Terre de l'homme

Terre de l'homme

Année 2020


Les regards mémoriels sur des personnages pratiquement tombés dans l'oubli. Volet n° 4 (4/4).

 

Legouest sous la neige

 

 

Metz, janvier 2019. Hôpital d'instruction des Armées Legouest

Image DR 

 

 

 

 

Venant, Antoine, Léon Legouest

 

 

Qui était Venant Legouest.

 

Venant Antoine Léon Legouest naquit à Metz le 1er mai 1820, rue du Pont Saint-Marcel. Son père est chirurgien du Premier Empire et sa mère est de Sarrebourg. Legouest est  scolarisé à Metz puis, de 1831 à 1839, au Lycée royal de Nancy (actuel Lycée Poincaré).

 

http://www.professeurs-medecine-nancy.fr/Salf4.htm

 

En lisant la biographie de Venant Legouest, on ne peut qu'être édifié par ce cursus.

 

Quelques souvenirs personnels.

 

Lors de mon service militaire, après le CS n° 2, spécialité "stérilisateur-panseur", j'ai été affecté au bloc opératoire de cet hôpital, de janvier à août 1965. Là, je faisais équipe avec Roland Pierre, un Barisien, et Gérard Mathelin, un Chaumontois qui, par un singulier hasard extraordinaire, définissait quand il devait partir et revenir de permission. Avec le recul, il paraît permis de penser que, par une bienveillante complicité, il usa plus que largement de cet échappement.

Le service était coiffé par deux chirurgiens, tous les deux médecins commandants, Jean-Claude Doublier, le patron,  qui avait alors 36 ans, et X. Rivot.

Nous avions au bloc un adjudant, ou adjudant-chef, X. Becker, stérilisateur-panseur-anesthésiste, qui, avec nous, balaya toute notion de hiérarchie et, en toutes circonstances, savait détendre l'atmosphère. 

 

Le souvenir marquant qui me reste est d'avoir dû diligenter, avec mes camarades Alain Bohr, préparateur en pharmacie, François Paul, manipulateur radio, et un ambulancier qui, je crois, s'appelle Baret, le transport d'un cancéreux, tout près du "grand voyage" pour une pérégrination terrestre à Lourdes.

 

Nous étions en retard pour partir, l'ambulancier introuvable !  Le train devait partir de Metz, je crois, à 14h10 et, à dix minutes de son départ, nous chargions le brancard élaboré exclusivement pour notre malade par le menuisier de Legouest. Voyant que nous allions louper le train, je dis au conducteur de l'ambulance "rentre dans ce chantier ferroviaire" au bord de la Seille, je vais tenter, par téléphone, d'obtenir la rétention du train pour nous permettre d'arriver. Je pensais me faire copieusement eng... Le chef de service, un sous-chef de gare de 1ère classe, il avait sa barrette d'or entourée de ses quatre étoiles, fut fort avenant et compréhensif.

 

Nous avons donc dû commencer par donner un retard au départ, au moins de 10 bonnes minutes, mais là, ne faisait que commencer notre périple. On ne réussit pas à atteindre le compartiment affecté à notre grand malade. Nous avons dû le laisser sur la plateforme de la voiture. Je fis part alors de notre problématique au brave chef  de service qui m'assura qu'il allait solliciter une intervention technique pour un arrêt suivant. Notre pauvre malade, toujours souriant face à l'adversité, demeura donc dans le sas. Nous passons Bar-le-Duc, Chalons, Épernay et nous voilà engouffrés dans la grande ceinture parisienne, avec notre malade toujours en attente de rejoindre le "confort" de son compartiment. En attendant, il reçoit la visite d'aumôniers, de diverses personnes du convoi dont les deux superbes infirmières D.E, accompagnatrices du convoi, qui voulaient demeurer de marbre lors des multiples hommages  discrets qui saluaient leurs tournées. Les trois premières heures, ponctuées d'aves forts répétitifs, sont longues. Nous voilà à Villeneuve-Saint Georges ; et là, ô miracle, deux agents du matériel viennent pour libérer la baie de sa barre transversale et notre malade est, enfin, installé dans son compartiment. Enfin les soins d'hygiène et médicaux lui seront apportés. Toujours souriant, il se confond, lui qui était dans la plus mauvaise posture, en remerciements à l'endroit de ceux qui l'ont "brinquebalé" de l'ambulance au train.

 

Ce sourire confiant, plein de générosité intellectuelle, je ne suis pas prêt de l'oublier.

