Terre de l'homme

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Un musée centenaire : le musée des Eyzies

    

Musée des Eyzies, entrée

            

                                                            Entrée du musée des Eyzies

 

 

 

             Il y a cent ans, nous a rappelé Catherine Merlhiot, était inauguré le Musée National de la Préhistoire des Eyzies de Tayac, le 30 septembre 1923 ; inauguration en grande pompe à laquelle assistaient les élèves des écoles publiques du pays parmi lesquels figurait une jeune fille d’environ 9 ans, ma mère.

 

Vallée surprenante et paysage inattendu pour les visiteurs venus de tous les coins du monde, attirés par la notoriété du site après la découverte en 1868 « du premier fossile « d’Homo Sapiens » identifié comme tel en Europe, par Louis Lartet dans l’abri de Cro-Magnon, datant de 27 680 ans : un crâne de l’époque du Paléolithique Supérieur » couche géologique du Pléistocène supérieur.

Un village qui s’étale sur la rive gauche de la Vézère au pied de hautes falaises calcaires façonnées par les glaciers, une vallée que domine les impressionnantes parois murales du Grand-Roc, de Laugerie- basse sur la rive droite, celles enserrant le village sur la rive gauche avant de s’orienter au sud-ouest vers Campagne et le Bugue avec l’altière paroi du cingle.

 

 

 

Statue de l\\\'homme de Néandertal du sculpteur Paul Dardé

 

                                                            L'homme de Cro-Magnon

 

L'homme de Cro-Magnon dont le toponyme est issu de l’occitan Cro’smanhon, « creux, grotte », a été trouvé sous l’abri sous roche avec cinq autres squelettes : un homme de 50 ans environ, deux autres (C-M 3 et 4) de 1m80, une femme et un nouveau-né.

Depuis 1863, les Eyzies sont desservis par la ligne de chemin de fer Périgueux-Agen ; ce qui facilita, grandement, la venue sur place de tous ces visiteurs ou voyageurs, l’implantation d’auberges et d’hôtels pour les héberger, l’arrivée de paléontologues, anthropologues renommés qui vont faire de ce site, le centre mondial d’une science en pleine évolution : la Préhistoire. Car, c’est bien de cet endroit que part l’élan extraordinaire pour cette nouvelle discipline avec la venue de personnalités telles que l’abbé Breuil ou le Dr Louis Capitan, médecin des Hôpitaux de Paris, relayés plus tard par de nombreux autres dont l’Américain Movius, Yves Coppens, la faculté de Bordeaux et ses chercheurs paléontologues... Mais, le premier ayant senti tout l’intérêt de ces découvertes et leur exploitation pour le département et cette vallée, c’est, sans aucun doute, un enfant du pays, Denis Peyrony, nommé instituteur aux Eyzies-de-Tayac en 1891.

 

 

Grotte de Font de Gaume

 

                                                          Grotte de Font de Gaume

 

Grotte des Combarelles, tête gravée d\\\'Equus

 

                                                              Grotte des Combarelles

 

Ensemble, avec l’abbé Breuil et Capitan, ils donneront ses lettres de noblesse à cette nouvelle science, découvriront les grottes ornées des Combarelles et de Font de Gaume en 1901 et fouilleront les gisements éponymes de Laugerie-Haute, Teylat, La Ferrassie, La Madeleine, Saint-Acheul et Font-de-Gaume.

Dans son article de juillet 2022, intitulé « Le père de Lucy la rejoint dans les étoiles », salué par de très nombreux lecteurs du blog, Pierre Merlhiot nous relate cette étape débutante des fouilles préhistoriques qui allait faire de nombreux adeptes :

            « La préhistoire, dans sa période pionnière, en l’absence de règlementation sur la protection des sites, fut aussi victime du mercantilisme. De riches collectionneurs vinrent en Dordogne pour enrichir leurs cabinets de curiosités. Un Suisse Allemand Hausser s’installe aux Eyzies, achète ou loue des terrains, découvre en 1908 au Moustier, un squelette de Néandertal et s’empresse de le vendre au musée de Berlin. Un habitant des Eyzies est condamné pour avoir fabriqué et vendu une contrefaçon de la célèbre vénus de Laussel.

