du Saint, tout simplement parce que la foi n’est plus ce qu’elle était. Mais, on y va pour se ressourcer, pour ces prés, ces bois, ces jardins, ces potagers, ces petits hameaux paisibles, cette odeur de fumée qui s’échappe des cheminées, pour les magnifiques rencontres avec les vestiges du patrimoine : splendides abbayes que l’on visite au passage, à Conques, à Moissac, églises imposantes et célèbres comme au Puy-en-Velay où des croisés ont incrusté dans le bois vermoulu de la vieille porte d’entrée « Allah Akbar », Vézelay et ses sculptures sur chapiteaux, les vieux châteaux forts témoins de ce temps.

Non, ce ne sont plus ces pauvres pèlerins habillés de guenilles, infirmes, malades, mal nourris, aux articulations déformées, obligés de faire des haltes pour se remettre dont l’espérance était dans la foi, dans la prière, dans l’imploration du dieu tout puissant. Ils sont à peine 30%, aujourd’hui, qui s’imposent cette longue marche, à croire encore en l’Eglise, au Paradis et à l’Enfer, aux sept péchés capitaux : l’orgueil, la gourmandise, la paresse, la luxure, l’avarice, la colère, l’envie ou jalousie, qu’a, magnifiquement, illustré Jérôme Bosch dans son tableau « Les sept péchés capitaux et les Quatre Dernières Etapes Humaines ».

 

 

Bosch

 

 

 

Et, si, dans ces temps reculés, on partait pour de bon, à savoir, faire 1500 voire 2000 kms, décidés à atteindre le but, aujourd’hui on n’hésite pas à tronçonner, à prendre le VTT pour ne pas traîner et parcourir cette longue randonnée en se limitant à quelques centaines voire moins de kilomètres car il faut obtenir cette fameuse credential, sorte de passeport qu’on délivre aux « pèlerins » d’aujourd’hui. Document très précieux tamponné à certaines étapes, que remet l’Association des Amis de Saint-Jacques, carton jaunâtre qui se déplie en accordéon, certifiant votre passage et que l’on ressortira opportunément, plus tard, devant les amis qui n’ont pas voulu vous accompagner.

Le premier obstacle, c’est la splendide chaîne des Pyrénées que l’on découvre après quelques centaines de kms en partant de ces points de départ classiques : l’Europe du Nord par Paris, l’Est par Vézelay ou le Puy-en-Velay ou le sud par Arles et rejoindre à Saint-Jean-Pied-de-Port, le chemin, puis la fameuse passe de Roncevaux où se sacrifia le chevalier Roland à la tête de l’arrière-garde contre les Sarrazins, sauvant l’armée de l’empereur Charlemagne. Chemin très peu sûr en ce Haut-Moyen-Âge où les pèlerins étaient exposés à de multiples embûches : voleurs, brigands et ces Maures qui avaient conquis l’Espagne et voulaient se l’approprier.

 

 

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Là, deux possibilités, soit le « Camino frances » par Pampelune, Logroño, Burgos, Leon ou le Chemin du Nord, la voie cantabrique, par San-Sebastian, Bilbao, Santander...

« le Chemin est un chemin, voilà tout. Il monte, il descend, il glisse, il donne soif, il est bien ou mal indiqué, il longe des routes ou se perd dans des bois et chacune de ces circonstances présente des avantages mais aussi pas mal d’inconvénients. Bref, en quittant le domaine du rêve et du fantasme, le Chemin apparaît brutalement pour ce qu’il est : un long ruban d’efforts, une tranche du monde ordinaire, une épreuve pour le corps et l’esprit. Il faudra batailler rude pour y remettre un peu de merveilleux. » (Immortelle Randonnée. Jean-Christophe Ruffin de l’Académie Française)

Jugement un peu rapide car, même, de nos jours, on ne décide pas d’entreprendre une telle épreuve physique et mentale, uniquement pour souffrir et se plaindre des difficultés de l’entreprise. Certes, on est loin des motivations qui inspiraient l’esprit des pénitents, des pèlerins qui croyaient en leur rachat en allant vers Saint-Jacques, que ce soit au Moyen-Âge et dans les siècles suivants ; mais, malgré tout, les randonneurs sont très nombreux encore et en enjambant les siècles, on s’aperçoit que ces lieux de pèlerinage sont ancrés dans les mémoires comme celui de Chartres, du Mont Saint-Michel, de Fatima, Rome et les intentions ne sont pas uniquement religieuses mais mélangées avec ce sentiment de retour à la nature très présent, cette envie de prendre son temps, de découvrir, rencontrer, échanger, se détendre, en un mot, de profiter de ces moments de liberté.

Pauline Wald, psychologue, écrivaine, réalisatrice, a choisi de quitter sa vie parisienne confortable et son travail pour partir marcher sur le Chemin de Compostelle...réflexions sur ce qu’une marche peut apporter sur les difficultés et la joie du changement de vie, comment mieux faire face à ses émotions...

Elle identifie quelques ingrédients qui font de ce chemin, un chemin thérapeutique :

L’activité physique quotidienne, la marche, aideraient à lutter contre l’anxiété et la dépression, certains s’étant confiés de s’être libérés de leur dépression ou burn-out, au cours de la marche.

Avoir du temps pour être avec soi

Le contact avec la nature et le soleil

La simplicité qui libère l’esprit

L’échange, la solidarité, l’effort mesuré pour lutter contre l’inactivité physique, la découverte du patrimoine et de la nature...

 

Redécouvrir notre riche patrimoine, notre histoire, ceux qui sont à l’origine et nous ont laissé ces magnifiques demeures de pierre qui ornent ce pays, tout au long du chemin et qu’il faut prendre le temps d’admirer, de comprendre le sacrifice des bâtisseurs de tous métiers, le génie des concepteurs : châteaux, abbayes et leurs cloîtres ouvragés mystérieux et silencieux, les petits villages blottis dans leurs vallons, forêts, champs, rivières... que de choses à voir, à apprendre, pour enrichir sa mémoire et son esprit !

 

 

Jacques Lannaud

 

 

 

 

 



23/10/2023
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