 

Arrivés à Lourdes, nous voilà partis vers la piscine mariale. Personnellement, je n'étais pas du tout, mais vraiment pas du tout, à l'aise ; et là, le service d'ordre nous arrête et des brancardiers emportent notre malade. Ô surprise, parmi eux, il y avait un général qui déployait, avec le plus grand empressement, toute son énergie dans sa pieuse mission.

 

Nous fûmes libérés jusqu'au surlendemain pour le retour vers Metz.

 

P.F

 

Cette nuit de Nivôse, elle ressemble plutôt à une nuit de Pluviôse, nous allons changer d'année civile. Dans la tradition, ces nuits de basculement sont, par leur accent festif, source d'embrassades et de gestes en rupture avec les préconisations édictées pour faire face à la pandémie.

 

Puissions-nous être raisonnables pour échanger nos vœux ! Ils n'ont nullement besoin de ces affranchissements pour être sincères et porteurs d'espérance.

 

 


31/12/2020
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Les regards mémoriels sur des personnages pratiquement tombés dans l'oubli. Volet n° 3 (3/4).

 

 

Poursuivons nos regards mémoriels et attardons-nous en terre bourguignonne dans la cité ducale de Charles de Valois-Bourgogne, dit Charles le Hardi ou Charles le Travaillant. Il nous est connu sous le patronyme de Charles le Téméraire. À cette époque moyenâgeuse, cette métropole n'était point dans le périmètre stable du royaume de France et il n'était pas rare de guerroyer pour définir les frontières. N'oublions pas que le duché de Bourgogne (880-1477) ne devint province du royaume de France qu'en 1477 quand Charles, cousin de Louis XI, s'effondra aux portes de Nancy, actuellement Place de la Croix de Bourgogne. Marie, sa fille unique, pour faire face à la Maison de France, épousa Maximilien de Habsbourg. 

 

Aujourd'hui, quand les T.G.V. sillonnent les terres de Bourgogne, qui pense qu'il y a 5 siècles 1/2, les seigneurs de ces terres voulaient fonder un empire... qui n'aurait pas été un "appendice" de la France.

 

Les Dijonnais l'appelaient Montmuzard

 

Le quartier Montmuzard est un quartier de Dijon  situé à l'est de la ville. Il est aujourd'hui peuplé majoritairement par des étudiants, le campus de l'Université de Bourgogne étant situé dans ce quartier. Il est découpé en plusieurs secteurs : Champmaillot, Hyacinthe Vincent, Mansart, Montmuzard et Université.

 

L'Hôpital militaire Hyacinthe Vincent.

 

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Image Alain Joris.

 

 

Cet hôpital militaire, conçu pour 400 lits, dont les plans furent tracés en 1935, sortit de la planche de travail de Georges Toury, architecte. Vicissitude de l'histoire, il fut réceptionné pendant la guerre et inauguré par... la Wehrmacht. Les revers de l'histoire l'ont précipité à la démolition après son abandon en 1998. 

 

Le médecin-général Hyacinthe Vincent. Source Wikipédia

 

HV

 

 

Hyacinthe Vincent est le fils d'un marchand boucher bordelais, Gustave Vincent, installé cours Portal à Bordeaux, et d'Anne Manbourguet. La famille Vincent est une vieille famille des Hauts-de-Gironde dans la région de Lapouyade.

Médecin général inspecteur de l'armée, il est affecté à l'École militaire du dey d'Alger. Hyacinthe Vincent y découvre le bacille Fusiformis fusiformis qui, associé à des spirilles, est à l'origine de l'angine ulcéro-membraneuse, généralement unilatérale, appelée « angine de Vincent ».

 

 

Professeur agrégé au Val-de-Grâce et au Collège de France, titulaire de la chaire d'épidémiologie, il vaccine avec succès, en 1912, grâce à son éthérovaccin, le contingent français d'Afrique du Nord contre la typhoïde. Ce vaccin avait été mis au point en 1896 par Almroth Wright en Angleterre et en 1909 par André Chantemesse et Hyacinthe Vincent en France. Juste avant la Première Guerre mondiale, une loi du 28 mars 1914 impose la vaccination T.A.B. (vaccination contre la typhoïde et les paratyphoïdes A et B) et sauve l'armée française en supprimant presque totalement les cas de fièvre typhoïde. On lui doit aussi la découverte du vaccin contre la gangrène gazeuse.

Les maréchaux Joffre et Foch lui rendent hommage. Membre de l'Académie de médecine, il est élu membre de l'Académie des sciences en 1922.

