Terre de l'homme

Terre de l'homme

Claude Michelet a-t-il eu tort de titrer "Les palombes ne passeront plus".

 

 

La France n'était pas encore en République quand le premier droit de chasse fut défini par la loi. La loi du 3 mai 1844 réglementait le droit de chasse en instaurant un permis de chasse et en fixant les périodes de chasse. Son article 1er -repris à l'article L. 222-1 du code rural- rappelait que " nul n'a la faculté de chasser sur la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit ".

 

 

On n'a certainement pas la même considération pour la chasse si l'on est manager d'entreprise, propriétaire d'un hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine, ou si l'on est petit-fils et fils de chasseur en Bigorre, en Chalosse ou en Périgord.

 

La chasse est-elle une brutalité bestiale, un affrontement entre d'innocentes créatures qui n'ont rien demandé à personne, et des êtres humains, forcément supérieurs en droit, dûment armés pour faire valoir la puissance du feu. Vaste débat. Il secoue et secouera encore, pendant bien des années, les partisans de la chasse qui, pour certains, n'hésitent pas à dire qu'ils sont des amis, voire des protecteurs, ou  au moins des régulateurs, de la faune et celles et ceux qui sont choqués par cette inégalité de principe qui, comme la brutalité ignoble et sadique de la corrida, laisse peu de chances, voire aucune, aux vies ciblées.

 

J'ignore le point de vue sur la chasse qu'avait Claude Michelet, lorsqu'il trempa sa plume dans l'encrier pour écrire sa saga corrézienne ; mais, sans prendre le moindre risque d'interprétation, on peut dire que le romancier, là, se voyait en paysan défendant la ruralité de son terroir et ses traditions.

Les habitants du Terrassonnais ont reconnu le village de Saint Libéral. Il avait tout de la configuration de Beauregard-de-Terrasson. 

 

Les palombes survolent la France pendant l'automne, pour leur descente sur les zones d'hivernage, et remontent au printemps, toujours sur le sol français, pour regagner leurs zones de reproduction. Certains de ces oiseaux ne font que passer, et d'autres s'installent pour des périodes plus ou moins longues.

 

 

DES GRIVES AUX LOUPS TOME 2 : LES PALOMBES NE... de Claude Michelet - Poche  - Livre - Decitre Amazon.fr - Les palombes ne passeront plus - Michelet, Claude - Livres

 

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Il faut dire qu’avec "Les palombes ne passeront plus", Claude Michelet balaye une très longue période et qu’il a du mal à maîtriser cette matière très dense. Ainsi, les années 30-45 tiennent-elles des 2/3 du roman tandis qu’à peine 1/3 est consacré aux 23 années qui suivent la guerre. Par ailleurs, on a l’impression que les personnages sont parfois des alibis destinés à illustrer des circonstances historiques : ainsi, Berthe, la plus jeune sœur de Pierre-Edouard, est-elle devenue une modiste très en vue à Paris. Mais, pendant la guerre, elle s’engage dans la résistance et sera déportée à Ravensbrück. Il faut dire que chez les Vialhe, on est toujours du bon côté ; Jacques part à la guerre, volontairement, et sera le cocu de 40 – sa fiancée, en effet, le laisse tomber alors qu’il est prisonnier en Allemagne - et Paul part rejoindre l’armée de l’ombre qui libérera la France en 1944-45. Pourtant, le roman défend bien des idées pétainistes ! Travail, famille, patrie ! Mais encore faut-il avouer que ce sont là, les valeurs « piliers » du monde paysan et que dans "Les palombes ne passeront plus", c’est de l’amour pour ce monde-là dont il est question.

Cependant, je dois bien avouer que j’ai eu du mal à arrêter ma lecture et qu’entre deux balades dans le massif des Maures ou dans l’Esterel, je me suis régalée de ce roman dévoré sous le beau soleil printanier du Var. En effet, les personnages sont toujours aussi attachants et l’ensemble donne du monde paysan, une image plus sombre que celle qui ressort du premier tome : en effet, le pilier de "Des grives aux loups" – l’indestructible Jean-Edouard Vialhe – s’éteint doucement et meurt quelques temps après la guerre. L’instituteur et le curé sont remplacés par des successeurs nettement moins sympathiques qui finissent par vieillir et disparaître sans être remplacés. Car, peu à peu, Saint-Libéral se meurt – et personne, « là-haut à Paris, chez les politiques», ne s’intéresse à cette agonie – de nombreuses fermes disparaissent tandis que celles qui restent, grandissent, se mécanisent, s’endettent, peinent à joindre les deux bouts. C’est alors que ce petit endroit de Corrèze se transforme : de nouveaux habitants s’y implantent ; ils travaillent à la ville mais résident à la campagne, au calme. Et c’est ainsi que s’explique ce titre étrange : Les palombes ne passeront plus : dans une campagne qui s’urbanise, ces oiseaux ne trouvent plus place. On se souvient alors qu’avant 1914, à Saint-Libéral, il y avait des loups ! Dieu, qu’il est loin ce temps-là ! Le temps des grives aux loups.

 

 

 

Claude Michelet

 

Image Babelio

Claude Michelet est né en 1938, à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze. En 1945, la famille vient s'installer à Paris pour suivre son père, Edmond Michelet, nommé ministre des Armées dans le gouvernement du général de Gaulle. S'étant destiné dès 14 ans, au métier d'agriculteur, Claude Michelet fait quatre ans d'études dans une école d'agriculture et s'installe dans une ferme en Corrèze, après avoir effectué son service militaire en Algérie. Éleveur le jour, il écrit la nuit. Il publie en 1965, un premier roman, "La terre qui demeure", suivi de "La Grande Muraille" et "Une fois sept". Parallèlement, il collabore à Agri-Sept, hebdomadaire agricole. En 1975, "J'ai choisi la terre", son plaidoyer en faveur du métier d'agriculteur, est un succès.

 

 

 

Terminons avec un magnifique moment

 

https://www.youtube.com/watch?v=AvkVwoadLCs

 

Ce billet n'a pas un auteur unique. Si j'ai trempé ma plume Sergent-Major dans "sentes des palombières", ce n'est pas pour tirer un coup de fusil, ou placer des filets de capture, ce n'est pas du tout dans mes affinités, c'est pour essayer de comprendre les "paloumaires".

 

Pierre Fabre



26/11/2022
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