Terre de l'homme

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La rose de l'Alhambra, épisode n° 20, L'Italien, par Françoise Maraval

 

La rose de l’Alhambra

 

Résumé des épisodes précédents.

 

Isabelle, fille aînée de viticulteurs du Bas Languedoc, Arthur et Marguerite Garrigues, par son mariage avec Miguel de Almanzar, est entrée dans une riche famille espagnole de la région de Valencia.

 

L’unique propriétaire des lieux, Luciana Ferrero, a dû se résigner, en épousant son voisin Juan de Almanzar, simple maraîcher et cela, faute de soupirant. Ce dernier intéressé par l’« affaire » proposée par son futur beau-père, Luis Ferrero, partage désormais la vie de Luciana et se retrouve à la tête de l’orangeraie sans en être le propriétaire. Il a rempli son contrat : un enfant est né de cette union. C’est Miguel, l’enfant chéri de Luciana, conservatrice et fanatiquement religieuse.

 

Mais, une rivale amenée par son fils va savoir trouver sa place dans la vaste demeure et lui faire de l’ombre. Ainsi, Isabelle, devenue Isabella, provoque quelques bouleversements à l’ordre établi avec la complicité de Miguel, son mari. Trois enfants sont nés de cette union : Juan, né en 1879, Maria-Isabella, née en 1883 et enfin Alfonso, en 1893.

Alors qu’une épidémie de choléra ravage le pays, le domaine est épargné grâce à l’application de gestes barrières et aussi grâce à la vaccination.

 

La pandémie à peine terminée, un incendie détruit l’oliveraie voisine des Alvarez.

Le bilan est lourd, le propriétaire meurt des suites de ses brûlures. Miguel de Almanzar recueille la petite Olivia Alvarez devenue orpheline et rachète la propriété de ses parents. L’enfant récupérera l’argent de la vente à sa majorité.

Des années ont passé et Juan junior et Olivia s’aiment mais Miguel de Almanzar s’oppose au mariage. Les amoureux quittent le domaine et Juan trouve un emploi de jardinier à Aranjuez. La nouvelle vie est difficile. Ils attendent la majorité d’Olivia pour qu’elle puisse récupérer son héritage chez le notaire de Bárriana. Il est grand temps car Olivia est enceinte…

 

Des jumeaux ont vu le jour ; ils sont très beaux et se nomment : Violetta et Vincente. Le fils Juan s’est rapproché de son père ; il est de retour à l’oliveraie qu’il administre en tant que nouveau propriétaire. Miguel de Almanzar en est heureux d’autant plus qu’une maladie le ronge. Il a définitivement repoussé son épouse. Cette dernière, Isabelle, s’est amourachée du professeur principal de son plus jeune fils : le professeur Fernando Delgado.

 

Elle se réfugie au domaine des Belles Demoiselles après le décès de son mari, en compagnie de son amant Fernando Delgado. Celui-ci quitte l’enseignement et reprend l’exploitation viticole d’Arthur Garrigues devenu son beau-père.

 

Le jeune Alfonso a terminé ses études à l’Université de Salamanque.

 

 

 

Épisode 20

 

L’Italien

 

 

Dès le mois de septembre 1914, la guerre a été très meurtrière. On déplorait déjà de nombreux morts, blessés et disparus. Le Bas Languedoc n’était pas épargné et d’anciens journaliers viticoles autrefois embauchés au domaine des Belles Demoiselles, faisaient partie des victimes. Arthur Garrigues, accompagné de son gendre, rendait des visites aux familles endeuillées et meurtries dans leur chair. Les déplacements d’Arthur devenaient difficiles et le voir franchir le seuil des maisons allait droit au cœur de leurs habitants.

 

Isabelle entretenait une correspondance régulière avec ses enfants. Maria-Isabella, à Madrid, lui parlait de sa vie madrilène, de son mari, de la bijouterie où, maintenant, elle était capable non seulement d’accueillir les clients mais aussi de les conseiller.

Juan junior prêtait sa plume à Olivia pour répondre aux missives de sa mère. Avec les deux exploitations à diriger, il avait bien sûr peu de temps à consacrer à l’écriture mais son épouse faisait cela très bien. La nouvelle maîtresse des domaines décrivait à merveille la vie quotidienne ; et, à travers ses écrits, on comprenait clairement que ses enfants, Violetta et Vincente, étaient en progrès constant et apportaient beaucoup de joie au sein du couple. Elle n’oubliait pas de renseigner sur l’état de santé de l’abuelo, Juan senior, lui aussi rattrapé par l’âge.

