Terre de l'homme

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Une plongée dans l’histoire

       bataille de salamine

 

 

        

            La bataille de Salamine, 1882, par Constantinos Volanakis

   

                                                             

 

I. La victoire athénienne de Salamine face aux Perses de Xerxès

 

 

 On peut prendre plaisir à se plonger dans l’Histoire, celle qui raconte les exploits de tel ou tel personnage ou des faits exceptionnels, y trouver réponse à des interrogations, aux comportements des hommes, en tirer des leçons, suivre la lente ascension vers la connaissance, les progrès des sciences, tout un ensemble qui a permis aux hommes de chasser le carcan de l’ignorance, de la peur, des croyances, de la soumission, de la crainte de dieux sacrés et punitifs porteurs d’autocratie, d’absolutisme, d’arbitraire, de despotisme.

La lumière est venue, aussi, de l’éveil progressif de l’intelligence au contact de la nature, des lois physiques, chimiques, mathématiques, régissant notre univers, fruits de la réflexion de génies éclairés.

Les peuples ont subi, pendant des siècles, la loi d’airain de régimes autocratiques les maintenant dans l’ignorance, l’exploitation, l’esclavage : ils s’en sont libérés après bien des massacres, génocides et défaites et l’on sait que tout est loin d’être parfait encore.

Mais, il y a environ 2600 ans, une forme de gouvernance démocratique va voir le jour et, miraculeusement, démontrer aux yeux de tous et des autocrates environnants qu’il existe la possibilité de diriger un peuple, un territoire par adhésion libre et souveraine des citoyens.

 

 

Athènes antique

 

 

Ce pays, c’est la Grèce antique confrontée, alors, aux luttes fratricides, aux trahisons dans un territoire morcelé en Cités-Etats, les Polis, communautés organisées en un centre urbain, souvent fortifié et sacré, construit sur une acropole naturelle (comme Mycènes) ou un port contrôlant la contrée environnante ou une cité fortifiée comme Sparte.

On dénombrait, alors, plus de 1000 polis dispersés dans tout le territoire, sous régime autocratique, guerroyant entre eux pour s’approprier les contrées les plus riches où la loi du plus fort régnait en maître.

Mais, deux cités vont finir par s’imposer, ralliant autour d’elles bon nombre de ces cités-états correspondant à leurs influences respectives et former des coalitions ou ligues : ligue de Délos dominée par Athènes comprenant les îles de la mer Egée et l’Attique, ligue du Péloponnèse à sa tête Sparte et son armée qualifiée de plus puissante de la Grèce.

La guerre contre un ennemi commun est, naturellement, facteur d’unité contre un intrus qui prétend conquérir un territoire et soumettre la population à ses lois : les guerres Médiques contre les Perses et leur roi Darius entre -490 et – 479 vont faire cette soudure, Athènes se ralliant à la coalition sous la houlette de Sparte, bien que rivales.

La notoriété de Sparte n’était plus à faire : elle remporte la guerre contre Darius et sa puissante armée à Platée.

Va-t-elle prendre le dessus sur Athènes ? Rien n’est moins sûr, reportons-nous à – 480 av. J.C.

 

 

soldat de sparte

 

                                                   Soldat de Sparte

 

 

          Athènes ne jouit pas de la puissante armée spartiate  et de ses soldats, les hoplites ;  mais, elle est devenue une puissance économique et commerciale sur la quasi-totalité du bassin méditerranéen, comptant de nombreux comptoirs sur les rives de l’Asie Mineure face à Lesbos et à Rhodes, en Egypte, en Crète... la péninsule ibérique et jusqu’aux colonnes d’Hercule.

 Le fils de Darius, Xerxès, ne peut supporter cette hégémonie après la défaite de son père ; et, dans un désir de vengeance, il traverse l’Hellespont à la tête d’une immense armée soutenue par une flotte de 1000 navires, tout aussi puissante, avec pour objectif de prendre Athènes et la Grèce entière.

Mais, la distance est encore longue pour cette armée qui vient de débarquer ses milliers de soldats, composée d’hommes venant de tous les peuples d’Asie Mineure, le matériel, les chevaux et autres animaux de trait, plusieurs centaines de kms de marche pour atteindre l’Attique dans un pays aux reliefs montagneux et dangereux, un parcours où il ne fait qu’une bouchée de très nombreuses Polis qui résistent à peine ou se rallient.

 

 

defilé

 

 

                                                                       Le défilé des Thermopyles 

 

Toutefois, les Spartiates ont flairé le danger : ils vont tenter d’arrêter l’armée pléthorique de l’envahisseur perse et tendent un piège au défilé des Thermopyles afin de la retarder : 300 spartiates ayant à leur tête le roi Léonidas Ier et 700 Thespiens (de la cité grecque de Thespie en Béotie) vont se sacrifier jusqu’au dernier pour empêcher l’armée perse de conquérir la Grèce centrale.