Hyacinthe Vincent est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (21e division) à Paris.

Hyacinthe Vincent, Grand-croix de la Légion d'honneur, par ailleurs fut récipiendaire de la Médaille militaire et cité à l'Ordre de la Nation. Il a travaillé pour l'Hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâcefaculté de médecine d'AlgerCollège de France (1925-1936). Membre de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie des sciences (1922)

Un timbre a été édité à son effigie. L'hôpital militaire de Dijon, aujourd'hui repris par la ville à d'autres fins, a porté son nom. Son patronyme fut pris pour des places et faculté de médecine (Bordeaux), et Paris l'honore  avec la rue du Professeur Hyacinthe Vincent dans le 14ème arrondissement.

 

 

Quelques souvenirs personnels de l'Hôpital Hyacinthe Vincent.

 

En septembre 1964, un peu avant les vendanges et la fête du vin, manifestations qui donnent du relief à la métropole bourguignonne, quelques infirmiers militaires descendent du Train YD, Yser-Dijon. Ils sont accueillis pour filer à l'Hôpital Hyacinthe Vincent pour un séjour de 4 mois, afin de devenir soit manipulateur radio ou stérilisateur-panseur. Mon excellent camarade François Paul, il deviendra en mars 2001, le sympathique maire d'Orconte, entité champenoise de la communauté de communes Perthois-Bocage et Der dans la Marne, fut de ces garçons qui n'ayant jamais manié d'appareil de radiographie, devint manipulateur radio. Son travail lui occasionna de gros problèmes de santé dont il s'est heureusement remis.

Dans cet hôpital,  les postulants stérilisateurs-panseurs ont  été interrogés par un médecin-commandant, un talentueux chirurgien, Jacques Poncelet, aussi discret que profondément humain. Il boucla sa carrière comme médecin général inspecteur en Allemagne. Son effacement faisait que les stagiaires ne savaient pas qu'ils avaient en face d'eux, un blessé du conflit qui s'acheva avec la reddition tragique du 7 mai 1954 dans la cuvette de Diên-Biên-Phu.

 

Pierre Fabre

 

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Demain sera, avec Legouest, l'ultime regard sur ces médecins militaires qui ont apporté leurs travaux et même leur vie, ce fut le cas pour Robert Picqué, à la grande marche de l'humanité en découvrant, en innovant ou impulsant des concepts. Il vous est, bien entendu, loisible de critiquer ou de vous épancher sur cette "micro-saga" en usant de la fenêtre commentaire. 


 

 


30/12/2020
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Les regards mémoriels sur des personnages pratiquement tombés dans l'oubli. Volet n° 2 (2/4).

En passant par la Lorraine... avec mes rangers !

 

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Si, par hasard, vous êtes passés par Nancy et que vous n'ayez pas pensé faire une escale devant la grille de la place Stanislas, on peut dire que vous avez occulté la pièce maîtresse du Duché de Lorraine.

Photo © Pierre Fabre

 

Le volet d'hier, qui avait pour finalité de sortir Robert Picqué de l'oubli, était plutôt girondin. Aujourd'hui, traversons la France et atteignons la Lorraine, cette belle province aux racines romano mi-germaniques, héritage du  Saint-Empire romain germanique. Le puissant duché de Lorraine s'est francisé au cours des siècles avec un ancrage formel et définitif en 1766.

La Lorraine, terre convoitée, a été immortalisée pour les enfants par une chanson, au départ enfantine,  "En passant par la Lorraine" dont l'embasement relève de la légende et remonterait au XVIème siècle avec Roland de Lassus. Chanson enfantine, puis militaire, qu'il soit permis de lui trouver une belle affirmation de la féminité face à l'insolence virile.

Pour bon nombre de gens, de jeunes gens affectés au C.I.I.S.S n° 6 bipolaire, Bar-le-Duc et Toul, au cours des années 60, la ville natale du président Poincaré, le président qui eut à affronter l'histoire avec le terrible conflit de la Guerre de 14 et l'appétit de Clémenceau qui ne pécha pas, c'est le moins que l'on puisse dire, par excès de recherche d'aboutissement pacifique à cette terrible démence guerrière, n'était qu'une ville de l'Est de la France. Pour certains, c'était, aussi, le chef-lieu de la Meuse.

 

 

 

 

La cathédrale Saint Etienne de Toul signe la puissance temporelle de ses évêques. Elle constitue le pivot patrimonial de la ville.

