Retour sur "C'étaient des copains, c'étaient des amis, ils étaient de la même génération...".
Aujourd'hui, Terre de l'homme entend, par un retour en arrière plus que mi-séculaire, revenir sur une migration qui a tendance à disparaître ; celle qui tourne autour des travaux agricoles saisonniers dont les vendanges étaient le point d'orgue. De nos jours, pour réduire les coûts d'exploitation et pour respecter les normes imposées pour la main d'œuvre saisonnière, les ressources ponctuelles se réduisent. La mécanisation s'est imposée dans la technique des vendanges. Elle s'est ajoutée à l'imposition de règles sanitaires minimums d'hébergement. Tout cela fait que les migrations de cette main d'œuvre saisonnière sont devenues fort limitées.
Le superbe château de Plain Point, à Saint Aignan, au coeur du vignoble fronsadois, à quelques encâblures de la bastide de Libourne, s'inscrit dans les sites patrimoniaux du Bordelais.
Ce lundi 1er octobre 1962, une escouade de jeunes gens, une jeune fille, un senior et deux grands-mères se présentent, vers 7 h 30, au guichet de la gare de Belvès pour rejoindre Libourne afin de découvrir ou redécouvrir le vignoble bordelais pour les vendanges. L'équipée était ouverte par M. À la demande de son épouse, le blog ne le citera pas dans ce billet. Cette occultation est certainement réductrice, pour le groupe dont il était le boute en train, mais ses amis, assurément, le reconnaîtront. M. avait "prospecté" parmi les jeunes de son secteur pour constituer une équipe. À l'époque, les jeunes en instance de stabilisation, ne rechignaient pas à se lancer dans cette activité saisonnière qui apportait un petit pécule. Pour les séniors, c'était une motivation d'appoint qui les amenait à quitter leur home pour quelques semaines.
Quelques personnages de cette équipée qui nous ont quittés.
M. "l'éclaireur conducteur" emportait donc la sympathie de tous. Il savait encourager, stimuler et valoriser ses compagnons. Il plaçait quelques bons mots qui faisaient saillie dans le groupe. Il n'y avait point de moindre notion de hiérarchie mais on se plaisait à le suivre.
Claude était un passionné par la nature qui l'entourait. Ce jeune aide familial agricole, d'une grande sensibilité, dans les exploitations agricoles où il apportait son concours, se plaisait à jauger le cheptel, tant le cheptel vif des bovins et ovins, dont il maîtrisait bien les critères et subtilités des élevages qualitatifs, que le cheptel, dit mort, introduit par la mécanisation. Cette immersion dans l'équipée vendangeuse lui fut profitable. Il l'a vécue avec l'enthousiasme d'une participation à un chantier collectif vivifiant. Claude vit le jour à Cénac le 22/9/1942. C'est à Belvès qu'une incontournable visiteuse, le 18/4/2018, l'emporta dans l'au-delà. https://terres-de-nauze.blog4ever.com/claude-basset-un-grand-ami-du-terroir-belvesois |
Photo Maryse Durand
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Photo d'archives de Marie-Louise Boutin
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Jean, dit Jeannot, un garçon très pondéré, adhérait naturellement à cette "émulation" juvénile où ce que l'on pensait ou disait, n'était pas forcément de la plus grande justesse scientifique. Ce garçon attachant et discret était plutôt à l'écoute tout en sachant parfaitement participer.
https://terre-de-l-homme.blog4ever.com/reconnaissez-vous-cet-accordeoniste-1
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Gérard n'a pas été reconnu dans la recherche initiale de C'étaient des copains, c'étaient des amis, ils avaient le même âge... mais ils ne sont plus.
Cueilli alors qu'il n'avait pas même pu chercher la ligne d'horizon, il ne pouvait laisser beaucoup de souvenirs.
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De haut en bas : Claude Basset, né le 22/9/1943 à Cénac, décéda le 20/4/2018 à Belvès. Gérard Roland, né le 23/04/1943 à Périgueux, s'est éteint fort prématurément le 8/10/1965 à Mazeyrolles. Jean, Jacques, Gabriel Boutin, né le 4/9/1945 à Rivière, lieudit de Grives, décédé le 15/1/1992, à Foncroze, lieudit de Saint Avit Senieur et, enfin, Jean Marie Brousse. Il naquit le 15 mars 1944 à Belvès et décéda à Pessac, le 13/7/2012.
Pêle-mêle, quelques souvenirs de Plain Point.