Un préhistorien va essayer de mettre bon ordre à ces pratiques. Il s’appelait Denis Peyrony (1869-1954) ... Autodidacte, il fouille les plus prestigieux sites éponymes (Le Moustier, La Micquoque, La Madeleine), ... établit la chronologie de la plupart des industries du paléolithique moyen et supérieur. En 1918, il fonde le musée des Eyzies, le syndicat d’initiative en 1920 et écrit des ouvrages de vulgarisation pour le grand public. »

Ainsi, Peyrony sera, à coup sûr, un catalyseur de premier plan en compagnie « du pape de la préhistoire » l’abbé Breuil et Capitan grâce auxquels le Périgord va s’enrichir d’un nouveau patrimoine de notoriété mondiale, devenir La Mecque de la Préhistoire pour beaucoup de voyageurs et amateurs attirés par ces découvertes.

Le musée, voulu par Peyrony, est, aujourd’hui, un lieu de référence pour les préhistoriens comme pour les visiteurs, abritant des collections exceptionnelles qui permettent de retracer plus de 400 millénaires de présence humaine.

Initiateur et fondateur, l’idée lui était venue de faire racheter par l’état, les ruines du château de Tayac afin d’y aménager cet établissement public, d’y déposer et d’y conserver tout l’acquis et le fruit de son travail et de ses associés.

 

Bâton aux mammouths affrontés de Laugerie-Haute

 

                                          Bâton aux mammouths affrontés de Laugerie Haute

 

Car, on trouve là toute une panoplie de collections d’objets ornés, utilitaires ou décoratifs sur os, ivoire, bois de cervidé, pierre, époque gravettienne entre Aurignacien et Solutréen, chevaux, bisons, rennes, poissons et de l’époque du Magdalénien, outillage important, silex de toutes sortes taillés...

Un musée parfaitement organisé et restructuré par son extension le long de la falaise et la création de nouvelles salles dans la première décennie du XXI i.e. siècle. Certes, ce n’est pas en une matinée ou un après-midi qu’on peut en faire le tour mais bien en plusieurs jours ; et, on y retrouve tous ces thèmes dont s’étaient emparés les artistes de l’époque sur des supports ou parois qui nous révèlent l’art de la représentation des formes animales, en se servant judicieusement du relief du support ou de la paroi.

Thèmes qui reflètent les préoccupations de ces peuplades qui vivaient en groupes ou clans plus ou moins importants, les animaux sauvages en majorité, surreprésentés, dont les traits du dessin révèlent la perfection de leur art pictural, leurs dons d’observation. Des prédateurs, ours et lions des cavernes, bêtes féroces dont il fallait se protéger, troupeaux d’aurochs, de rennes, de bovidés, de chevaux, base alimentaire essentielle, la chasse et la pêche étant leurs principales activités, le feu qu’il fallait entretenir, le froid dont il fallait se protéger par la confection de fourrures attachées par des lanières, la fabrication d’outils : pointes de silex montées sur flèches ou lances, haches de silex ou outils pour découper, trancher, armes de poing…

 

BLOC SCULPTÉ DU FOURNEAU-DU-DIABLE

 

                                                  Bloc sculpté du fourneau du diable

 

 

Représentons-nous cette vallée peuplée de ces Sapiens venus de la corne de l’Afrique et où des Néandertaliens occupaient, peut- être, des emplacements, une vallée glaciale en hiver, la Vézère et la Beune gelées, la neige, la bise, une nature sauvage et hostile où les hommes devaient s’entraider, s’adapter aux conditions imposées, ces hommes et ces femmes unis pour la survie.

Relisons cette page :

                   « Ils franchirent la rivière en aval de la chute, là où le cours se faisait plus large et peu profond. Ils étaient vingt, jeunes et vieux. Le clan en avait compté vingt-six, avant que le tremblement de terre détruise leur caverne... Ils longèrent la rivière qui entamait sa course sinueuse à travers les steppes, observant avec intérêt le vol des charognards dans le ciel.

L’écorce brun foncé des chênes, des hêtres, des pommiers et des érables alternait avec celle plus tendre et plus souple des saules, des bouleaux, des peupliers, des aulnes et des noisetiers. L’air avait une senteur particulière qui semblait portée par une douce brise tiède en provenance du sud. Des chatons pendaient encore aux branches feuillues des bouleaux. Des pétales fragiles tombaient en pluie rose et blanche, promesse précoce d’un automne fructueux. »

Jean Auel (Le clan de l’ours des cavernes.)

L’établissement permet de mieux comprendre leur situation précaire à ces hommes et ces femmes, confrontés qu’ils étaient aux dangers quotidiens, à un environnement redoutable, à un climat rigoureux mais qui ont su s’adapter, faire montre de courage, d’acharnement, de ruse, de créativité, exploiter ce que la nature leur offrait pour leur subsistance sans la détruire.

              

Jacques Lannaud

  

(photos : site du musée national de la préhistoire des Eyzies)             



07/10/2023
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