Photo © Pierre Fabre

 

 

 

Collègiale Saint-Gengoult Allons un peu plus en avant vers l'est et découvrons Toul, une autre cité chargée d'histoire. Ce chef-lieu d'arrondissement,  ancienne principauté épiscopale du Saint-Empire romain germanique, fut souligné par les manuels scolaires d'Ernest Lavisse comme le siège d'un des trois évêchés où les prélats avaient beaucoup plus de préoccupations temporelles et d'affirmation de leurs prérogatives seigneuriales que de mission pastorale. Toul, par son passé historique, nous livre, néanmoins, son joyau patrimonial.

 

C'est dans la décade II de Messidor, au début de Messidor de l'année 172, soit vers le 1er juillet de 1964, que quelques 200  impétrants infirmiers militaires atteignent le promontoire toulois de Gama. Le Médecin-commandant Mathiot réceptionne ces recrues dont l'objectif n° 1, voire unique, est le retour à la vie civile,  14 mois plus tard. Son message d'accueil fut essentiellement une présentation des permanents de Gama et à mots couverts, l'annonce du défilé militaire qui devait réunir, dans une quinzaine, un effectif composite aussi peu passionné par une parade militaire que les adeptes de la musique pop, par la  Neuvième symphonie de Beethoven ou Le beau Danube bleu de Strauss. Il paraît compréhensible que ces militaires de carrière se soient demandés, alors, comment ajuster les trois compagnies d'infirmiers militaires coincées entre le régiment du train et l'armée de l'air, le tout survolé à la surprise générale, l'espace d'une minute, par le passage furtif dans le ciel de trois avions filant vers Nancy, avec le panache de nos trois couleurs.

Dans son message, le chef de corps ne dit mot sur le patronyme de Gama. Tout ce qui était dit, de bouche à oreille, c'est qu'il ne fallait point doubler la consonne centrale. Gama était le nom d'un personnage et non la troisième lettre de l'alphabet grec.

 

Comme pour Robert Picqué, hier, avec quelques décennies de retard, j'ai cherché à retrouver Gama.

 

J-P Gama

 

 

Qui était Jean-Pierre Gama.

 

Un dossier complet, a été élaboré par Pierre Labrude, qui est en quelque sorte, le "conservateur mémoriel" de Gama. Pierre Labrude était, dans sa vie active pharmacien. Il revient sur la biographie de ce chirurgien tombé dans l'oubli.

 

https://www.etudes-touloises.fr/archives/89/art1.pdf

 

 

L'urbanisme du siècle précédent a éradiqué le site militaire de Gama.

 

 

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Photo © Pierre Fabre

 

 

Quelques souvenirs.

 

Motivés bien plus par les permissions, toujours attendues avec impatience, que par la finalité de cette période bimestrielle de juillet-août 1964, nous avions pour lieu de séjour, un hôpital militaire virtuel où nous préparions le C.S n° 1 que, plus que pompeusement, nous appelions le caducée. Là, les para-médicaux croisaient leurs copies avec celles de géomètres, de programmeurs, … d'agents des postes, du chemin de fer et bien d'autres pour devenir infirmiers militaires. Ces stagiaires s'exerçaient à faire des piqûres ou des pansements entre eux. La sortie hebdomadaire conduisait tout le monde sur le plateau d'Écrouves où, là, on entendait nous rappeler que nous étions militaires et… qu'il fallait marcher au pas...   

 

Portail de Gama

 

Voilà ce qu'il restait de la porte d'honneur en août 2004. Depuis, il ne reste plus rien et personne n'a su dire à Pierre Labrude où est partie cette ultime pièce de souvenir. A-t-elle été soustraite par un processus peu orthodoxe, il ne saurait le dire !

Photo © Pierre Fabre

 

 

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Demain, nous changerons de duché pour passer de celui de Lorraine à celui des seigneurs de Bourgogne, pour nous attarder sur Hyacinthe Vincent, une autre figure qu'il faudrait éviter de classer dans le domaine de l'oubli. 


29/12/2020
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Les regards mémoriels sur des personnages pratiquement tombés dans l'oubli. Volet n° 1 (1/4).