Pleinement imprégné par " la Cerisaie "*, l'œuvre de Tchekhov, pièce qui m'avait fait vibrer à l'entrée de l'été, je découvris Plain Point où mon esprit juvénile trouva des similitudes entre ce château du vignoble bordelais et la Cerisaie, riche propriété russe s'inspirant du domaine de Lioubimovka.
Tchekhov voulut dans "sa" Cerisaie, donner une place importante, voire majeure au personnel. Firs, personnage conservateur, au point paradoxal de regretter l'abolition du servage, et admirateur de ses maîtres, avait, sans le savoir, quasiment une emprise sur eux.
Parlons un peu des personnages de Plain Point.
Le maître de Plain Point, Denis Ardon, un personnage doté d'une forte personnalité, semblait s'effacer volontairement devant son régisseur Pierre Lucas. Denis Ardon avait quelques difficultés pour se mouvoir. Il prenait cependant un plaisir manifeste, quand il le pouvait, à conduire la récolte au chai. Ce maître du lieu qui a accueilli ses saisonniers avec une chaleur encourageante, tint le jour du départ, avec une délicatesse raffinée, à remettre, à chacun d'eux, une des fines bouteilles du château en remerciant, individuellement, ces participants, après l'excellente vendange de 1962.
Pierre Lucas, un érudit, chantre du vignoble, était le régisseur d'un domaine qu'il affectionnait et connaissait dans ses moindres détails. D'aucuns pourraient, à la légère, dire que cela ne peut être que logique. Il situait naturellement avec une aisance surprenante, tous les secrets des cépages, la date des implants, comment on devait les combiner pour obtenir les meilleurs résultats. Le régisseur, toujours de la plus parfaite courtoisie avec tous, se réjouissait de l'idéale harmonie qui régnait à Plain Point. Il se plaisait d'en souligner ses bienfaits. Il captivait tout un chacun, certes par ses connaissances viticoles, mais bien au-delà par ses regards sociétaux qui, à mon humble avis, étaient pleins de bon sens, de savoir livresque et d'objectivité.
Si Pierre Lucas, l'intendant de Plain Point, célibataire, donnait le la en ces lieux, un couple, hasard d'homonymie parfaite de prénom et de nom, d'autres Lucas, faisait vivre Plain Point. Le technicien agricole était en quelque sorte le maître de chai et le conducteur des labours. Jacqueline, son épouse, était la "gestionnaire" de toute la partie collective de Plain Point. Ils donnaient l'impression d'être plus que des collaborateurs mais, plutôt, des associés à une œuvre collective.
J'allais oublier la mère de Denis Ardon, personnage que l'on assimilait à une "douairière" pleine d'attention, de raffinement et de délicatesse. Les quelques dames, qui ont participé à ces vendanges, étaient logées au château. La gent masculine était installée dans des locaux, un peu spartiates, mais parfaitement corrects. La salle des repas, elle aussi, laisse un excellent souvenir et dans cette salle, nous avons clos cette campagne de vendange, comme la tradition le voulait, avec une sympathique gerbe-baude.
Cette marche en arrière, au mois d'octobre prochain, nous ramènera 59 ans en amont mais c'est un bon, très bon souvenir de jeunesse, souvenir précédant de très peu mon entrée dans la vie active... dans un domaine bien différent.
Pierre Fabre
Sur la gauche de l'image, le bâtiment de l'intendance du château avec, au rez-de-chaussée, le réfectoire des saisonniers.
Photos Château Plain-Point.
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Ce retour en arrière, pour la partie saint-aignanaise, s'est glissé dans ce billet grâce à l'obligeance de Marylène Bordeille, conseillère municipale de cette commune viticole, et de son époux Patrick que "Terre de l'homme" salue amicalement. |
Marylène et Patrick Bordeille, les sympathiques hôtes du Château Lambert. J'ai hâte de les rencontrer pour renouer, l'espace d'un passage fugitif, avec Saint Aignan.
https://www.facebook.com/ChateauLambert
Un grand merci, aussi, à Maryse Durand et à Michel Lafon, contributeurs de "Terre de l'homme" pour le petit plus qu'ils ont apporté.
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* "La Cerisaie" fut audacieusement jouée à la charnière du printemps et de l'été, en 1962, par la Troupe de Sagelat. Ce grand moment théâtral, œuvre fascinante que le dramaturge russe voulut énoncer comme une comédie, est, à mon sens, la plus grande "aventure" de la troupe, non seulement parce qu'elle fut brillante mais, aussi, parce qu'elle joua sans les moyens scéniques minimums.
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