Alfonso était le moins réactif, peut-être parce qu’il passait les 3 mois d’été avec elle, mais aussi parce qu’il ne voulait pas tout dévoiler sur ses activités.

 

Isabelle allait souvent au bureau de poste de Fabrègues pour y envoyer ses correspondances. Un jour, alors qu’elle s’était garée sur la place principale, elle a senti derrière, qu’une personne lui emboîtait le pas et ce pas se faisait de plus en plus pressant, si bien qu’avant d’entrer dans l’office, elle l’avait sur les talons. Elle avait compris à sa démarche qu’il s’agissait d’un homme et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle ne s’était pas retournée.

Une fois dans le bureau de poste, en attendant son tour, elle a voulu voir de qui il s’agissait en regardant par la fenêtre. L’homme lui disait quelque chose et en l’espace de quelques secondes, elle l’a reconnu. Ses traits avaient durci mais c’était lui, l’Italien de sa jeunesse. Elle s’en est trouvée troublée.

En sortant de la Poste, la place était déserte.

 

 

Place de F

 

 

La place de Fabrègues

 

Arrivée au niveau de sa voiture, sortant de nulle part, l’Italien l’a saisie par le bras avec une violence telle, qu’en un rien de temps, elle s’est trouvée collée à lui. Elle s‘est débattue et a réussi à crier, à appeler au secours. Des gens sont sortis des commerces voisins ; alors, démasqué, il l’a jetée à terre avant de prendre la fuite.

On a aidé Isabelle à se relever et elle a été emmenée à la pharmacie toute proche. Après une bonne demi-heure de repos et la prise d’une potion magique, elle a pu rentrer au domaine des Belles Demoiselles. Il fallait absolument mettre Fernand au courant de cette vieille histoire qu’il ne connaissait pas, avant que la rumeur lui arrive, sans doute déformée.

 

Isabelle a relaté à son mari sa mésaventure en présence de ses parents. Le récit avançant, on a pu constater que la figure de Fernand se déformait de colère. Si, en cet instant, il avait eu le goujat entre les mains, il l’aurait sûrement tué. Pour se calmer, il est allé marcher dans les vignes et, de retour, il a échafaudé un plan pour punir l’Italien. Pour cela, il avait besoin des frères de Ramon et une mission a été confiée à Hortense, l’institutrice de Fabrègues.

 

La maîtresse d’école a fait son enquête et il en ressortait que l’Italien descendait au village, chaque mardi, pour y vendre ses fromages.

Fernand voulait se confronter à lui. Avec ses complices, les frères de Ramon, le mari d’Isabelle s’est rendu le mardi matin suivant au village. L’homme du Haut-Languedoc ne s’y est pas présenté. Il devait se méfier. Enfin, le mardi de la vengeance est arrivé. L’Italien était attendu et a, tout de suite, été identifié par un coup de sifflet. Il a été saisi par les deux bras, un frère Sanchez à chaque bras. Une fois maîtrisé, Fernand Delgado s’est présenté à lui, à une distance de deux mètres.

 

- Je suis Fernand Delgado, le mari d’Isabelle, la jeune fille que tu as cherché à déshonorer, il y a 40 ans, et que tu as humiliée et jetée à terre, le dernier mardi où tu es venu. Je ne vais pas te toucher mais sache bien que tu ne perds rien pour attendre. Je vais te traquer comme un animal sauvage. Retiens bien mon nom, Fernand Delgado.

 

Et s’adressant aux frères Sanchez :

 

- Maintenant, vous pouvez le lâcher.

 

L’Italien ne savait plus marcher, il titubait en quittant la place. Un attroupement s’étant formé autour de la scène, pour clore l’incident, Fernand Delgado a payé un coup à boire à tous les curieux.

 

On n’a jamais revu l’Italien. On n’a pas su où il allait vendre ses fromages ! Plus tard, on a appris que c’était sa femme qui descendait à Fabrègues, une femme qui a dû être très belle.

 

L’incident n’a pas été oublié. Les parents d’Isabelle étaient fiers de leur gendre et de la façon dont il avait réglé l’outrage, avec sagesse mais aussi avec fermeté.

 

 

Françoise Maraval

 

Rose

 

 

 

 



15/09/2024
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