 

 

 

 

Quand j'étais adolescent, le parcours quasi obligé pour les jeunes gens de la ruralité, était la préparation militaire. Les événements d'Algérie venaient, enfin, de trouver leur dénouement et le franchissement méditerranéen qui fut imposé à nos aînés nous fut épargné. Cette préparation fut, aux jeunes gens de l'ancien canton de Belvès, diligentée par un jeune gendarme, Moïse Vialard, qui avait des contacts chaleureux avec ses futurs conscrits. L'avantage de cette préparation était que les jeunes avaient la latitude d'établir un pré-choix avant le centre de sélection de Limoges. Pour ma part, déjà totalement acquis à la cause pacifiste, j'ai choisi le Service de santé. Ce choix m'a conduit à Robert Picqué à Villenave-d'Ornon, puis à Bar-le-Duc pour les classes ; elles n'avaient rien à voir avec la mission sanitaire, à l'Hôpital Gama de Toul, à l'Hôpital Hyacinthe Vincent de Dijon et, enfin, à l'Hôpital Legouest de Metz. On était là, moins d'un demi-siècle après sa fondation impulsée par Guillaume II. Ces vieux murs messins ont connu le changement de souveraineté depuis l'époque où Antoine Legouest, né en 1820, fut l'élève de Louis-Jacques Bégin.

Revenons à Robert Picqué quand j'effectuai, en 1964, ma période prémilitaire dans ce décor girondin, je retrouvai là un camarade mazeyrollais, mon aîné d'un an, le regretté Gérard Boutin. Il effectuait là son service militaire et je lui demandai qui pouvait être Robert Picqué. Gérard, hélas, nous quitta peu de temps après. Je crois avoir obtenu, en réponse à mon questionnement, un pff ! C'est longtemps, bien longtemps, très longtemps après, que j'ai pris le temps de rechercher qui pouvait bien être Robert Picqué.

 

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Aujourd'hui, le monde dans son ensemble est suspendu aux travaux des scientifiques. Pendant un an, nous avons croisé les doigts en espérant que les esprits scientifiques pourraient, dans un temps record, trouver un vaccin pour éradiquer la Covid 19.

 

Dans les hôpitaux, les personnels de santé et, aussi, toutes les petites mains qui travaillent à la maintenance de ces lieux sanitaires, s'appliquent à combattre ce fléau avec des moyens souvent insuffisants. De mémoire, jamais, depuis la grippe espagnole du début du siècle précédent, l'humanité n'a été interpellée avec autant d'intensité ravageuse.

Les moyens du corps médical civil, saturés, voire largement saturés, ont été épaulés par le Service de Santé des Armées. L'Hôpital d’instruction des armées Robert Picqué à Villenave d’Ornon,  a ainsi assumé un rôle déterminant dans ce combat contre un adversaire invisible mais ô combien inquiétant.

 

Pierre Fabre

 

Ce mardi 11 novembre, des patients Covid-19 ont atterri à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac (Gironde) en provenance d'Auvergne-Rhône-Alpes.

 

Des patients Covid-19 en provenance d'Auvergne-Rhône-Alpes, lors de leur réception à l'aéroport de Mérignac pour être pris en charge à l'Hôpital d’instruction des armées Robert Picqué. ©Twitter / Yann Bubien.

 

 

Le Docteur Robert PICQUé

Qui était Robert Picqué.

 

En Aquitaine, pratiquement tout le monde a entendu parler de Robert Picqué mais, probablement, bien peu de personnes savent qui était ce personnage qui a laissé son patronyme à l'Hôpital militaire  de la couronne bordelaise. Robert Picqué est au n° 351 de la Route de Toulouse à Villenave-d'Ornon.

 

Un cursus d'exception [Source Wikipédia].

 

Robert Picqué naît en 1877 à Paris et y fait ses études secondaires. En 1895, il entre à l’École du service de santé militaire de Lyon où il reste 4 ans. Devenu médecin, il entre à l’École d'application du service de santé militaire au Val-de-Grâce. Il est ensuite affecté dans une unité à Versailles. Il est agrégé de chirurgie du Val-de-Grâce en 1906.

En 1913, il publie un Traité pratique d’anatomie chirurgicale et de médecine opératoire. Cette même année, après avoir obtenu un doctorat ès sciences et l’agrégation d'anatomie et d'embryologie des facultés de médecine, il est nommé à Bordeaux où il enseigne l’anatomie et, en même temps, prend la charge d’un service hospitalier de chirurgie à l’hôpital militaire Saint Nicolas.

Pendant la Première Guerre mondiale, bien qu’inapte à faire campagne pour raison de santé, il obtient d’être affecté dans des postes chirurgicaux avancés. Le plus célèbre est celui de Beaurieux petit village à l’extrême Est du Chemin des Dames.

Après la guerre, il reprend ses fonctions professorales et la direction d’un service de chirurgie à l’hôpital de Talence.

