Terre de l'homme

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La résurgence du peuple grec : Missolonghi symbole du soulèvement populaire face à l’oppresseur ottoman

     

arrivée de lord Byron

 

 

 

                       L'arrivée de Lord Byron à Missolonghi par Theodoros Vryzakis 1861

 

 

Jacques Lannaud poursuit "la plongée dans l'histoire" initiée avec son dernier article : La victoire athénienne de Salamine sur les Perses de Xerxès. 

 

 

De jeunes audacieux, des passionnés de la varappe se vantent d’avoir grimpé à la force des muscles, cette redoutable falaise de Varasova qui tombe à pic dans la Méditerranée et ne se lassent pas de la vue que leur offre le golfe de Patras et la splendide côte du Péloponnèse. Ils ne sont venus là que pour affronter ce mur vertical de calcaire de près de 1 000m de haut et inscrire cette épreuve à leur palmarès. Peu importe que le guide touristique mentionne : « La petite ville proche, Missolonghi, mérite une visite pour sa lagune à paysage étonnant, sa plage en bout de lagune, ses restaurants. »

 

 

falaise

 

 

                                                              falaise de Varasova

 

Et, pourtant, c’est là que débarqua le poète romantique anglais Lord Byron le 5 janvier 1824, arrivée tonitruante, accueilli par une foule enthousiaste voyant en lui le libérateur mettant en jeu sa notoriété et son soutien au soulèvement du peuple grec contre l’oppresseur turc.

Le tableau du peintre Theodoros Vrysakis, au musée de Missolonghi, est éloquent, représentant cet accueil du héros qui portait en lui le souffle de la liberté, porteur de ses positions contre la soumission, pour l’indépendance du peuple grec alors que la ville assiégée par les Turcs était au bord de la rupture.

Pierre Merlhiot nous a, déjà, indiqué la grande figure de ce poète romantique quasi révolutionnaire dont les positions contrariaient frontalement ses pairs britanniques qui voyaient en lui un agitateur, un anarchiste facteur de trouble social dans cette Angleterre pré-victorienne engoncée dans ses traditions poussiéreuses.

 Et, disons-le, la Révolution française qui avait fait table rase de l’Ancien Régime et promu les idées portées par le Siècle des Lumières, avait embrasé une grande partie de l’intelligentsia européenne. Rejeté par l’aristocratie anglaise, il trouve refuge en Suisse puis en Italie. Révolté par l’indifférence des nations européennes face à ce mouvement de libération, il brandit le flambeau de l’espérance face au joug contraignant que subit le peuple grec, depuis la prise de Byzance en 1453.

 

 

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                                                   le prêche de l'évêque Germanos 

 

 

Le 25 Mars 1821, jour de l’Annonciation, l’insurrection avait été déclenchée par un prêche de l’évêque Germanos, évêque de Patras. Une multitude de comités philhellènes s’était créée, envoyant argent, vivres, armes et volontaires.

C’était pour certains, l’occasion de refaire la guerre de la Croix et du Croissant, pour d’autres, celle de poursuivre le combat contre la soumission, l’oppression, la suppression des libertés de se réunir, de  se déplacer, de s’exprimer librement... Paradoxalement, on retrouve parmi ces volontaires des nostalgiques, des déçus de leur gloire ancienne tel le personnage du colonel Chabert qu’a décrit Honoré de Balzac. Ces anciens soldats voire grognards de l’Empire regrettaient les marches, les bivouacs, les batailles, des assoiffés de la guerre.

Des intellectuels suivent le mouvement, farouches défenseurs décidés à faire triompher les idées nouvelles, voulant passionnément rétablir sur cette terre la démocratie qui s’y était imposée au temps de Périclès, démocratie directe face au peuple réuni sur la colline du Pnyx à Athènes près de l’Acropole où les citoyens, harangués par leurs dirigeants, votaient lois, décrets, budget, la nomination des magistrats...

Le mouvement prend de l’ampleur et se fortifie au point que l’on commence dans les palais, à s’interroger, à regarder ce soulèvement pour la liberté, politiquement, déstabilisant pour cette Europe léthargique.

Hugo, Lamartine, Benjamin Constant, Walter Scott secouent les opinions, poussent les dirigeants européens à s’unir pour sauver l’insurrection grecque qui souffre.

« Notre siècle verra-t-il des hordes sauvages étouffer la civilisation renaissante dans le tombeau d’un peuple qui a civilisé la terre ? La chrétienté laissera-t-elle tranquillement les Turcs égorger des chrétiens ? » déclare François-René de Chateaubriand (Note sur la Grèce 1825).

Malgré cela, le siège de Missolonghi par les Turcs s’était prolongé jusqu’à épuisement des défenseurs et la ville est prise le 29 Avril 1826. Byron était décédé quelques mois après son arrivée et cette défaite fut ressentie comme une insulte à la mémoire de l’auteur du célèbre poème « Le pèlerinage de Childe Harold » et un échec des principales nations européennes.

Le mouvement qu’avait déclenché Lord Byron, ne pouvait rester en l’état, les enjeux politiques étaient très importants et les opinions publiques n’auraient pas compris les atermoiements de leurs gouvernants.

 

 

grèce ruines

 

 

 

                                                    La Grèce sur les ruines de Missolonghi 1826

 

 

Delacroix peint, alors, son tableau intitulé « La Grèce sur les ruines de Missolonghi », une jeune femme, la poitrine dénudée, agenouillée sur les ruines de la ville et Victor Hugo reprend la plume devant la passivité des dirigeants européens.

Finalement, après des pourparlers prolongés, Français, Anglais et Russes forment une coalition maritime qui coulera la quasi-totalité de la flotte turque dans la baie de Navarrin, le 20 octobre 1827.

La Grèce, enfin, retrouve son indépendance et le peuple souverain, la démocratie qui renaît de ses cendres, là où elle était née 25 siècles auparavant.

Byron avait vu juste et avait redonné l’élan nécessaire pour que triomphent les idées nouvelles, celles du siècle des Lumières et remué les opinions européennes et leurs gouvernants. 

Aujourd’hui, encore, la Grèce est aux avant-postes de notre civilisation face à la danse de régimes autocratiques voisins…mais elle n'est plus seule et l’Europe se doit d’être à ses côtés et de se montrer solidaire, compte tenu de nos liens avec cette civilisation.

              

Jacques Lannaud

  

 



28/08/2022
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