Terre de l'homme

Terre de l'homme

Un sujet brûlant

 

  Mont_Blanc_depuis_Valmorel_2

 

 

                                                           Le Mont-Blanc (source Wikipédia)

                      

Une nouvelle est venue remettre en question une certitude qu’on nous avait inculquée dès l’école primaire et qu’on croyait immuable : cet été où le ciel semblait serein et la chaleur élevée, on apprend que l’altitude du sommet de notre célèbre Mont-Blanc n’est plus de 4808m, que sa calotte de glace et de neige tassée a fondu de 3m sous nos yeux comme un quelconque glaçon alors qu’on le pensait à l’abri de ce soleil de plomb dont les dégâts s’accroissent dans les plaines au pied du géant.

Champs brûlés, cultures desséchées, pâtures jaunies, troupeaux assommés par la canicule ruminant sous l’ombre chaude de quelques arbres aux feuilles déshydratées, abreuvoir presque à sec,  cultures potagères ou fruitières flétries baissant du nez ; quelques intrépides bravant ces températures caniculaires sans couvre-chef et, bien sûr, le recul des glaciers de plusieurs centaines de mètres tant en longueur qu’en épaisseur, une montagne où les plaques de neige laissent la place à la nudité des versants dont les parois rocheuses verticales s’effondrent dans un grand fracas avec de grandes plaies pariétales consécutives à la chute de tonnes de roches dévalant de ses flancs et venant s’accumuler sur les moraines libérées des glaces.

 

 

20231101_141219

 

 

                                                      La Loire à sec - été 2023

 

Complétons ce tableau un peu dramatique et tournons nos regards vers ces fleuves et cours d’eau en voie d’assèchement, on n’est pas plus rassuré, alimentés souvent par des glaciers : Rhin, Rhône, Garonne voire Loire se traînent dans un lit devenu trop vaste, envahi de bancs de sable, de roches et de végétations touffues, de branches et de troncs d’arbres morts ... Le constat, finalement, d’un changement climatique bien réel qui risque de s’accentuer dans le futur.

 

Possible que nous soyons condamnés à vivre avec des températures estivales à 40° ou plus, des semaines durant, et la raréfaction de l’eau dont souffrent des villages de plus en plus nombreux qui voient leurs sources se tarir, obligés d’être ravitaillés par camions-citernes.

Les mesures à prendre, face à cette pénurie, bouleverseront, à n’en pas douter, notre quotidien avec un lot de conséquences qui pèsera sur nos habitudes et nos tendances à gaspiller.

L’allongement de la saison estivale empiète, maintenant, sur l’automne, lequel, auparavant, débutait dès la fin septembre ; si bien qu’au 1e octobre, la rentrée des classes nous faisait basculer dans la saison automnale, non sans une certaine nostalgie, avec l’apparition des feux de cheminée et les premiers brouillards, tandis que les petits écoliers « mains dans les poches et gibecière au dos » se rendaient à pied à l’école, en gambadant et poussant des cris dans la grisaille matinale.

 

 

Anatole France

 

                                                       Anatole France

 

 

Relisons la page célèbre : « Je vais vous dire ce que me rappelle, tous les ans, le ciel agité de l’automne et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent, je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d’octobre, alors qu’il est un peu triste et plus beau que jamais, car c’est le temps où les feuilles tombent une à une sur les épaules des statues...il traversait avant huit heures ce beau jardin pour aller en classe. Il avait le cœur un peu serré : c’était la rentrée. » (Anatole France, Le livre de mon ami).

 

20231101_141442

 

 

                                                            Carte de la canicule 

 

Est-ce déjà si loin de nous, l’époque des semailles où le paysan courbé sur sa charrue tirée par un cheval ou des bœufs, traçait de magnifiques sillons dans la terre grasse où l’on ramassait les noix tombées sur les chemins ou dans l’herbe mouillée, où les feuilles jaunies tournoyaient dans l’air au gré du vent et où nos respirations exhalaient la vapeur d’eau qui se condensait ?

Il faisait, encore, 30° à Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, à la mi-octobre, caractérisant ce bouleversement des saisons. A ce rythme, nombreux sont les météorologues qui annoncent un hiver tardif qui risque de ne s’installer que vers la fin décembre. Aurélien Ribes, climatologue au Centre National de Recherches météorologiques déclare : « Les températures sont plus hautes à toutes les saisons...si l’on définit l’été par rapport à un seuil de température, il dure logiquement plus longtemps. Sans le changement climatique, il aurait été très difficile d’atteindre en France des températures de 42° C fin août, de 35° C en septembre ou de 30°C en octobre. », et de montrer des images d’une forêt grenobloise toute orange au 15 août et de nouveau verte en novembre, sachant que l’on estime à 670 000 ha, la forêt en voie d’extension et à 80% les arbres qui dépériraient en dix ans.

Les sols secs favorisent une montée plus rapide des températures et la survenue de canicules avec un taux de CO2 perturbant sérieusement la végétation et le rythme des saisons : toute la nature en paie le prix.

Or, le consensus des nations est loin d’être acquis et certains dirigeants, par opportunité politique, nient l’existence d’un tel bouleversement et la nécessité de prendre les bonnes mesures en rapport avec ces changements : Inde, Chine, Russie, Brésil et en Europe, Pologne, Allemagne sont revenues au charbon très polluant, traduisant ainsi leur manque de courage et d’anticipation.

Se réjouir de faire des économies de chauffage ? Ce n’est pas voir que les répercussions sont déjà là affectant le pays, la nature, l’élevage, les cultures : l’eau deviendrait une denrée rare avec des conséquences imprévisibles entraînant des conflits entre les peuples, l’immigration vers les nations les mieux loties et notre train de vie qui en souffrira. Serge Zeka, docteur en agro-climatologie, nous alerte lui aussi « Il y a eu une continuité de l’été jusqu’au 15 octobre. Ce n’est pas étonnant au vu des projections scientifiques mais c’est toujours sidérant quand cela arrive aussi vite. »

Mais, me direz-vous, les perturbations pluvieuses défilent, à nouveau, sur notre pays, nous apportant...un possible répit mais ne nous leurrons pas. Certes, on assiste, en même temps, à des dérèglements auxquels nous n’étions pas habitués sous nos latitudes : vents violents, tornades, inondations diluviennes, torrents de boue engloutissant maisons et villages, un océan qui se déchaîne, vagues de submersion, des côtes qui résistent mal à la violence des flots... Nos anciens automnes paisibles, mélancoliques, ont laissé la place à des perturbations inhabituelles .

 

 

GuillaumeApollinaire

 

                                                                       Guillaume Apollinaire

 

Il fut un temps où nos concitoyens ignoraient ce que pouvait être une nappe phréatique, les cours d’eau étaient remplis ; un temps où il faisait bon s’allonger sur la plage pour bronzer, où l’automne se présentait tout naturellement, offrant ses abondantes récoltes, ses fruits, ses champignons, ses noix..., pendant qu’en classe, on récitait :

                                Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux

                                Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne

                                Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux

                                Et s’en allant là-bas le paysan chantonne

                                Une chanson d’amour et d’infidélité

                                Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise

                                Oh ! l’automne, l’automne a fait mourir l’été

                                Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises.

 

(Automne, Guillaume Apollinaire.)

                  

 

 

Jacques Lannaud

 

 



12/11/2023
10 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 204 autres membres