Recevant des blessés ayant souffert de longs délais de transport, il propose de les évacuer en avion comme cela se pratiquait au Maroc et au Levant. Le général de l'air Félix Marie commandant le centre de Cazaux lui fait affecter 2 avions, et lui adjoint un sous-officier pilote, Goegel, qui ne le quittera plus. Lui-même devient officier observateur et reçoit un carnet de vol.

Afin de mettre en place un réseau d’évacuation sanitaire aérienne, il recense les terrains d’atterrissage possibles dans les 5 départements de la 18e région militaire (Basses-PyrénéesHautes-PyrénéesGirondeLandesCharente-Maritime). Remarquable propagandiste, il participe à la plupart des congrès nationaux et internationaux, tant en Europe occidentale qu'au Canada et aux États-Unis. Donnant l'exemple, il pratique lui-même de nombreuses évacuations sanitaires.

Le , il quitte Talence pour se rendre à Cazaux. Sur le retour, son avion est pris dans le mauvais temps et son moteur prend feu. Il est obligé de sortir de l'habitacle mais à cause d'une maladie neurologique chronique, il n'arrive pas à se retenir et tombe de l'avion au-dessus d'un bois près de la commune de Marcheprime.


28/12/2020
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Un cadeau utile

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Le Bugue sur Vézère (Wikipédia - photo Père Igor- travail personnel)

 

 

 

Daniel Simon qui a déjà écrit dans le blog Terre de l'Homme et exerça le métier d'imprimeur typographe au Bugue, imprima en 1957, ce conte de Noël dans son journal Le cantou.

Sous le nom de l'auteur Jean Vézère (1877-1978) se cache en réalité une femme : Suzanne Vergniaud. Elle ne fut pas la seule à user de ce subterfuge. "Jusqu'au milieu du XXème siècle , les femmes furent, à de rares exceptions près, en effet, écartées de l'écriture littéraire, voire interdites de littérature du fait du pouvoir patriarcal. Les féministes d'aujourd'hui mettent en cause, à juste titre, la condition faite aux femmes dans la société patriarcale : elles ont été confinées dans la sphère du privé, tenues éloignées de celles de la vie publique et des activités symboliques, la littérature et les autres arts faisant partie d'un domaine sacré ou, mieux, sacralisé depuis l'époque romantique au moins. C'est la thèse qui sous-tend, par exemple, les analyses de Michelle Perrot (dans L'Histoire des femmes et Les Femmes ou les Silences de l'Histoire et de Christine Planté (dans La Petite Soeur de Balzac, Essai sur la femme-auteur."(1) Les articles, chroniques, nouvelles, études littéraires et artistiques  de "Jean Vézère" ont paru dans les journaux locaux du Limousin. Elle a publié près d’une quarantaine de romans au tirage honorable. Elle est inhumée au cimetière du Bugue.

 

Pierre Merlhiot 

(1) Ellen Constans Ouvrières des lettres : les romancières dans la production de la littérature de masse de la première moitié du XXe siècle

 

 

 

J'ai trouvé dans un carton, un manuscrit de Jean Vézère, poète buguois bien connu et j'ai souhaité vous en faire profiter.

 

Daniel Simon 

 

Titre cadeau

 

 

 

Vers le milieu du siècle dernier, vivait au Bugue une dame veuve, riche, d’éducation parfaite, de commerce agréable, Mme Andrieux.

Elle habitait dans l’ancien Prieuré de l’Abbessade, la maison qui appartient aujourd’hui à Mme Pierre Bernard. Cette demeure lui plaisait, et elle aimait aussi, infiniment, les vastes jardins qui l’entouraient, la jolie terrasse à balustres, les parterres, les bassins et les charmilles.

Sa demoiselle de compagnie, Melle Adélaïde, qu’elle traitait comme une sœur, était beaucoup plus âgée qu’elle, presque octogénaire, mais d’esprit toujours vif et de corps alerte. Vieille fille noble, ruinée par la Révolution, elle avait vécu à Paris et connu les pires vicissitudes, pendant les périodes tourmentées de la République, du Consulat et de l’Empire. Ses malheurs n’avaient point altéré son heureux caractère. Extrêmement bonne, toujours d’humeur égale, avec une pointe de gaieté parfois malicieuse, elle charmait la solitude de Mme Andrieux et attirait, dans la maison de son amie, bien des personnes du Bugue, captivées par la conversation toujours intéressante de la vieille demoiselle. Parmi ces visiteuses, ma grand’mère, alors toute jeune femme, était l’une des plus assidues.