Après cet épisode héroïque, Xerxès se rapproche d’Athènes ; mais, les dirigeants ont compris que leur ville ne résisterait pas au nombre de soldats ennemis et à un éventuel siège qui risquerait d’être désastreux : ils décident, ni plus ni moins, de faire évacuer la ville de tous ses habitants qui gagnent dans un certain affolement, l’île de Salamine à peu de distance de la cité.

 Dans cette panique, Athènes a deux atouts maîtres dont ne se doutent guère les habitants apeurés : un dramaturge, littéraire et soldat, plutôt destiné à exercer son art qu’à exercer le métier des armes. Il a combattu à Marathon en – 490, Athénien de naissance, il s’agit d’Eschyle qui, conscient de la fragilité de la cité, avait soutenu dans une harangue à l’Assemblée du peuple, la proposition du chef athénien et grand stratège Thémistocle d’exploiter sans retard le filon argentifère au Laurion en vue de construire 200 trières et faire d’Athènes une puissance maritime redoutable alors qu’elle était déjà la puissance économique et commerciale que l’on sait.

 

 

trière

 

 

                                                                  la trière 

 

Chacun des deux protagonistes pense que le sort de la bataille qui va s’engager est entre les mains des rameurs. Ils viennent du corps social le plus pauvre, agriculteurs, tanneurs, artisans. Eschyle leur tient un discours patriotique et monte à bord d’une des trières comme fantassin.

Xerxès a profité du moment pour ravager Athènes et raser et incendier ses temples et ses bâtiments, n’ayant qu’une hâte : réduire les 30 cités grecques ayant décidé de lui résister.

Thémistocle ( -524 – 459), alors, ruse avec le Perse et lui tend un piège : il attire les navires perses à l’endroit choisi pour qu’ils ne profitent pas de leur supériorité numérique dans le débouché du goulet séparant l’île (à l’ouest) du littoral attique (à l’est) : la nuit venue est angoissante et pleine d’incertitudes pour le peuple grec et pour Eschyle ; mais, au matin, voici que les 600 navires perses occupent le goulet et le détroit avec 150 000 hommes : Xerxès se réjouit d’avance de briser la flotte grecque forte de 400 trières et 85000 rameurs .

 Tous les Athéniens rassemblés sur l’île se sont regroupés pour assister à un spectacle inédit, la peur au ventre, et sur la rive d’en face, les troupes perses rassemblées, Xerxès sur son trône installé sur les contreforts du mont Aigalée entouré de sa garde et de sa cour. Jamais autant de spectateurs pour une bataille navale qui va se dérouler devant eux, séparés par 1500m entre les deux rives.

La trière d’Eschyle se tient à l’aile gauche face aux Phéniciens de Tyr et Sidon. Spartiates, Corinthiens et Eginètes sont à l’aile droite et défient les Ioniens, des Grecs d’Asie Mineure, qui s’étaient ralliés aux Mèdes.

La marine grecque a rejoint les lieux, profitant de la brise pour naviguer à la voile sans fatiguer les rameurs tandis que les Perses ont affronté vents et courants, ont souqué ferme et sont exténués.

 

 

bataille de salamine

 

 

 

                                                  Bataille de Salamine

 

C’est, alors, que retentit le chant de guerre de la flotte grecque qui se lance à l’attaque peu avant 9h, les rameurs à l’œuvre s’imposent un rythme infernal car, il faut aller vite et empêcher les navires adverses de manœuvrer, de s’organiser en ordre de bataille.

« Vaisseaux contre vaisseaux heurtent déjà leurs étraves de bronze » écrira Eschyle dans sa tragédie « Les Perses ».

La vitesse d’exécution des trières, une mer rendue houleuse par un vent du sud, empêchent les navires perses de manœuvrer, ils prêtent le flanc à l’éperon de bronze à l’étrave des vaisseaux grecs qui ouvrent une large brèche et les envoient par le fond. « Ils voient se briser l’appareil de leurs rames et, alors, les trières grecques adroitement les enveloppent, les frappent ; les coques se renversent ; la mer disparaît sous un amas d’épaves, de cadavres sanglants ; rivages, écueils, sont chargés de morts…les Grecs, comme s’il s’agissait de thons, de poissons vidés du filet, frappent, assomment. »

Les Perses ont perdu 200 navires, les Grecs 40. Xerxès part en catastrophe et son armée rattrapée est vaincue à Platée sur le chemin de retour. Il vient d’assister à la défaite de sa flotte et, à présent, à celle de ses fantassins et cavaliers : c’est une vraie tragédie grecque qui s’est déroulée devant lui en direct.

La tragédie d’Eschyle se jouera un peu plus tard, remportant un grand succès : le jeune chorège chargé de financer la représentation, n’était autre qu’un certain Périclès.

         

 

Jacques Lannaud

 

 

 

 

 

 



14/08/2022
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