Un jour de décembre, elle pria Melle Adélaïde de puiser dans ses souvenirs, quelque scène de Noëls d’autrefois.

--- Je veux bien ! fit la vieille demoiselle, avec un sourire du dehors, la neige poudrait à frimas, les parterres défleuris et les arbres dépouillés des jardins. Mme Andrieux jeta une nouvelle bûche au feu. Les trois femmes se rapprochèrent de l’âtre, et devant les flammes dansantes, Melle Adélaïde commença.

 

C’était à Paris, le 3 Nivôse, An II de la République, c’est-à-dire deux jours avant Noël. Triste Noël du temps de la Terreur, cloches muettes, églises fermées, prisons pleines d’hommes et de femmes promis à l’échafaud... Mes parents désignés comme suspects, avaient émigré en Allemagne, me laissant à la garde d’une tante dévouée. J’avais quinze ans.

Ma tante vivait très retirée, dans une sombre maison de la rue des Carmes, avec sa fidèle servante, Honorine et le fils de celle-ci, Nadalet, un gringalet à tignasse rousse, au nez en trompette qui aidait quelque peu sa mère, faisait les courses, et allait à l’école, quand il ne préférait pas vagabonder à travers les rues.

Un franc gamin de Paris, ce Nadalet, gai comme un pinson, adroit comme un singe, curieux, primesautier, débrouillard, joueur, flâneur, au demeurant le meilleur fils du monde. Il était né une nuit de Noël. Le 25 décembre était donc à la fois sa fête et son anniversaire.

Comme il allait avoir treize ans et devait commencer, peu après, son apprentissage chez un rôtisseur de la rue Saint-Jacques, ma tante lui annonça que, cette année-là, elle lui offrirait, pour son Noël, non un jouet ou une friandise, mais un cadeau utile.

--- Et parmi des objets utiles, que désires-tu, Nadalet ?

Le gamin fit un entrechat, battit des mains et s’écria :

--- Un couteau !.. Un beau couteau, bien solide, bien tranchant, un couteau d’homme !…

Le lendemain, il avait son couteau. Mais quelques heures plus tard, sa mère accourait désolée :

--- Ah ! Madame, lui avoir donné ce couteau, quelle idée fâcheuse ! Depuis qu’il l’a eu en mains, il entaille, taillade, coupe, tranche tout ce qu’il rencontre. Que de dégâts, va nous faire ce polisson !

--- Rends-moi ce couteau, Nadalet ! fit ma tante, d’un ton sévère.

Mais l’enfant désespéré la pria, la supplia tellement, et lui fit tant de promesses, qu’elle finit par lui dire :

--- Eh bien soit ! … Je te fais confiance, puisque tu promets de ne pas recommencer tes méfaits ; mais pour te faire pardonner ceux que tu as commis, ce matin, je te demande d’accomplir aujourd’hui une bonne action, dont tu me rendras compte ce soir, avant dîner.

Nadalet, radieux, fourra le couteau dans sa poche, et comme Honorine lui avait donné plusieurs courses à faire, dès les premières heures de l’après-midi, il bondit au dehors, crinière au vent et sifflant comme un merle.

Un brouillard glacé couvrait Paris. Gens et choses paraissaient noyés dans de l’ouate épaisse et grise. Dans certaines boutiques, on avait allumé des chandelles. Nadalet aperçut devant lui une foule curieuse qui se pressait aux abords du Palais de Justice. Il y courut.

Le misérable véhicule qui conduisait les condamnés à l’échafaud, attendait devant les grilles. Sortant des cachots de la Conciergerie ceux qui devaient mourir ce jour-là, ils arrivèrent, peu après, et montèrent, l’un après l’autre, dans la sinistre charrette, où il n’y avait déjà plus de place, lorsqu’un dernier prisonnier se présenta.

Le greffier, qui pointait les noms sur sa liste, s’écria :

--- Bah ! Celui-ci n’est point podagre. Il marchera très bien derrière la charrette.

Le condamné s’avança, avec indifférence. On resserra les cordes qui lui liaient les mains derrière le dos, et deux gardes, l’arme au poing, se placèrent l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.

Nadalet, jouant des coudes, était parvenu à se faufiler au premier rang de la foule. Il observait, avec une ardente curiosité, les moindres détails de la scène. La charrette s’ébranla, suivie par de nombreux badauds. Le gamin s’élança à leur suite.

De tous ses yeux, il regardait marcher devant lui, entre ses deux gardiens, celui qui allait mourir. C’était un beau jeune homme, de vingt à vingt-deux ans, très digne, très calme, nullement effrayé, semblait-il, par l’approche de la mort.

Nadalet avait dans les veines du bon sang français. Il aimait les gens qui n’avaient pas peur.

Le cœur ému de pitié, mais aussi d’admiration, il considérait l’attitude superbe de celui qui, dans quelques instants, aurait la tête tranchée sous le couperet de la guillotine.

--- C’est un brave ! se disait-il. Et il se proposait de la suivre jusqu’au pied de l’échafaud … Le brouillard s’épaississait de plus en plus. Tout à coup, dans un croisement de rues, des cris, des vociférations et des mugissements se firent entendre. On vit des gens courir, agiter les bras, appeler au secours. Un lourd chariot, traîné par des bœufs et qui transportait d’énormes troncs d’arbres, glissant sur l’humide pavé, avait heurté et à demi renversé un tombereau plein de briques, dont le cheval blessé gisait entre les brancards, dans une mare de sang. Les deux véhicules barraient la rue. La charrette de l’échafaud s’arrêta, et derrière elle, une file de voitures. Dans le tumulte et le désordre croissant, les bœufs s’affolaient, les passants s’attroupaient, s’affairaient, s’impatientaient. Les charretiers désemparés juraient et tempêtaient à qui mieux mieux, réclamant de l’aide.

Les deux hommes qui encadraient le condamné à mort, pressés et poussés par la foule, s’écartèrent quelque peu, curieux de voir ce qui se passait. Nadalet qui ne les perdait pas de vue, eut une inspiration subite. Une occasion inespérée s’offrait à lui.

Il fouilla dans sa poche, et prompt comme l’éclair, atteignant le beau jeune homme au beau milieu de la bousculade, il trancha ses liens d’un coup de couteau, et libérant les mains engourdies, dit à voix basse :

--- Sauvez-vous ! …

Un merci, à peine murmuré, lui répondit, et le prisonnier se glissa, avec adresse, dans les rangs de la populace. Le gamin, qui le suivait de loin, le vit arriver, sans trop de hâte, à l’entrée d’une ruelle voisine, et s’engouffrer, presque aussitôt, sous le portail béant d’une sombre écurie, au seuil de laquelle un tas de fumier pourrissait dans le ruisseau fangeux.

Nadalet revint alors vers la charrette des condamnés à mort. La rue n’était pas encore dégagée, mais les gardiens venaient de constater la disparition de leur prisonnier, donnaient l’alarme et se jetaient à sa poursuite. L’enfant s’en fut à toutes jambes.

Le soir même, il se présentait devant ma tante, le front triomphant :

--- Vous pouvez me laisser mon couteau, fit-il. Vous aviez voulu me donner un cadeau utile. Il m’a été bien utile, aujourd’hui.

--- Qu’as-tu fait ? … Une bonne action ?

--- Oui, et c’est mon couteau qui m’a aidé à la faire … J’ai sauvé un homme ! …

Bien sauvé, en effet. On apprit plus tard, par les gazettes, l’évasion de ce jeune condamné. En dépit des recherches, il resta introuvable. Ma tante avait une âme sensible. Elle donna un autre couteau à Nadalet et voulut garder, parmi ses reliques, cet utile cadeau de Noël qui avait sauvé la vie d’un homme.

 

Et Melle Adélaïde ajoutait, à l’adresse de Mme Andrieux :

--- Peut-être retrouverions-nous ce couteau, ma toute bonne, parmi d’autres vieilleries, dans l’une des deux ou trois caisses que j’ai apportées chez vous, et qui dorment, là-haut, sous la poussière, au fond de vos greniers …

 

Ma grand’mère n’a jamais su me dire si ses vieilles amies avaient retrouvé le couteau de Nadalet…

On peut voir encore, dans la partie la plus ancienne de notre cimetière, une pierre de la tombe de Mme Andrieux. Elle porte son nom, en lettres bien gravées, encore très lisibles.

La défunte était une femme de bien, que les pauvres du Bugue ont pleurée.

 

 

 

Signature cadeau

 

Bibliographie de Jean Vézère : https://data.bnf.fr/fr/10716526/jean_vezere/

 

Dans la lignée de cet article qui nous fait découvrir une femme de lettres oubliée, Terre de l'Homme publiera demain  : Regards mémoriels sur des personnages pratiquement tombés dans l'oubli (volet 1/4) par Pierre Fabre.


27/12/2020
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